Atenor, Mithra, IBA… Pourquoi la Wallonie déprime en Bourse
Fin 2015, le gouvernement wallon annonçait un soutien aux entreprises entrant en Bourse afin de les aider à se développer. A l’heure du bilan, les entreprises du sud du pays peinent à obtenir la moyenne en Bourse, certaines étant même en danger.
Il y a un peu plus de trois ans, le gouvernement wallon, alors PS-cdH, annonçait un soutien aux entreprises entrant en Bourse afin de les aider à se développer. Dans un premier temps, cette politique a semblé fonctionner. La vague d’introductions en Bourse de 2015 s’est poursuivie avec les biotechnologies en vedette. La Wallonie a même obtenu sa première licorne, start-up dont la valeur dépasse un milliard de dollars, avec Mithra. Depuis lors, le flot de nouveaux entrants wallons s’est tari. Outre les inconvénients inhérents à une cotation, les candidats à une entrée en Bourse ont sans doute été refroidis par les déboires à répétition de plusieurs entreprises wallonnes cotées. Certaines peinent même à lever des fonds alors que cela constituait leur motivation première. L’investisseur doit-il s’en inquiéter ? Tour d’horizon des principales sociétés wallonnes cotées sur Euronext Bruxelles.
Les deux stars
Atenor
Le promoteur immobilier de La Hulpe affiche une hausse de 170% depuis son creux de fin 2011 et l’annonce de son renvoi en correctionnel avec P&V pour fraude fiscale. Atenor a depuis été acquitté. Financièrement, sa politique de diversification lui a permis de stabiliser ses résultats et son développement en Europe de l’Est est une véritable réussite. Atenor vise désormais l’Allemagne, les Pays-Bas et la Flandre, tout en gardant sa spécialisation dans les grands projets urbains de bureaux et/ou résidentiels. Fin 2018, Atenor comptait 23 projets dans huit pays pour un total de 865.000 m2 en développement. Les perspectives restent donc au beau fixe. Atenor a également garni ses réserves, lui permettant de faire face à tout problème majeur dans un projet, tout en versant un généreux dividende.
Mithra
La star des sociétés biopharmaceutiques wallonnes a vu son cours plus que doubler depuis son introduction en Bourse en 2015. Le titre a toutefois perdu de sa superbe depuis l’été dernier alors que les autorités américaines ont recalé un de ses produits et qu’elle a revendu ses activités génériques. Mithra se concentre désormais sur le développement de la pilule contraceptive Estelle et du traitement de la ménopause Donesta à base d’estétrol, un oestrogène naturel. L’objectif est de réduire les effets secondaires par rapport aux traitements hormonaux actuels en conservant la même efficacité. Son CEO, François Fornieri, projette qu’à terme, une femme sur 10 dans le monde utilisera un produit de Mithra, ce qui représenterait des ventes considérables avec un marché évalué à plus de 20 milliards par an. La pilule Estelle a franchi toutes les étapes du développement clinique et Mithra table sur des autorisations de commercialisation en 2020. Les analystes se montrent modérément optimistes. La commercialisation pourrait être l’étape la plus complexe. L’image de la pilule est fortement dégradée en raison des effets secondaires allant de la perte de libido au risque accru d’embolie pulmonaire ou de cancer du sein. Convaincre les utilisatrices prendra donc du temps, ce que n’a pas forcément Mithra avec l’arrivée à échéance des premiers brevets en 2022.
L’immobile
Ascencio
La société immobilière réglementée (SIR) de la famille Mestdagh peine à séduire en Bourse malgré un rendement de dividende brut de 6%. Le positionnement de la société carolorégienne dans l’immobilier commercial joue en sa défaveur. Les marchés redoutent que ce segment de marché souffre du succès de l’e-commerce, comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis. Les analystes de Degroof Petercam estiment toutefois que son positionnement dans les magasins de périphérie la prémunit en partie. Ils ont ainsi un avis positif sur le titre, surtout pour les investisseurs en quête d’une action offrant un dividende élevé et récurrent.
Les déceptions
IBA
Le leader mondial de la protonthérapie a perdu les trois quarts de sa valeur en à peine deux ans. Les perspectives de croissance du chiffre d’affaires et de hausse de la rentabilité se sont envolées. IBA a même bouclé les exercices 2017 et 2018 sur une perte nette. Cette chute des résultats est liée à l’émergence d’un concurrent, Varian, et surtout au ralentissement du marché de la protonthérapie. Cette forme de radiothérapie ultra-précise est censée permettre d’éviter d’endommager les tissus sains autour d’une tumeur. Elle coûte cependant beaucoup plus cher. Aux Etats-Unis, les assureurs refusent ainsi régulièrement d’intervenir, invoquant le manque d’études cliniques établissant la supériorité de cette technique. Le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), mandaté par l’Inami, est arrivé à la même conclusion : ” l’analyse approfondie de la littérature scientifique internationale n’a malheureusement pas permis de trouver des preuves irréfutables de la supériorité de la technique par rapport à la radiothérapie conventionnelle “. IBA soutient que la protonthérapie est plus efficace, mais il faudra sans doute attendre les résultats d’études de suivi en 2027 et 2029 pour une réponse définitive. Dans un tel contexte, les analystes sont pour le moins prudents. Le consensus du site spécialisé Trivano donne par exemple un avis d’accumuler, trois de conserver et un de vendre.
EVS
Cette autre société liégeoise a connu son heure de gloire lors des Jeux olympiques de Pékin en 2008. En Bourse, elle a perdu les trois quarts de sa valeur depuis la fin 2007. La principale explication tient à l’effondrement de sa marge opérationnelle de 62% en 2008 à 24% l’année dernière. Une perte de rentabilité qu’EVS n’est pas parvenue à compenser par une hausse des ventes. Ses marges ont en effet largement souffert du développement de nouvelles technologies comme la 4K ou le cloud qui n’ont pu être monétisées en termes de chiffre d’affaires. Lors de la publication de ses chiffres annuels en février, son carnet de commandes a déçu, ce qui n’est pas de bon augure pour 2019. Le chiffre d’affaires est ainsi à nouveau attendu entre 100 et 120 millions d’euros cette année alors que la hausse de 2% des dépenses opérationnelles devrait encore peser sur les marges. La société est toutefois fondamentalement bon marché en tenant compte de sa trésorerie de 68 millions d’euros. L’acquisition d’une participation de 3,12% par son concurrent canadien Evertz a ainsi attisé les rumeurs de reprise. Stefaan Genoe de Degroof Petercam avait évoqué un prix de rachat potentiel de 30 euros par action. EVS n’entend toutefois pas être un oiseau pour le chat, ayant accéléré ses rachats d’actions et cédé des titres à deux actionnaires belgo-belges (Belfius et AvH) pour cadenasser son capital.
Celyad
Les dirigeants de cette biotech de Mont-Saint-Guibert ont eu le nez creux en déboursant 10 millions de dollars pour prendre le contrôle du spécialiste de l’immuno-oncologie OnCyte début 2015. Ces activités sont devenues essentielles à l’entreprise à la suite de l’échec de ses traitements expérimentaux de l’insuffisance cardiaque. Celyad s’est ainsi attaquée à un marché prometteur, mais aussi extrêmement concurrentiel : les études concernant des traitements du cancer par immunothérapie se comptent par milliers. Même après être devenue la première société wallonne cotée sur Wall Street, Celyad peine à se faire connaître. Le titre se traîne, bien que six analystes sur sept le recommandent à l’achat. Les recherches de la société seront encore longues et les résultats incertains en raison des nombreux développements dans le secteur.
Bone Therapeutics
Cette biotech spécialisée dans les thérapies cellulaires osseuses a dû abandonner son programme le plus avancé. La société carolorégienne entend se concentrer désormais sur ses autres programmes mais doit jongler avec une situation financière étriquée depuis le départ surprise de son directeur général Enrico Bastianelli à l’automne 2016. Sa trésorerie actuelle est juste suffisante pour l’année 2019. Bone Therapeutics a renforcé son management avec notamment la nomination de Jean Stéphenne au poste de président. Les analystes demeurent toutefois prudents bien que cette spin-off de l’ULB cote 75% sous son prix d’introduction en Bourse de 2015.
Les menacés
Hamon
Longtemps promis à un bel avenir, le spécialiste des tours de refroidissement a déchanté ces dernières années. Le problème structurel des marges s’est conjugué à une chute des commandes et du chiffre d’affaires. Plusieurs filiales ont été fermées ou vendues, mais cela n’a pas suffi. Les augmentations de capital se sont enchaînées et Hamon a dû se résoudre à une vaste restructuration financière. Son capital est désormais représenté par 117 millions d’actions, 13 fois plus qu’en 2014. La Sogepa est devenue majoritaire. Hamon a disparu des radars des analystes alors que la valeur de son titre a fondu à une trentaine de centimes. Son CEO Bernard Goblet estime que la société est sur la voie de la rédemption, mais ses perspectives restent plombées par une dette nette de 77,7 millions. Les actionnaires devront ainsi se montrer extrêmement patients s’ils espèrent tirer profit d’un redressement de la société.
MDxHealth
Réorientée vers les tests de diagnostic du cancer de la prostate sous la direction de Jan Groen, MDxHealth est parvenue à commercialiser deux tests. Le ConfirmMDx est sur le marché depuis 2012. Ces tests ont reçu un accueil scientifique plutôt favorable, mais MDxHealth n’a jamais réussi à tendre vers le seuil de rentabilité, ayant notamment dû doubler ses équipes commerciales pour soutenir ses ventes. Quelque 16 ans après sa création, l’ex- Oncomothelyme s’apprête à connaître une troisième vie sous la direction de Michael McGarrity. La société liégeoise s’est en effet séparée de Jan Groen alors que sa perte nette s’est aggravée à 32,5 millions de dollars en 2018. Pour les investisseurs, les perspectives restent floues entre la nécessité de lever des capitaux à brève échéance et une stratégie à définir.
Asit Biotech
Financée par la SRIW, cette spin-off de l’ULB est spécialisée dans les traitements des allergies. Elle a connu une année noire en 2017. L’institut allemand évaluant la demande de commercialisation de son traitement du rhume des foins a jugé les études insuffisantes. Son traitement expérimental de la rhinite allergique aux acariens a ensuite livré des résultats d’étude mitigés. Récemment, la fronde des petits actionnaires rassemblés par Deminor a obtenu le scalp du management. Le nouveau CEO Michel Baijot entend poursuivre une nouvelle étude pour le traitement du rhume des foins et recherche des partenaires pour ses autres programmes. Les candidats ne se pressent toutefois pas au portillon.
170 pour cent
Hausse de l’action d’Atenor depuis fin 2011. Une des rares vraies satisfactions wallonnes.
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