Cedric De Vleeschauwer (directeur général d’Alan Belgique): “Les assureurs traditionnels veulent copier notre modèle”

Cedric De Vleeschauwer, directeur général des activités belges d’Alan.
Myrte De Decker Journaliste TrendsStyle.be

La branche belge de l’assureur santé numérique Alan a franchi la barre des 15 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Avec une croissance de plus de 12.000 % depuis son lancement il y a trois ans, la fintech est l’une des start-up à la croissance la plus rapide de Belgique. Aujourd’hui, elle s’intéresse également aux partenariats unipersonnels.

Lorsqu’Alan est arrivé sur le marché belge en 2020, l’assureur numérique français a tenu un langage clair: l’entreprise deviendrait le leader du marché belge. Alan arracherait des clients aux acteurs traditionnels en devenant un partenaire santé à part entière, avec des remboursements en moins de 24 heures et un service client qui répondrait en trois minutes, complété par des soins de santé digitaux via des sessions de chat et des téléconsultations. Au passage, l’entreprise fintech transformerait ainsi tout le secteur belge des soins de santé.

Aujourd’hui, les chiffres de la branche belge sont réjouissants. La start-up a terminé l’année 2023 avec 42.000 membres. C’est 66 % de plus qu’un an plus tôt. Les revenus récurrents ont augmenté de 77 % pour atteindre 15 millions d’euros au cours de la même période. Pour l’ensemble du groupe, c’est respectivement 500.000 membres et 352 millions d’euros de chiffre d’affaires. Reste que lors de ses précédentes interviews, l’assureur a toujours parlé d’un million de membres, dont 100.000 Belges en 2023…

“Alan est une entreprise très ambitieuse, déclare Cedric De Vleeschauwer, directeur général des activités belges. Nous voulons croître très rapidement et sommes très transparents à ce sujet. Mais même avec les chiffres annuels actuels, nous pouvons parler de succès. Nous sommes actifs en Belgique depuis trois ans. Au cours de cette période, notre chiffre d’affaires annuel récurrent (norme utilisée pour calculer le chiffre d’affaires annuel des start-up avec une formule d’abonnement, Ndlr) a augmenté de 12.400 %. Les assureurs traditionnels veulent déjà copier notre modèle.”

Accent sur la prévention

En tout cas, ce chiffre fait d’Alan l’une des start-up à la croissance la plus rapide de Belgique. Du reste, l’entreprise est passée du statut d’assureur santé numérique à celui de partenaire santé. En plus des consultations en ligne avec des médecins, l’offre s’est élargie pour inclure une clinique digitale qui comprend un personnel médical complet composé de psychologues, de kinésithérapeutes, de sages-femmes et de diététiciens.

“Chacun de nos membres doit pouvoir bénéficier de conseils personnalisés, explique Cedric De Vleeschauwer. Cela correspond à notre approche préventive des soins de santé. En Belgique, cette approche est beaucoup trop réactive. Il faut que les gens tombent malades pour que les choses bougent. Nous voulons prévenir les maladies.”


D’autant qu’une telle politique préventive permettrait d’économiser de l’argent dans quatre domaines. Le general manager prend l’exemple des solutions de bien-être mental. Plus les employés se rendent chez les thérapeutes et les médecins, plus il est possible d’éviter les burn-out et les maladies de longue durée. Tout d’abord, l’employé est gagnant car il n’aime pas tomber malade et peut l’éviter. En outre, l’absentéisme représente un coût gigantesque pour les employeurs, que la plupart d’entre eux sont probablement réticents à calculer. De telles politiques préventives sont également positives pour Alan lui-même. Si la start-up peut empêcher les gens de tomber malades, elle aura moins de frais de santé à rembourser. Par conséquent, les primes peuvent également être maintenues à un niveau bas. Enfin, la société y gagne également. “Notre système de soins de santé est très qualitatif, mais son financement présente des failles”, explique Cedric De Vleeschauwer.

L’offre d’Alan séduit aujourd’hui quelque 800 entreprises belges, des petites PME aux grands acteurs. La Loterie nationale, Vandemoortele, A.S. Adventure et Group S, entre autres, offrent à leurs employés une assurance maladie par l’intermédiaire d’Alan. En conséquence, la société s’est fermement établie comme un challenger perturbateur sur le marché. Pour soutenir les taux de croissance, les entreprises unipersonnelles pourront également adhérer à partir du mois de mars. Un segment de marché à peine desservi par les assureurs traditionnels.

Nous avons ­suffisamment de liquidités pour devenir rentables par nos propres moyens.” – CEDRIC DE VLEESCHAUWER


Merci l’IA

Parallèlement, diverses possibilités offertes par l’intelligence artificielle (IA) sont explorées. Il faut en effet savoir que Jean-Charles Samuelian, fondateur d’Alan, est également le cofondateur de ­Mistral AI, l’homologue européen d’OpenAI, la société mère de ChatGPT, entre autres.

“Cette fécondation croisée nous donne un avantage stratégique, explique Cedric De Vleeschauwer. Nous utilisons déjà l’IA en interne pour soutenir et optimiser nos processus, en nous concentrant sur l’augmentation de la productivité de nos équipes. Par exemple, un robot d’IA peut rassembler et résumer toutes les informations pertinentes provenant de différents endroits, ce qui permet à nos équipes d’assistance de travailler plus rapidement.”

L’investissement interne a également des répercussions externes. Les demandes des membres étaient déjà remboursées le jour même, mais elles sont désormais traitées automatiquement. Reste que le contact humain ne disparaîtra pas, défend le general manager, et ne cédera certainement pas la place à un robot médecin effectuant des téléconsultations: “Notre objectif n’est pas de remplacer mais de soutenir les personnes, y compris les médecins. Nous pensons que l’IA peut améliorer la performance d’un praticien mais nous continuons à penser que le contact humain est très important.”

En Belgique, il faut d’abord que les gens tombent malades pour que les choses bougent. Nous voulons éviter cela.” – Cedric De Vleeschauwer, directeur général d’Alan Belgique

En outre, la start-up n’exclut pas de proposer à l’avenir des soins de santé par le biais d’autres canaux que numériques. Des centres médicaux propres pourraient compléter physiquement l’offre.

Xavier Niel et Temasek

Les investisseurs ont toujours cru en Alan. Depuis sa création en 2016, la société a pu lever des centaines de millions, notamment auprès du milliardaire français Xavier Niel et du fonds souverain singapourien Temasek. Tous ces investisseurs ont évalué la licorne fintech à 2,7 milliards d’euros lors du dernier tour de table, en 2022. Cette année, Alan veut atteindre 70.000 membres en Belgique, ce qui portera son chiffre d’affaires récurrent à 25 millions d’euros.

La maison mère prévoit ensuite 2026 comme point de basculement pour être à nouveau rentable. “Nous avons suffisamment de liquidités dans notre bilan pour nous développer par nos propres moyens et devenir rentables, assure Cedric De Vleeschauwer. La mobilisation de capitaux externes supplémentaires n’est donc pas un problème pour l’instant. Certes, cela peut toujours changer si l’occasion se présente d’investir encore plus dans l’innovation ou de faire une acquisition, par exemple. Nous sommes d’ailleurs régulièrement sollicités dans ce dernier cas, car les jeunes entreprises du secteur de la santé peinent souvent à trouver un business model rentable. A long terme, nous voyons donc tout le potentiel d’une plateforme ouverte sur laquelle des partenaires tiers ­pourraient brancher leurs ­applications.”

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