Etienne de Callataÿ sur le rachat de Nagelmackers : “Une logique non pas économique mais capitaliste”

Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

L’économiste commente le rachat par le géant bancaire français BPCE de la banque belge spécialisée dans les services aux clients fortunés. Un rachat guidé, selon lui, par une logique de rentabilité.

Comment analysez-vous l’opération en tant qu’ancien de Degroof Petercam et fondateur de la maison de gestion Orcadia ?

Ce n’est pas une surprise. C’était dans l’air. Nagelmackers était à vendre depuis longtemps. Peut-être aussi qu’avoir un actionnariat chinois n’était plus très vendeur aujourd’hui auprès de la clientèle ? Ce qui est sûr, c’est que ce sont les Français qui, une fois de plus, sont à la manœuvre. Ils restent très friands d’entreprise belge, et notamment dans le secteur financier où ils sont fort présents. Songeons à la Royale Belge, Dexia, Fortis, Ageas, Beobank, Keytrade ou encore Degroof Petercam.

D’aucuns voient dans l’opération un signe des difficultés que rencontrent aujourd’hui les petits acteurs de la banque privée pour absorber l’explosion des coûts réglementaires et des investissements dans l’IT ?

Aujourd’hui, la réglementation augmente l’effet d’échelle, en ce compris sur le segment des services aux clients fortunés, c’est vrai. Mais il faut néanmoins nuancer et prendre simultanément en compte deux autres éléments. Premièrement, la rentabilité du secteur est telle que même les petites banques en Belgique sont parfaitement capables de survivre. Deuxièmement, il faut voir que les petites institutions financières ont un avantage dans le monde d’aujourd’hui. Avantage qui est celui de la proximité avec les clients et donc de la qualité du service. 

Ce n’est donc pas une question de vie ou de mort ?

Non, à nouveau, je pense qu’il est tout à fait possible pour une petite institution financière de prospérer en Belgique. La principale motivation qui explique ce genre de transaction, c’est la rentabilité. En fait, un rachat comme celui de Nagelmackers répond à une logique non pas économique mais capitaliste, en ce sens que l’entreprise rachetée vaut plus pour l’acheteur qu’elle ne vaut pour le vendeur. L’augmentation des coûts réglementaires a un effet d’aide à la concentration au travers des synergies dégagées. Elle pousse les actionnaires des petits acteurs à vendre. Elle exacerbe la logique financière mais, paradoxalement, aussi l’avantage commercial d’être petit. Car c’est dans les grandes institutions que le service se déshumanise.

Un rachat comme celui-ci est-il synonyme de perte d’influence pour la finance du pays ?

Il est clair que certaines décisions seront désormais prises en France et avec une perte de proximité pour les clients. Jusqu’à son rachat par le Crédit Agricole français, via sa filiale Indosuez, bon nombre de chefs d’entreprises belges pouvaient dire qu’ils jouaient au golf avec un dirigeant ou un actionnaire de Degroof Petercam.  C’est moins le cas dorénavant. Les clients sont désormais moins en prise directe avec le nouvel actionnaire français. Il y a donc forcément un éloignement.

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