Ahold Delhaize et Elia disparaissent d’un Bel20 en pleine effervescence
Le 20 mars, la société luxembourgeoise spécialisée dans la production d’acier Aperam et la holding Sofina ont remplacé Ahold Delhaize et Elia dans le Bel20. La chaîne de supermarchés – plus assez belge – et le gestionnaire de réseau – plus assez grand – n’avaient plus leur place dans l’indice boursier vedette.
Elia a disparu du Bel20 après cinq ans de présence. L’entreprise ne figure plus parmi les 22 plus grandes entreprises belges cotées en Bourse reprises dans l’indice boursier vedette. Seule la valeur boursière librement négociable entre en considération. Le déclassement d’un membre du Bel20 a généralement pour effet de générer un grand remaniement annuel.
Lorsque le propriétaire et gestionnaire de notre réseau d’électricité a été repris dans l’indice vedette belge en 2012, la direction l’a fait savoir dans le monde entier par voie de communiqué de presse tonitruant. Le patron de l’époque, Daniel Dobbeni, déclarait que le ticket pour le Bel20 confirmait ” l’importance du rôle et de la mission ” d’Elia et permettrait à l’entreprise de réunir les fonds nécessaires ” pour poursuivre sa stratégie et son ascension “. En 2010, Elia a acquis une participation de 60 % dans 50Hertz qui gère les réseaux du nord et de l’est de l’Allemagne, une entreprise à la carrure et aux ambitions internationales.
Les entreprises du Bel20 suscitent davantage l’intérêt des grands investisseurs internationaux. Les Bourses organisent des roadshows et des investors days pour les plus grandes entreprises les plus liquides. Des produits atteignant plusieurs centaines de millions d’euros suivent le Bel20 et des produits en valant plusieurs milliards prennent le Bel20 comme référence.
Certains fonds indiciels sont cotés en Bourse (comme Lyxor UCITS ETF BEL 20 TR), certains autres n’y sont pas (comme KBC Multi Track Belgium) mais tous visent un rendement proche de celui du Bel20. Ahold Delhaize était, selon la dernière fiche de fonds disponible de KBC Multi Track Belgium, la cinquième plus grande position du fonds (8%). Le fonds doit donc revoir sa composition depuis que Ahold Delhaize ne fait plus partie du Bel20.
Le déclassement d’Ahold Delhaize a suscité pas mal d’émoi.
Le tracker de Lyxor est encore actuellement un tracker synthétique. Autrement dit, Lyxor n’investit pas directement dans les actions du Bel20 mais conclut une sorte de contrat avec une banque censée assurer ce rendement et tenue à son tour d’investir dans des actions du Bel20. Au cours de l’année 2017, le tracker Lyxor sera converti en tracker physique et devra donc investir directement dans les actions Bel20.
Valeur boursière en chute
Cette fois, Elia n’a pas publié de communiqué de presse. Le 8 mars, au lendemain de l’annonce officielle, l’entreprise a perdu 2,25 % de sa valeur boursière et affichait du coup la plus grosse perte du Bel20. La nouvelle avait pourtant fait couler beaucoup d’encre avant même la publication du communiqué de presse par Euronext. Elia doit céder la place à Aperam. Le fabricant luxembourgeois d’acier inoxydable avait fait sa demande de cotation sur Euronext Bruxelles en début d’année et ne faisait pas mystère de ses intentions.
En fait, Aperam s’est en quelque sorte imposé dans le Bel20. Le luxembourgeois a reproduit la manoeuvre de l’assureur néerlandais Delta Lloyd. Celui-ci avait demandé à être coté à la Bourse de Bruxelles en 2013, délogeant ainsi du Bel20 l’opérateur mobile Mobistar (rebaptisé Orange Belgium). L’assureur a toutefois fois dû renoncer à sa cotation suite à sa sortie de l’indice belge vedette en 2016 après sa mise à mort boursière au second semestre 2015.
Surprise
Le déclassement d’Ahold Delhaize a suscité pas mal d’émoi. Chaque année, les responsables du Bel20 vérifient si les membres satisfont encore aux exigences minimales pour faire partie du cercle privé des ” grands Belges “, à savoir 20 % des activités de l’entreprise, 20 % des activités du siège et 10 % du personnel doivent avoir un ancrage belge. Depuis sa fusion, la chaîne de supermarchés ne répond plus aux critères. En termes absolus, Ahold Delhaize emploie plus de personnes en Belgique qu’Aperam (quasi neuf fois plus) mais en termes relatifs, la Belgique représente un pourcentage insuffisant dans le groupe fusionné. En 2015, la dernière année où Delhaize a publié un rapport annuel séparé, à peine 10 % du personnel travaillait en Belgique. Ce pourcentage ne dépasse plus 4 % aujourd’hui. L’essentiel du personnel d’Ahold Delhaize est à pied d’oeuvre aux Etats-Unis. Les deux usines d’Aperam et les 1.750 collaborateurs opérationnels en Belgique représentent 18 % de l’ensemble du personnel du groupe.
La sortie d’Ahold Delhaize laisse le champ libre au holding Boël Sofina. L’entreprise vient en 18e position au classement des entreprises belges sur base de la valeur boursière librement négociable. Les 18 plus grandes entreprises entrent directement dans la sélection du Bel20. Les entreprises situées entre la 19e à la 22e position se partagent les deux dernières places du Bel20. La préférence est donnée aux entreprises qui font déjà partie de l’indice belge. Ainsi par exemple, la ” libre ” capitalisation de Melexis, fabricant de composants électroniques pour l’industrie automobile, est supérieure à celle du groupe Bekaert spécialisé dans la technologie de transformation de l’acier. Mais Bekaert se situe dans la zone dans laquelle les actions Bel20 existantes jouissent encore du bénéfice du doute.
Sofina en hausse
Au lendemain de l’annonce, l’action Sofina a enregistré la plus forte hausse à la Bourse de Bruxelles (+2,8%). Sofina satisfait de justesse aux critères de liquidité d’Euronext. Sa meilleure négociabilité explique la forte réaction de l’action à l’annonce. Pour mériter une insertion dans l’indice Bel20, 35 % au moins des actions détenues par le public doivent avoir changé de main au cours de l’année boursière précédente. Le gestionnaire de réseau Elia a, lui aussi, eu quelques difficultés à se conformer à ce critère dans le passé mais le négoce des actions n’a pas posé problème cette fois.
En 1994, la Banque Corluy (plus tard rachetée par ABN Amro) a eu l’idée de promouvoir les actions flamandes. La banque a créé un fonds investissant uniquement dans des actions flamandes et a tenu sur les fonts baptismaux un indice composé exclusivement d’entreprises issues du nord du pays.
Le dernier fonds comparable au Vlam21 est le KBC Equity Flanders, lancé avec son homologue KBC Equity Belgium le 30 juin 1997. La différence de rendement des deux fonds est spectaculaire. Le Vlam21 a triplé son rendement depuis sa création. Le fournisseur de données VWD a fait savoir que l’indice cessera d’être opérationnel vendredi soir. Le Vlam21 a inspiré des initiatives similaires de l’autre côté de la frontière linguistique. En 1998, la Région wallonne a formé le projet de lancer un emprunt public, lié à l’évolution des cours de 11 actions wallonnes. Un an plus tard, le projet s’est concrétisé par un emprunt public sur cinq ans avec un bonus la cinquième année lié à l’indice boursier Wall 21. Pas plus tard que l’an dernier, certains politiciens projetaient de redonner un coup de pouce aux indices boursiers Wall 11 et Wall 21 pour promouvoir le patriotisme économique.
Euronext a également annoncé le remaniement des indices Bel Mid et de Bel Small qui suivent les entreprises belges de plus petite taille. Ce remaniement s’est opéré vendredi dernier. Le Bel Mid accueille le gestionnaire de réseau déchu Elia ainsi que le spécialiste de l’immobilier commercial Ascencio, le groupe de biotechnologie Biocartis et l’investisseur en infrastructures Tinc. Mais ces changements intéressent peu ou prou les investisseurs étrangers qui n’ont d’yeux que pour le Bel20. Pas de changement dans le Bel Small.
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