2025, l’année du secteur bancaire?

JP Morgan a consolidé sa position de banque la plus puissante au monde au cours des 15 dernières années. © BELGAIMAGE

Loin du tapage entourant les géants de la tech, le secteur bancaire connaît une saison des résultats extrêmement favorable, marquée par une moisson de records. Et les perspectives pour 2025 restent positives.

JP Morgan Chase est devenue en 2024 la première banque (non chinoise) à rejoindre le club extrêmement sélect des entreprises ayant généré un profit annuel de plus de 50 milliards de dollars. Dans le détail, son bénéfice a bondi de 18% à 58,5 milliards de dollars. C’est quasiment quatre fois plus qu’en 2006 quand Jamie Dimon a repris les rênes de la banque américaine. Voilà qui est encourageant pour le secteur bancaire.

Merci Enron

À la base de cette réussite, on retrouve notamment la reprise en 2008 de Bear Stearns et Washington Mutual pour une bouchée de pain. Elles étaient alors respectivement cinquième banque d’affaires et première caisse d’épargne aux États-Unis,

À cette époque, Jamie Dimon a paradoxalement profité des échecs de ses prédécesseurs. Historiquement, JP Morgan était de loin le leader des crédits structurés (CDO, ABS, etc.), au cœur de la crise bancaire de 2008.

Mais lorsque ce marché a décollé au début de ce siècle, JP Morgan était empêtrée dans l’affaire Enron. Devant régler des milliards de dollars d’amendes et de dédommagements, la banque n’a pu s’aligner sur les salaires proposés par ses concurrents. Elle a ainsi vu sa part de marché chuter. Ce qui lui a permis d’éviter une très coûteuse exposition aux subprimes (prêts hypothécaires très risqués).

Hausse des bénéfices

Forte de ses acquisitions stratégiques, JP Morgan a consolidé sa position de banque la plus puissante au monde au cours des 15 dernières années. Sa suprématie repose sur un modèle universel unique, combinant une vaste activité de banque de détail couvrant l’ensemble des États-Unis, une banque d’affaires de référence sur Wall Street et une importante banque privée à l’échelle mondiale.

Aucune autre institution ne rivalise véritablement avec JP Morgan, tant en termes de parts de marché que de performances financières. La dynamique de résultats est toutefois également largement favorable chez ses concurrents. Bank of America a enregistré un bénéfice net de 27 milliards de dollars l’an dernier, soit une progression de 2%. Wells Fargo, dirigée par Charlie Scharf – ancien bras droit de Jamie Dimon durant la crise financière – a généré près de 20 milliards de dollars de profits.

Morgan Stanley, Citigroup et Goldman Sachs suivent avec des gains d’environ 13 milliards de dollars chacun, mais se distinguent par une croissance bénéficiaire spectaculaire : + 47% pour Morgan Stanley, + 37% pour Citigroup et + 71% pour Goldman Sachs.

Banques européennes

De ce côté de l’Atlantique, les résultats annuels ne sont pas encore connus, mais les performances sur neuf mois annoncent déjà une solide année 2024. HSBC a enregistré un bénéfice net de 24,4 milliards de dollars et semble bien partie pour dépasser son record de 2023 (24,6 milliards de dollars).

BNP Paribas affiche un bénéfice de 9,4 milliards d’euros entre janvier et septembre, en légère progression de 1,5% par rapport à la même période de l’année précédente (hors vente de Bank of the West). Le géant français se dirige ainsi vers une quatrième année record consécutive, mais il doit désormais surveiller de près Unicredit. La première banque italienne a, en effet, dégagé un bénéfice de 7,7 milliards d’euros sur neuf mois, en hausse de 16%.

En Belgique, KBC accuse une baisse de 16% de son bénéfice sur neuf mois. Ce repli s’explique uniquement par un effet de comparaison défavorable : en 2023, la banque avait enregistré une plus-value exceptionnelle de 400 millions d’euros liée à la vente de portefeuilles de sa filiale irlandaise.

En termes de perspectives, l’évolution des taux reste globalement favorable. La baisse des taux à court terme, impulsée par la politique de la Banque centrale européenne, devrait réduire leurs coûts de financement. Parallèlement, la stabilité des taux à long terme (comme le taux belge à 10 ans) permet aux institutions financières de maintenir des revenus d’intérêts à niveau.

Rémunération des actionnaires

Ces solides performances soutiennent les dividendes et rachats d’actions. Selon les estimations des analystes d’UBS, ces distributions atteindraient respectivement 74 et 49 milliards d’euros en 2024 pour les 10 principales banques européennes, soit un total de 123 milliards d’euros. Ce chiffre marquerait un nouveau record, représentant plus de 11% de leur capitalisation boursière.

Les six grandes banques américaines ne sont pas en reste. Elles ont redistribué 106 milliards de dollars à leurs actionnaires en 2024. Contrairement à leurs homologues européennes, qui misent davantage sur les dividendes, les banques américaines privilégient les rachats d’actions, avec 65 milliards de dollars consacrés à ces opérations.

Les distributions sous forme de dividendes atteindraient 74 milliards d’euros en 2024 pour les 10 principales banques européennes.

Dérégulation en vue

Et ce n’est certainement pas fini. Jeremy Barnum, directeur financier de JP Morgan, a récemment indiqué que la banque disposait de fonds propres excédentaires et qu’elle n’avait pas l’intention de les augmenter davantage. En clair, les bénéfices ne seront plus mis en réserve, mais redistribués aux actionnaires ou utilisés pour des acquisitions si des opportunités se présentent.

Mark Mason, directeur financier de Citigroup, partage la même vision. Il a également souligné que les importants rachats d’actions menés par le groupe reflètent sa confiance dans ses perspectives bénéficiaires, ainsi qu’une volonté de soutenir son cours de Bourse, actuellement jugé sous-évalué.

L’environnement réglementaire, désormais plus favorable, incite aussi les banques américaines à se montrer plus actives. Le projet de mise en œuvre des règles de Bâle 3.1, surnommées “Endgame” (dernière version du référentiel), avait déjà été reporté sous l’administration Biden. Il semble désormais enterré pour de bon après la démission en janvier de Michael Barr, responsable de la supervision bancaire à la Réserve fédérale (Fed). Ancien conseiller de Barack Obama, il était considéré comme le seul régulateur pleinement engagé dans l’application de ces règles outre-Atlantique.

Croissance bénéficiaire

Aux États-Unis, il est aujourd’hui davantage question de dérégulation. Si les intentions précises de Donald Trump restent encore floues, le marché anticipe un assouplissement des exigences en matière de solvabilité. Une telle mesure libérerait des fonds propres devenus excédentaires, offrant aux banques une capacité financière supplémentaire pour rémunérer leurs actionnaires ou accorder davantage de prêts, stimulant ainsi leurs résultats.

Parallèlement, les banques américaines espèrent bénéficier d’une plus grande liberté pour intervenir sur des marchés tels que les cryptoactifs, le financement non bancaire (surnommé la finance de l’ombre) et les activités de banque d’investissement.

Dans ce contexte, les perspectives bénéficiaires apparaissent prometteuses, d’autant que l’environnement de taux est aujourd’hui plus favorable.

Consolidation européenne

En Europe, la Banque d’Angleterre a annoncé un troisième report de Bâle 3.1 à 2027 (au plus tôt…). Dans l’UE, les normes prudentielles de Bâle III sont par contre bel et bien maintenues. La Commission européenne a toutefois fait preuve de flexibilité, tant dans la définition de normes techniques que dans le calendrier. L’entrée en vigueur prévue en 2025 et 2026 ne devrait ainsi pas peser sur les besoins en fonds propres des banques. D’après une évaluation de l’Autorité bancaire européenne (ABE), il ne manquait déjà que 600 millions d’euros aux banques européennes fin 2022 pour se conformer aux nouvelles exigences.

Les établissements européens poursuivent néanmoins leur lobbying pour un assouplissement supplémentaire, en particulier dans la banque d’investissement où la concurrence avec les banques américaines et britanniques est directe et féroce.

Parallèlement, la commissaire européenne aux Services financiers, Maria Luis Albuquerque, a récemment ouvert la porte à une mise en place volontaire du projet de marché unique des capitaux, sans attendre un accord des 27 États membres. Un tel dispositif, à l’arrêt depuis plus de 10 ans, permettrait de réduire les coûts pour les banques, qui n’auraient plus à se conformer à des réglementations nationales distinctes, et faciliterait les fusions transfrontalières.

Une consolidation européenne qu’Unicredit a essayé de lancer avec sa tentative de rachat de Commerzbank, deuxième banque allemande.

Dividende de 7%

Pour l’investisseur, l’autre atout des banques européennes est leur valorisation. L’indice sectoriel Stoxx 600 Banks cote 7,1 fois les bénéfices prévus pour 2025, soit une décote de plus de 45% par rapport à leurs homologues américaines.

Conséquence de cette faible valorisation, le rendement de dividende des banques européennes atteint 7%. N’en concluez toutefois pas trop rapidement que cela fait des banques européennes une opportunité de rendement stable à long terme.

Le secteur bancaire reste tiraillé, à l’image de Sergio Ermotti, directeur général d’UBS, qui s’inquiète à la fois d’une régulation excessive en Suisse et d’une dérégulation trop poussée au niveau international, tout en pointant le risque croissant lié à l’envolée des dettes publiques dans le monde.

Position tactique

Dans un portefeuille dynamique, une exposition au secteur bancaire semble par contre aujourd’hui une option intéressante. Vous avez le choix d’investir directement dans les grands noms bancaires ou d’opter pour un ETF sectoriel.

La combinaison de l’Amundi STOXX Europe 600 Banks (ticker BNK sur Euronext Paris ; frais annuels de 0,30%) et de l’iShares S&P U.S. Banks (ticker IUS2 sur la Bourse de Francfort ; frais annuels de 0,35%) vous permet de tirer parti des atouts des banques européennes et américaines tout en diversifiant les risques à court terme.

Ne perdez toutefois pas de vue qu’il s’agit de positions tactiques dont la pertinence doit être réévaluée régulièrement. Le cycle des taux et l’évolution des marchés financiers, aujourd’hui favorables, ne le resteront pas éternellement.

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