Voitures électriques: quel impact sur l’assurance auto ?

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

L’électrification du parc automobile n’est pas sans conséquence pour les assureurs. De l’augmentation des prix d’achat à la hausse des frais de réparation en passant par le risque de vol ou d’incendie, plusieurs facteurs risquent à terme de gonfler les primes.

On le sait, la voiture électrique a le vent en poupe. Selon l’Agence internationale de l’énergie, plus de 10 millions de ce type de véhicules ont été vendus en 2022 dans le monde, et les ventes devraient encore croître de 35 % cette année pour atteindre 14 millions d’unités. Entre 2020 et 2022, la part de marché des voitures électriques est ainsi passée de 4 à 14 % et devrait encore augmenter cette année.

Ce que l’on sait moins, c’est que ce boom de l’électrique n’est pas sans conséquence pour les assureurs qui doivent faire face à une augmentation des frais exposés. C’est ce que met en évidence un récent rapport du cabinet de consultance Square Management Belgium. Même si les primes des véhicules thermiques vont également augmenter (+ 40 % d’ici 2030), ce sont les véhicules électriques qui devraient tirer le marché vers le haut. Du prix d’achat aux coûts de réparation en passant par l’apparition de nouveaux risques, plusieurs facteurs vont contribuer à ce phénomène d’inflation, avance la société de conseil en préambule de son rapport.

Prix d’achat plus élevés

Dans ce contexte marqué par une utilisation grandissante des voitures électriques, le premier facteur qui, selon Square Management Belgium, est de nature à pousser les primes à la hausse, c’est d’abord l’augmentation des prix à l’achat. Le prix catalogue d’un véhicule électrique est en effet significativement plus élevé que celui d’un modèle à moteur thermique. A titre d’exem­ple, la Golf essence la moins chère du marché coûte actuellement environ 30.000 euros, tandis que son homologue électrique (ID.3) n’est disponible qu’à partir de 43.900 euros. La Golf électrique est donc 40 % plus chère. Chez Renault, la Megane électrique est 37 % plus chère que le modèle à moteur thermique le moins cher (39.350 euros contre 27.825 euros).

Les différences de prix sont par contre moins marquées pour les modèles de la gamme supérieure. Exemple chez BMW où par rapport au grand SUV X5, sa petite sœur électrique iX (81.400 euros) est “seulement” 20 % plus chère. N’empêche : la tendance est là. Bien là.

“Le niveau d’équipement d’un véhicule électrique ou hybride est généralement bien supérieur à celui d’un véhicule thermique standard, situe Geoffrey Laloux, practice lead digital & innovation chez Square Management Belgium. Ce sont bien sûr les batteries mais aussi des équipements sophistiqués comme les caméras qui détectent les changements de bande de circulation ou les radars de proximité qui signalent un véhicule trop proche. Et comme ces technologies de pointe sont en constante évolution, le prix moyen d’un véhicule électrique est plus élevé.”

Mais, ajoute le consultant, “cette différence de prix devrait tout de même diminuer à long terme, notamment en raison de la baisse des coûts de production des batteries. De plus, à mesure que la concurrence s’intensifie et que les fabricants réaliseront de plus grandes économies d’échelle, cet écart se réduira encore davantage.”

Un nouveau risque qui est apparu concerne le vol ou la dégradation du câble de recharge. © Getty Images

Mais un autre phénomène joue en sens inverse : la disparition des petites voitures thermiques bon marché. “On assiste en effet à une montée en gamme des voitures thermiques, poursuit Geoffrey Laloux. Les petits modèles du style VW Lupo disparaissent. Ce phénomène s’est accentué durant le covid qui a rallongé les délais de fabrication et de livraison, les cons­tructeurs préférant donner la priorité aux véhicules thermiques haut de gamme comme les SUV, ce qui pousse là aussi les frais et les primes à la hausse”.

Coûts de réparation plus importants

A cette tendance en matière de prix d’achat s’en ajoute une autre : les coûts de réparation. Ces derniers sont nettement plus élevés que pour les véhicules thermiques. S’il y a moins de pièces mécaniques à réparer sur une voiture électrique, leur complexité et leur niveau technique rendent les réparations plus longues et plus coûteuses. “Le coût de réparation moyen est en effet plus élevé, tant en ce qui concerne les pièces, en moyenne plus coûteuses, que les coûts de main-d’œuvre, plus spécialisée et donc plus coûteuse également (de 15 à 20 %)”, indique Daniela Rizzo, responsable de l’activité non-vie (auto, habitation, etc.) et membre du comité de direction de Belfius Insurance. Changer un pare-­brise demande par exemple de recalibrer les caméras qui se trou­vent au niveau du rétroviseur central. Idem pour les pare-chocs. Etc. “Tout cela occasionne des sur­coûts additionnels et tend à restreindre le marché de la réparation aux concessionnaires, qui sont eux-mêmes plus chers que les garagistes indépendants”, souligne Geoffrey Laloux.

Les sociétés de dépannage doivent s’adapter et répercutent le prix de leurs prestations auprès des assureurs.”

Geoffrey Laloux

(Square Management Belgium)

Autre mauvaise nouvelle pour les automobilistes, la logistique de dépannage est elle aussi complètement différente. “Un véhicule électrique en panne est plus difficile à remorquer, il doit être enlevé avec une grue et déposé sur un camion plateau, pointe encore Geoffrey Laloux. Les sociétés de dépannage doivent forcément s’adapter et répercutent le prix de leurs prestations auprès des assureurs.”

Pour corser le tout, on observe également une hausse des sinistres liés à des véhicules électriques, notamment à cause d’un mode de conduite pas encore totalement maîtrisé par les conducteurs. Une étude de l’assureur Axa montre que les voitures électriques sont impliquées dans 50 % d’accidents en plus que les modèles à combustion. “La cause principale de ces accidents supplémentaires vient du fait que les conducteurs ne sont pas suffisamment préparés pour conduire une voiture électrique dont la puissance est immédiatement disponible : elle accélère nettement plus fort et plus vite, ce qui peut surprendre les conducteurs qui ne sont pas habitués, précise Geoffrey Laloux. En outre, conduire une voiture électrique demande davantage de prudence dans certaines circonstances à cause de l’inertie du véhicule, plus importante. On ne prend pas un virage de la même manière sur une route mouillée avec un véhicule électrique de deux tonnes et plus.”

Toutefois, selon Daniela Rizzo, “ce n’est aujourd’hui pas le fait qu’une voiture soit électrique en tant que telle qui impacte principalement le risque, et donc le montant des primes, mais d’autres éléments tels que la puissance ou la valeur du véhicule, lesquels sont déjà des critères de tarification que nous utilisons qu’importe le type de véhicule. Raison pour laquelle nous n’avons pas pris la décision d’appliquer une différence de prix entre les deux catégories pour des véhicules présentant des caractéristiques identiques. ll n’est pas exclu que ce soit le cas un jour mais, pour le moment, cette différenciation dans le pricing n’existe pas chez Belfius Insurance. A cet égard, nous suivons de près les différents éléments pouvant influencer tant négativement que positivement le risque lié à l’usage de véhicules électriques à l’avenir.

De nouveaux risques

Quant à la fréquence des dossiers de sinistres liés à des accidents impliquant des véhicules électriques, elle devrait notamment se réduire grâce au fait qu’ils deviennent de plus en plus intelligents”, complète la responsable de Belfius Insurance, précisant que les véhicules électriques peuvent aujour­d’hui même bénéficier d’une tarification légèrement plus avantageuse au travers de la réduction octroyée par le bancassureur pour les véhicules moins polluants.

Ce n’est pas le fait qu’une voiture soit électrique en tant que telle qui impacte le montant des primes, mais d’autres éléments tels que la puissance ou la valeur du véhicule.”

Daniela Rizzo

(Belfius Insurance)


Qui dit voitures électriques ne dit pas seulement coût global plus élevé. Avec les technologies embarquées, de nouveaux risques comme le cyber risque ou le vandalisme sont à prendre en compte dans le calcul des primes. “Un nouveau risque qui est apparu concerne le vol ou la dégradation du câble de recharge, que nous avons décidé de couvrir gratuitement, illustre Daniela Rizzo. Nous considérons en effet le câble comme faisant partie des accessoires non montés d’origine sur le véhicule, qui sont couverts à concurrence d’un mon­tant maximum de 1.250 euros. Nos conditions générales seront d’ailleurs prochainement adaptées afin de rendre cette couverture plus transparente vis-à-vis de nos clients.”


Dans un autre registre, il y a aussi les incendies. “L’expérience montre que les véhicules électriques ne prennent pas feu plus souvent, explique Geoffrey Laloux. Le risque d’incendie n’est donc pas plus élevé que pour un moteur thermique. En revanche, la batterie d’une voiture électrique est très difficile – voire impossible – à éteindre en raison des réactions chimiques qui se produisent à l’intérieur. Le risque que l’incendie se propage à d’autres véhicules ou à l’ensemble d’un bâtiment environnant est donc beaucoup plus grand. Comme les recharges peuvent également être effectuées à domicile, sur une borne dédiée ou via une prise électrique classique, il est pertinent de prévoir l’extension de l’assurance incendie au domicile même. Ou d’étendre l’assurance incendie du domicile à la voiture, de façon à prendre ce risque en charge d’une manière ou d’une autre.

Par ailleurs, l’installation de bornes de recharge dans un parking demande également d’investir dans des lances d’incendie, des gicleurs et des capteurs de chaleur supplémentaires, ce qui entraîne bien sûr des coûts supplémentaires.”

Bref, résume Geoffrey Laloux en guise de conclusion : “Si l’achat d’une voiture électrique ou l’installation d’une borne de recharge n’augmente pas directement à l’heure actuelle les RC auto, notamment parce que les assureurs répartissent ce coût global en augmentation sur l’ensemble des primes auto en portefeuille, il est toutefois fort probable que les primes d’assurance pour véhicules électriques seront réévaluées dans le futur à mesure que ce segment se généralisera.” Manière de dire que beaucoup d’efforts sont faits pour ne pas étouffer ce marché toujours émergent. On peut en effet difficilement demander aux citoyens et aux entreprises d’accentuer la transition écologique et, dans le même temps, leur faire payer l’intégralité du coût de cette transition. Mais à long terme, ce ne sera pas tenable. Et donc, il y aura vraisemblablement une majoration des primes.

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