Trois Belges sur quatre sont prêts à partager leurs données de santé avec leur assureur en échange d’une prime moins chère. Mais la législation belge impose des limites strictes à cette marchandisation de nos habitudes de vie.
Le baromètre de la tranquillité financière de l’assureur NN, qui a interrogé 1.396 Belges, révèle un paradoxe : 73% des répondants sont favorables à une augmentation temporaire du remboursement des frais médicaux après des examens préventifs, tels que des analyses de sang et des dépistages du cancer. À titre de comparaison, l’INAMI prévoit déjà une telle augmentation des remboursements pour les personnes effectuant des contrôles dentaires annuels.
43% des personnes interrogées estiment qu’il devrait être possible de bénéficier d’une réduction de prime d’assurance en adoptant un comportement sain, comme marcher 10.000 pas par jour, pratiquer un sport ou manger sainement. Autant de données que votre smartwatch ou application de fitness collecte déjà quotidiennement.
Contre la loi
Là où le bât blesse, c’est que la Belgique a adopté une des législations les plus protectrices d’Europe concernant les objets connectés et les assurances. Contrairement à des pays comme Singapour ou les États-Unis où ces pratiques sont encouragées, la loi belge interdit formellement aux assureurs d’utiliser les données de smartwatches, applications fitness ou tout autre objet connecté pour calculer les primes ou accepter/refuser des contrats d’assurance vie ou maladie.
Les assureurs peuvent bien poser des questions relatives à la santé pour évaluer le risque pour certaines assurances spécifiques (assurance vie, solde restant dû, revenu garanti, hospitalisation), mais la collecte de données supplémentaires est strictement encadrée par le RGPD.
Le modèle singapourien : 10 000 pas pour payer moins
Ailleurs, le modèle existe déjà. À Singapour, le gouvernement encourage activement les soins préventifs via son application Healthy 365. Les citoyens accumulent des points santé en marchant et en faisant de l’exercice quotidiennement. Ces points peuvent être convertis en vouchers. Un programme pilote récent permet même aux personnes de 40 ans et plus de les échanger contre des réductions sur leurs primes d’assurance. Les assureurs privés, comme AIA Vitality, proposent également des réductions de prime allant jusqu’à 15% pour les assurés qui maintiennent un mode de vie actif.
Aux États-Unis, John Hancock Vitality Insurance propose un modèle similaire : les clients qui font des choix de vie sains, pratiquer une activité physique, effectuer des bilans préventifs ou bien se nourrir, sont récompensés par des réductions sur leur assurance vie.
Incitation ou discrimination ?
“Nos recherches montrent que les individus sont prêts à adopter des comportements sains”, explique François Jacob, responsable Produit & Innovation chez NN. “En tant qu’assureur, nous souhaitons ouvrir le débat sur les moyens de renforcer la prévention dans notre pays.”
Colin Sanders, expert en longévité chez NN, ajoute : “Aujourd’hui, faire un bilan de santé préventif ou adopter un mode de vie actif apporte avant tout un sentiment de bien-être. C’est précieux, mais insuffisant. En tant que société, nous avons tout à gagner à valoriser financièrement les comportements sains.”
Mais, la question mérite d’être posée : un tel système ne risque-t-il pas de créer une assurance à deux vitesses, où ceux qui peuvent se permettre un mode de vie sain (alimentation bio, abonnement sportif, temps pour faire de l’exercice) paieraient moins que les autres ?
Un Belge sur trois zappe son dépistage
Selon bevolkingsonderzoek.be, un Belge sur trois ne répond pas à son invitation à un dépistage du cancer, et seulement deux personnes sur trois ont passé un test sanguin au cours de l’année écoulée. L’INAMI prévoit déjà une augmentation des remboursements pour les personnes effectuant des contrôles dentaires annuels, un modèle qui pourrait inspirer d’autres initiatives préventives.