La Belgique est-elle mieux préparée que l’Espagne face à des pluies torrentielles ?

Valence en Espagne, après le déluge.
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Les pluies torrentielles en Espagne, qui ont causé plus de 215 morts, rappellent la catastrophe de juillet 2021 en Wallonie. Dans quelle mesure la Belgique est-elle préparée à de tels événements ? Et que se passerait-t-il si les dommages se chiffrent encore en milliards ? L’expert en hydrologie Patrick Willems et Hein Lannoy, directeur général de l’association des assureurs Assuralia répond à nos questions.

Lorsqu’une catastrophe naturelle touche la Belgique, une crise financière menace souvent les sinistrés. En 2021, lors des graves indondations du mois de juillet, la Wallonie a subi des dommages totalisant 2,4 milliards d’euros. A Valence, en Espagne, ce chiffre pourrait être largement dépassé. En Flandre, ce qu’on appelle une “bombe à eau” pour désigner des pluies torrentielles ou inondations soudaines provoquant des dégâts importants, en comparaison à une explosion d’eau, causerait probablement plus de dégâts qu’en Wallonie. 

Quelles avancées en matière de prévention et d’alerte ? 

Depuis la catastrophe de 2021, la Belgique a pris des mesures pour mieux gérer les inondations. Ann van Griensven, professeure d’hydrologie à la VUB, explique VRTNWS que des modèles fiables d’inondation et un système d’alerte efficace ont été mis en place pour informer les autorités locales et les secours à temps. En Espagne, les de telles alertes sont arrivées tardivement en raison du relief montagneux, qui a fait déferler les eaux soudainement et complique la réactivité. En Flandre, au contraire, l’eau stagne davantage en raison de la surface plane, un facteur qui entraîne d’autres risques, mais où le système d’alerte fonctionne bien.  

La Flandre est-elle mieux protégée contre les inondations ? 

“Le ‘Blue Deal’, lancé en 2020, visait d’abord la sécheresse, mais nous avons vite compris que le changement climatique amène aussi des pluies plus intenses”, précise Patrick Willems. Grâce à ce plan et aux fonds européens, divers projets pilotes ont permis de tester des solutions de gestion de l’eau. Cependant, les effets restent limités sans mise en pratique à grande échelle. La réduction récente des budgets alloués aux projets environnementaux par le gouvernement flamand complique l’extension de ces initiatives 

Selon Willems, le rapport Weerbaar Waterland montre qu’une approche par bassin versant est cruciale. “Chaque région a ses propres risques et besoins, donc il est essentiel de cartographier les zones vulnérables et d’élaborer des plans d’action incluant tous les acteurs : agriculteurs, villes, organisations environnementales et industries.” Environ 500.000 Flamands vivent dans des zones à risque, un chiffre qui, selon Willems, ne fera qu’augmenter avec le changement climatique. 

“Chaque région a ses propres risques et besoins, l est essentiel de cartographier les zones vulnérables et d’élaborer des plans d’action incluant tous les acteurs : agriculteurs, villes, organisations environnementales et industries.”

Patrick Willems

Expert en hydrologie

Quels dommages sont couverts en cas de catastrophes naturelles ? 

“En 2021, le plafond légal pour les indemnisations des catastrophes naturelles était de 320 millions d’euros. Les assureurs ont doublé ce montant et accordé un prêt sans intérêt au gouvernement wallon pour compenser les victimes”, rappelle Hein Lannoy. Récemment, ce plafond a été relevé sans concertation à 1,6 milliard d’euros. “Toute somme au-dessus de ce montant ne sera pas couverte, car rien n’a été prévu. Les assureurs ont des limites de ce qu’ils peuvent supporter.” 

Lannoy souligne l’urgence de trouver une solution, comme le montre la situation en Espagne. Même si les dégâts sont sous le plafond des 1,6 milliard d’euros, les remboursements prendront du temps. “Les assureurs doivent d’abord évaluer la totalité des dommages, ce qui implique souvent des litiges et peut prendre deux ans avant de finaliser les paiements.” 

Les assureurs peuvent-ils encourager la prévention ? 

Les assureurs envisagent d’augmenter les primes pour les bâtiments situés dans des zones vulnérables. Certaines entreprises doivent déjà mettre en place des mesures de protection, mais pour les particuliers, ces exigences ne font pas partie de l’assurance habitation de base. Les conseils aux particuliers restent limités : couper l’électricité à temps et déplacer les véhicules dans des zones élevées en cas de mauvais temps annoncé. Lors de la “bombe à eau” en Wallonie, entre 6 000 et 7 000 voitures avec une assurance omnium ont été perdues.

Des permis dans des zones indondables 

Les autorités, quant à elles, jouent un rôle majeur. Pourtant, les permis de construire continuent d’être accordés dans des zones inondables, ce que déplore Lannoy. L’ancienne ministre de l’Environnement flamande, Zuhal Demir (N-VA), a déclaré qu’elle ferait appel contre de tels permis, une décision que Lannoy salue. 

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