Trois façons d’investir dans la bière

La maison Skinner de Boston a adjugé en octobre dernier un pack de trois bouteilles de Westvleteren pour 175 dollars. Et une bouteille de 75 cl Drie Fonteinen J&J Blauw de 2003 a trouvé preneur à plus de 2.500 dollars. © Reuters
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

La bière peut rapporter gros. Trois conseils pour permettre aux petits investisseurs de profiter du succès interplanétaire du jus de houblon belge.

Les Belges ont toujours été des buveurs de bière. Le plus grand brasseur du monde a son siège à Louvain. De nombreux Belges brassent leur propre bière pendant leurs loisirs. Les micro-brasseries poussent comme des champignons. Investir dans le jus d’orge et de houblon n’est, en revanche, pas encore entré dans les moeurs. Il est pourtant possible de garder en cave certaines sortes de bières, au même titre que le vin. Et comme son homologue à base de jus de raisin, la bière – certaines variétés du moins – bonifie avec le temps.

1. Acheter, garder et revendre la bière

Fiona De Lange:
Fiona De Lange: “Seules les bières foncées et aigres comme la gueuze et la lambic se conservent bien. Plus la teneur en alcool est élevée, plus la bière convient pour un mûrissement de plusieurs années.”© Belgaimage

Quelles bières ? Les bières blondes ne se conservent pas. Mieux vaut s’en délecter sans attendre. ” Seules les bières foncées et aigres comme la gueuze et la lambic se conservent bien. Plus la teneur en alcool est élevée, plus la bière convient pour un mûrissement de plusieurs années. La bière quadruple, par exemple, comme la célèbre Westvleteren 12 qui titre à plus de 10 %, ou la bière d’orge “, précise la Néerlandaise Fiona de Lange, sommelière spécialisée en bières, zythologue et fondatrice de la Nationale BierBank (banque nationale de la bière), une société installée dans le fort de Spijkerboor, au nord d’Amsterdam.

A quels prix ? Plusieurs milliers de bouteilles reposent dans les caves de la BierBank à Spijkerboor. Il s’agit essentiellement de grandes bouteilles dotées d’un bouchon, conservées à l’horizontale, comme le vin. Il y a aussi de petites bouteilles capsulées, mises à vieillir debout. Selon Fiona de Lange, certaines bières uniques, qui doivent encore vieillir quelques années, peuvent se revendre six à sept fois leur prix d’achat. Difficile de confirmer ces affirmations puisqu’il n’existe pas d’enchères pour ce type de breuvage dans nos contrées. Sur eBay et d’autres sites de vente aux enchères, les collectionneurs négocient essentiellement les capsules et les flacons vides.

La maison Skinner de Boston a adjugé en octobre dernier un pack de trois bouteilles de Westvleteren 12 (capsule jaune) pour 175 dollars. Il s’agissait de deux bouteilles de 33 cl de 2014 et d’une bouteille de 2005. A l’abbaye de Saint-Sixte où la Westvleteren est brassée, le casier de 24 Westvleteren 12 se vend à 42 euros, plus la consigne, soit 1,75 euro par bouteille. Autrement dit, l’acheteur américain a déboursé 30 fois le prix d’achat du précieux breuvage.

Il ne faut pas espérer plus pour les bières foncées. La Westvleteren 12 est une des bières les plus rares et les plus appréciées. La production et la vente sont strictement limitées et la bière a été plusieurs fois élue meilleure bière du monde par le célèbre site des amateurs de bière Ratebeer.

En juin, la même maison a adjugé plusieurs lambics des brasseries Cantillon et Drie Fonteinen pour des montants encore plus élevés. Une bouteille de 75 cl Drie Fonteinen J&J Blauw de 2003 a trouvé preneur à plus de 2.500 dollars. Evidemment, rien de comparable avec les grands crus de vins classés qui peuvent atteindre des centaines de milliers d’euros.

Combien de temps à attendre ? Selon Fiona de Lange, le temps de garde moyen d’une bière est de cinq ans, mais le délai optimal varie d’une bière à l’autre. ” Les gueuzes et les lambics se conservent le plus longtemps : jusqu’à 15 ans en cave. J’ai des bières qui ont mûri 20, voire 35 ans en bouteilles mais il arrive un moment où la levure finit par tourner. Les premières années, le goût de la bière s’arrondit, les arômes se libèrent, puis disparaissent. La bière perd de sa saveur. ” Le temps de garde de la bière n’est donc pas comparable à celui du vin. Les vins les plus chers du monde datent des siècles passés.

A qui vendre ? Acheter ou commander de la bière ne pose aucun problème. La Belgique compte suffisamment de magasins spécialisés qui proposent un très grand choix de bières artisanales. La conservation n’est pas très compliquée non plus. Votre cave convient probablement. Reste la question de savoir à qui et comment vendre ces bières maturées. ” Rares sont les particuliers qui investissent dans la bière, explique Fiona De Lange. Il existe bien quelques établissements horeca qui proposent quelques bières vintage sur leur carte, comme de Kulminator à Anvers et The Capital à Louvain. Ils rachètent, par exemple, les stocks des brasseries qui ferment, afin de les laisser vieillir un moment dans leur cave. ”

Le Dow Jones US Brewers, qui a démarré à 200 points lors de son lancement en février 2000, affiche aujourd’hui 939 points.

La Bierbank, qui faisait l’intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs particuliers, va arrêter son activité au 1er janvier 2018. La ” banque ” organisait régulièrement des soirées spéciales de vente des bières mises à vieillir dans ses caves. Elle offre en effet la possibilité de faire mûrir dans ses murs vos précieux flacons dans des conditions idéales, à savoir 10 à 15 degrés, à température stable, au sec, le tout pour la modique somme de 1 euro par an. La bière était assurée contre d’éventuels dégâts. La BierBank offre aujourd’hui une solution pour les bouteilles qui lui ont été confiées mais ne peut plus en accepter davantage. Les bouteilles qui n’auront plus de place à Spijkerboor pourront être entreposées dans un autre fort, à Everdingen, au sud d’Utrecht.

Comme le confiait Fiona de Lange dans une interview il y a quelques mois, l’investissement dans la bière devrait entrer dans les moeurs, comme le vin et le whisky. ” Mais ce n’est pas encore le cas, explique-t-elle aujourd’hui. Les investissements dans la bière ne se font qu’à petite échelle. Il faudrait augmenter les volumes pour permettre à la BierBank de poursuivre ses activités et couvrir les frais fixes comme la location des salles et les assurances. Je devrais consacrer plus de temps à la promotion, ce qui m’obligerait à renoncer à d’autres activités auxquelles je tiens beaucoup, comme l’organisation d’ateliers. C’est pourquoi j’ai décidé il y a deux semaines d’y mettre un terme. ”

Abritée dans le fort de Spijkerboor, la BierBank fermera ses portes au 1er janvier 2018.
Abritée dans le fort de Spijkerboor, la BierBank fermera ses portes au 1er janvier 2018.© PG

2. Le financement participatif

Une autre façon d’investir dans la bière consiste à financer via le crowdfunding des brasseries locales. Le financement participatif permet de monter des projets ou des entreprises qui, via une plateforme internet, collectent des capitaux auprès d’une multitude de petits investisseurs. Il peut s’agir d’un don, éventuellement en échange d’une petite compensation, d’un prêt à rembourser par la suite ou encore d’une participation au capital donnant droit à une indemnisation au prorata du chiffre d’affaires réalisé ou des bénéfices engrangés.

L’exemple le plus célèbre est la brasserie De Halve Maan qui a levé 300.000 euros il y a deux ans pour financer un pipeline souterrain de trois kilomètres passant sous les pavés de Bruges. Ce ” biéroduc ” transporte les bières Brugse Zot et Straffe Hendrik de la brasserie De Halve Maan vers l’usine d’embouteillage en dehors de la ville. En échange de leur investissement, les généreux donateurs se sont vu offrir un bon à valoir en bières… à vie.

L’an dernier, la brasserie artisanale Hof Ten Dormaal de Tildonk a émis des obligations afin de collecter 230.000 euros. Les obligataires perçoivent des intérêts bruts de 4 % ainsi qu’une bouteille exclusive en guise de rendement, ainsi que la promesse de remboursement de leur mise après quatre ans. Une campagne de crowdfunding a également été organisée à Anvers l’an dernier pour financer le brassage de la Seefbier.

On ne compte plus les brasseries qui font appel à la population locale pour se développer. Comme pour les investissements directs dans la bière, ce genre d’opération s’adresse prioritairement aux amateurs de mousse houblonnée. Le financement participatif est moins une affaire de rendement que de marketing et d’esprit communautaire.

Abritée dans le fort de Spijkerboor, la BierBank fermera ses portes au 1er janvier 2018.
Abritée dans le fort de Spijkerboor, la BierBank fermera ses portes au 1er janvier 2018.© PG

3. Acheter des actions

La meilleure façon de rentabiliser un investissement dans la bière est encore et toujours la Bourse. En février 2000, a été lancé le seul indice bière du monde, à savoir le Dow Jones US Brewers Index. L’indice, qui a démarré à 200 points, affiche aujourd’hui 939 points, soit 4,6 fois plus. Les actions américaines – dont Anheuser Busch AB InBev – assurent aux investisseurs une hausse de cours annuelle de 9,5 %, hors dividendes.

A la Bourse de Bruxelles, AB InBev n’est pas le seul brasseur à faire un parcours sans faute. Son cours a quasi quintuplé depuis le début du millénaire. Les petits brasseurs cotés en Bourse, comme Duvel Moortgat – avant son retrait – et Co.Br.Ha, affichent eux aussi d’excellents résultats. La brasserie Primus et Tongerlo, de Haacht, rapporte à ses actionnaires près de 19 % par an depuis 2000, dont 12 % grâce à l’augmentation du cours. Tant Co.Br.Ha. qu’AB InBev ont majoré – ou à tout le moins maintenu – les dividendes distribués annuellement au cours des 10 dernières années.

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