Une assurance (presque) tous risques

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Alors que les marchés ont plutôt bien fini 2023, tous les risques n’ont certainement pas disparu. A peu près tous sont reliés à l’inflation dont vous pouvez vous protéger grâce aux obligations indexées.

Même s’ils font l’actualité, les événements géopolitiques ont traditionnellement un impact limité sur les Bourses. Essentiellement parce que les conflits et autres événements n’affectent pas la dynamique économique mondiale, ni la politique des banques centrales. La principale exception est la guerre du Kippour en 1973. Les mesures de rétorsion de l’Opep avaient alors plongé le monde occidental dans le premier choc pétrolier et la stagflation, soit une forte inflation avec une faible croissance. Nous sommes heureusement très loin d’un tel scénario. L’Opep n’envisage guère d’embargo et les Etats-Unis sont aujourd’hui le premier producteur de pétrole au monde.

La menace inflationniste est par contre bien réelle. Le rythme de la hausse des prix a certes ralenti depuis les sommets atteints en 2022 (9% aux Etats-Unis et 10,6% dans la zone euro) mais cette désinflation est largement attribuable au reflux des cours de l’énergie. L’inflation sous-jacente, excluant les prix plus volatils de l’énergie et des aliments non transformés, demeure sous tension. En octobre, elle était ainsi de 5% dans la zone euro et de 4% aux Etats-Unis, largement supérieure à l’objectif d’environ 2% des banques centrales.

Et les tensions inflationnistes devraient perdurer structurellement, comme l’explique Etienne de Callataÿ, économiste en chef d’Orcadia Asset Management. “Tout d’abord, la mondialisation a été un important facteur déflationniste depuis les années 1980 grâce, notamment, à la délocalisation de l’industrie vers la Chine. Aujourd’hui, les tensions commerciales et la hausse des salaires en Chine en limitent l’effet.”

Changement climatique

Etienne de Callataÿ épingle ensuite une meilleure redistribution de la valeur ajoutée. “Ces dernières décennies, les gains de productivité ont surtout profité aux actionnaires. La hausse limitée des salaires avait ainsi circonscrit la progression des prix. Depuis quelques années, on observe toutefois un rééquilibrage au profit des travailleurs.” Par exemple, notamment, l’accord salarial dans le secteur automobile aux Etats-Unis: après un vaste mouvement de grève, les trois constructeurs automobiles historiques (GM, Ford, Stellantis/Chrysler) ont en effet accepté de relever les salaires de 25%.

Enfin, “le dérèglement climatique est aussi de nature inflationniste, poursuit l’économiste en chef. La hausse des températures et des événements climatiques extrêmes vont inévitablement peser sur les rendements agricoles et la productivité des travailleurs. Cela engendrera aussi des risques plus élevés, renchérissant le coût des assurances ou pouvant aller jusqu’à rendre certaines activités impossibles, ce qui limite la concurrence et augmente les prix. Les subsides destinés à soutenir la transition ont aussi un effet inflationniste, différentes études ayant mis en évidence que les producteurs et distributeurs ont tendance à gonfler les prix quand l’acheteur bénéficie d’une aide.”

En résumé, les pressions inflationnistes résultent d’un ensemble de tendances structurelles. Quand elles sont amplifiées par un événement inopiné, comme la crise énergétique de 2022, les prix s’emballent. Malheureusement, de nombreux risques menacent à tout moment de renforcer l’inflation. Comme un embargo pétrolier (inattendu) résultant du conflit au Moyen-Orient, une aggravation des tensions commerciales opposant la Chine à l’Europe et aux Etats-Unis, des perturbations dans le commerce mondial, une création monétaire trop forte de la part des banques centrales, etc.

Le point commun entre toutes ces menaces est ainsi l’inflation. Pour s’en prémunir, l’investisseur peut se tourner vers les actifs classiques. Les actions, par exemple, bénéficient d’une certaine protection, leurs prix de vente suivant naturellement l’inflation, mais des éléments perturbateurs temporaires peuvent peser sur les cours comme un ralentissement économique (stagflation), de fortes hausses de salaire pesant sur les marges ou la hausse des taux d’intérêt.

L’or est traditionnellement considéré comme la réserve de valeur par excellence, mais le métal jaune est volatil et ne fournit aucun rendement récurrent (au contraire, sa conservation a un coût). Contrairement aux obligations indexées sur l’inflation.

Etienne de Callataÿ
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La hausse des températures et des événements climatiques extrêmes iront jusqu’à rendre certaines activités impossibles. Ce qui limitera la concurrence et pèsera sur les prix.” – ETIENNE DE CALLATAŸ (ORCADIA ASSET MANAGEMENT)

Rendement réel

Concrètement, une obligation indexée est une obligation dont le capital et les intérêts sont liés à un indice des prix à la consommation, comme les salaires en Belgique. Elle vous protège ainsi contre le risque inflationniste mais n’est toutefois pas complètement immunisée des aléas de marchés.

Structurellement, le rendement d’une obligation classique compense deux risques clés: l’érosion du pouvoir (inflation) et la fluctuation du taux d’intérêt réel (le rendement excédant l’inflation) pendant la durée de l’obligation. Avec une obligation indexée, l’investisseur ne supporte qu’un seul risque: l’évolution du taux d’intérêt réel.

La forte hausse des taux réels explique ainsi la baisse des cours des obligations indexées en 2022, qui a été nettement moindre que pour les obligations classiques. A noter que la différence de rendement entre une obligation classique et une obligation indexée comparable (émetteur, durée) est appelée le point mort d’inflation, une des principales mesures de l’inflation attendues par les marchés.

Pour les obligations de l’Etat français indexées suivant l’indice européen des prix à la consommation, ce point mort est actuellement d’environ 2,5%. En d’autres termes, le rendement à l’échéance d’une obligation indexée sera plus élevé qu’une obligation classique si l’inflation est supérieure à 2,5%. Dans le cas contraire, le rendement sera moindre mais votre portefeuille aura globalement été moins risqué et moins volatil. On remarquera qu’en cas de déflation (baisse des prix) extrême, l’investisseur est protégé puisque le prix de remboursement à l’échéance d’une obligation indexée ne peut généralement pas être inférieur à son prix d’émission.

Comment investir?

Si vous souhaitez y investir, vous pouvez acquérir sur les marchés des obligations indexées émises par les grands pays de la zone euro (France, Allemagne, Italie, Espagne). Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Danemark, la Pologne ou le Brésil émettent aussi des obligations indexées, mais vous devrez alors composer avec un risque de change.

L’autre option est un fonds en obligations indexées comme l’ETF indiciel iShares € Inflation Linked Govt Bond (Euronext Amsterdam ; IBCI ; IE00B0M62X26 ; frais annuels de 0,09%). Ce dernier investit uniquement en obligations souveraines de la zone euro, surtout françaises (43%) et italiennes (29%).

Du côté des fonds actifs, le mieux noté par Morningstar dans la catégorie des obligations indexées est Capital@Work Foyer Umbrella Inflation – D (LU0175697324 ; frais annuels de 0,93%). Le fonds investit davantage en obligations indexées allemandes et mise également sur les obligations américaines.

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