Assurances: en cas d’inondations cet été, ce serait “un problème majeur”

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Depuis deux ans, les assureurs réclament une nouvelle législation pour permettre d’affronter les dégâts de nouvelles catastrophes naturelles. Après les avertissements des assureurs, puis, tout récemment, de la Banque nationale (qui est le gendarme des assureurs), des négociations commencent enfin avec le cabinet du ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne. L’espoir est d’avoir quelque chose qui entre en vigueur au premier janvier prochain. Mais si par malheur il devait y avoir de graves inondations cet été, « ce serait un problème majeur », avoue Hein Lannoy, le CEO d’Assuralia, la fédération qui regroupe les assureurs.

Quasi vide juridique

Aujourd’hui, les assurances « catastrophes naturelles » souffrent d’un quasi vide juridique: l’ancienne loi apparaît en effet complètement inadaptée face au montant en jeu. « Afin de pouvoir indemniser intégralement les plus de 70.000 victimes des inondations survenues il y a deux ans, les assureurs et les Régions ont conclu un accord unique, explique Hein Lannoy. Nous avons pu en tant que secteur démontrer notre engagement sociétal, car la législation existante est en effet très obsolète et inadaptée à la réalité du réchauffement climatique aujourd’hui ». En 2021, face aux 2 milliards de dégâts des inondations, la facture avait été grosso modo divisée en deux. Un milliard pour les pouvoirs publics (via les fonds de calamités régionaux), et un milliard pour les assureurs, qui avaient fait un geste, car selon l’ancienne loi, ils auraient pu limiter leur intervention à 360 millions.

«  La législation actuelle ne permet pas aux assureurs et aux fonds des calamités d’indemniser correctement les victimes. Si nous voulons que les gens soient bien protégés après une catastrophe naturelle, il faut agir maintenant », souligne Hein Lannoy qui ajoute : « Nous ne pouvons pas expliquer à nos assurés à quoi ils peuvent s’attendre. Il y a aujourd’hui une incertitude légale complète ». Une incertitude qui rejaillit aussi sur les relations entre assureurs belges et réassureurs, qui ont assez mal pris les dépassements de remboursements acceptés lors des inondations de 2021. « Les réassureurs n’étaient pas ravis quand ils ont appris que notre secteur était intervenu en 2021 trois fois au-delà de ce que la loi imposait ». Un réassureur a dit que dans ces conditions, il se détournait du marché belge. Et les autres ont augmenté les primes et les montants de franchises demandés à leurs clients belges.

Un accord pour le 21 juillet?

« Nous avons une crainte: si demain il y a une catastrophe, ce sera le chaos complet », poursuit Hein Lannoy. Heureusement, les choses semblent se décanter. Des négociations ont démarré avec le cabinet de Pierre-Yves Dermagne afin d’avoir une nouvelle loi pour le 21 juillet. Hein Lannoy ne veut pas divulguer la position de négociation des assureurs, mais l’idée est que le niveau des primes payées par les assurés reste abordable et que des sinistres tels que ceux vécus lors de l’été 2021 « ne posent pas de problèmes ». Le plafond jusqu’où les assureurs peuvent aller est déterminé par deux facteurs : la capacité de réassurance, qui sera objectivée avec le cabinet Dermagne et la Banque nationale (gendarme des assureurs, NDLR). Et puis, quel sera l’impact sur les primes. « Il faut trouver un équilibre afin que les primes restent payables pour les assurés, lesquels ont déjà vu leurs primes augmenter avec l’inflation », souligne Hein Lannoy.

Il faut trouver un équilibre afin que les primes restent payables pour les assurés.

« Le ministre s’est engagé à avoir un accord avant le 21 juillet, poursuit le CEO d’Assuralia. J’espère que nous allons aboutir. Mais la question principale sera également de voir comment les Régions et le fédéral vont intervenir. En 2021, les régions avaient demandé une intervention du fédéral mais elle n’avait pas eu lieu. Il y a des négociations entre les deux niveaux de pouvoirs auxquelles nous ne sommes pas partie prenante. » Et de toute façon, comme on attend les nouveaux traités qui seront signés fin de cette année avec les réassureurs pour pouvoir fixer les nouvelles primes que devront payer les assurés, la nouvelle loi ne pourra pas entrer en vigueur avant, au mieux, le premier janvier prochain.

Et si par malheur une inondation survenait cet été… « Ce serait un problème majeur », répond Hein Lannoy. On ne pense même pas, à l’heure d’écrire ces lignes, à ce qui adviendrait si le gouvernement actuel tombait sur l’affaire des visas iraniens.

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