Auto recyclage: La femme à la tête de la stratégie de développement durable chez BMW

Comment démonter rapidement et facilement un siège de voiture pour le recycler ? C’est l’une des nombreuses questions que se pose Daniela Bohlinger, responsable du développement durable pour toutes les marques du groupe BMW. «L’impact que je peux avoir chez BMW est énorme», dit-elle.

TEXTE / Anja Van Der Borght

Daniela Bohlinger a passé son enfance dans un petit village allemand près de Kempten, dans le sud de la Bavière. Elle éprouvait une fascination sans limite pour les escargots, les têtards et les végétaux, et adorait construire des paysages miniatures avec de la mousse
et du bois, dans lesquels elle jouait avec ses ­figurines. Aujourd’hui, elle souhaite avant
tout avoir un impact sur les choses.

Daniela Bohlinger, responsable du développementdurable chez BMW

« Je suis devenue architecte d’intérieur et j’étais ravie de travailler pour une marque de renommée mondiale. Franchement, à mes yeux, le fait que mes dessins se retrouvent dans des voitures était totalement insignifiant. Les voitures sont devenues de plus en plus grandes : après la BMW X5 est arrivée la BMW X6. J‘étais responsable de la conception de l’intérieur cuir. Je me souviens qu’il fallait jusqu’à 12 peaux de vache pour fabriquer l’intérieur de la X6. Au début des années 2000, j’ai réalisé que je pouvais avoir un impact sur les milliers de voitures que je concevais et que la durabilité était un sujet sur lequel nous devions travailler. Mais en 2008, j’ai été frappée par un cancer du sein. Pendant mon année de chimiothérapie, j’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir à ma vie. Quel sens voulais-je donner à ma vie ? Quel impact pouvais-je avoir dans ma vie et dans mon travail ? C’est avec ces questions en tête que je suis retournée chez BMW et que je me suis lancée dans ce que j’appelle « le projet qui a changé ma vie » : la conception de la BMW i3, alors appelé
« Projet i ». Le « i » parce que nous voulions que ce projet ait un « impact ». Nous devions concevoir la voiture à partir de zéro, en définissant le nouveau rôle du design dans lequel tous les principes de durabilité sont intégrés dans une voiture. L’entreprise ne croyait pas vraiment en ce projet, mais nous étions convaincus qu’il fallait créer de nouvelles exigences et règles sur ce que la durabilité devrait signifier en matière de mobilité. Depuis lors, je consacre ma vie et mon travail à un avenir durable. Aujourd’hui, je ne suis pas seulement à l’origine de la conception de mon propre profil professionnel, mais aussi à celle d’un changement global. Après avoir défini des lignes directrices en matière de développement durable pour la conception de la BMW i3, j’ai évolué pour devenir responsable du développement durable de toutes les marques du groupe BMW : BMW, Mini, Rolls-Royce et tous les moteurs. Je détermine les matériaux, les proportions, les technologies et, en fin de compte, c’est comme ça que je peux faire la différence. En bref, nous concevons la circularité. »

Comment faites-vous cela ?

BOHLINGER. « Je pense que le développement durable devrait être intégré à chaque ­innovation et ne devrait pas constituer un ­objectif distinct. Dans notre département
d’innovation, nous nous concentrons déjà sur 2035 et nous nous attaquons aux problèmes des voitures que nous livrerons d’ici 2028. Il s’agit par exemple de remplacer les matériaux par des matériaux recyclés, de réduire les émissions
de carbone et d’investir dans des matériaux avancés fabriqués à partir de la biomasse. »

Qu’est-ce qui rend la BMW i Vision ­Circular si durable ?BOHLINGER. « Elle a été dévoilée il y a deux ans au salon de l’automobile de Francfort (IAA). J’étais déjà impressionnée par les possibilités d’intégration de la durabilité lorsque nous avons créé la BMW i3, mais lorsque, en tant que chef de projet de la BMW i Vision Circular, j’ai pu mettre en œuvre toutes les idées possibles en matière de durabilité, cette voiture a été, à mes yeux, la meilleure chose que nous pouvions faire. Le recyclage constitue un problème majeur. Même à la maison. Vous savez où jeter le plastique et où jeter le papier, mais que faire de cette enveloppe avec une fenêtre en plastique ? Selon moi, la meilleure partie de la BMW i Vision Circular a été la façon dont a été envisagé le démontage des sièges de voiture après leur cycle de vie au moyen d’une sorte de cadran rotatif situé à l’arrière du dossier du siège. Inspiré des cadrans rotatifs permettant de serrer les chaussures de ski, il permet de démonter le siège de la voiture rapidement, facilement et proprement, sans se retrouver avec des matériaux mélangés. Aujourd’hui, dans l’industrie automobile, nous travaillons avec différentes couches de matériaux collées ensemble pour former, par exemple, une portière de voiture. Mais il est par la suite impossible de démonter cet ensemble, car il est composé de plastique, de bois, de colle et de nombreux autres éléments. Si nous travaillions davantage avec des monomatériaux, le démontage en vue du recyclage serait beaucoup plus facile. Nous espérons développer à l’avenir des systèmes de recyclage dans lesquels il serait par exemple possible de jeter une voiture entière car ils ­sépareraient les différents matériaux. »

Le développement durable est-il abordé différemment chez Rolls-Royce et chez Mini ?

BOHLINGER. « Nous ne considérons pas vraiment les fibres de carbone comme durables, nous pourrions donc les remplacer par des fibres naturelles. Dans le cas de Mini, nous laisserions ces fibres apparentes, car ces voitures ont un look funky. Chez Rolls-Royce, nous les retravaillerions et leur donnerions une finition brillante, par exemple. Il s’agit
davantage de l’expression des matériaux que des matériaux eux-mêmes. »

Ces efforts s’étendent-ils au-delà des voitures BMW ?

BOHLINGER. « Absolument. Je suis très fière que BMW soit impliquée dans de nombreux projets externes de développement durable. Par exemple, nous participons à des initiatives telles que Circular Republic, créée près de
Munich, qui encourage les jeunes entreprises
à rendre l’industrie plus circulaire. Catena X est également un projet de grande envergure qui compte de nombreuses parties prenantes, telles que BASF, qui s’occupent des questions liées à la chaîne d’approvisionnement. C’est un sujet brûlant chez BMW, mais ces initiatives ne sont malheureusement pas vraiment connues du grand public. Nous travaillons de manière intensive avec l’Institut Fraunhofer pour mener des recherches approfondies sur les matériaux. Pas seulement pour notre flotte, car le nombre de voitures que nous vendons est relativement limité, mais pour avoir un impact beaucoup plus important en rassemblant nos connaissances collectives dans une sorte de plaque tournante. Nous pensons bien sûr également au développement de nos propres batteries : comment pouvons-nous extraire tous les métaux rares des batteries, par exemple ? Cela peut paraître anodin, mais l
’impact est immense. Lorsque j’ai commencé à m’intéresser au développement durable chez BMW en 2009, nous nous penchions déjà sur les aspects sociaux de la chaîne d’approvisionnement. Nous ne voulons pas que notre désir de devenir plus durable repose sur les épaules des autres. Une rémunération équitable et
l’interdiction du travail des enfants sont ainsi devenues des évidences. »

«Mon travail est frustrant la plupart du temps. En général, un seul élément est pris en compte pour la réussite finale »

Le Groupe BMW participe également au programme Lighthouse Cities à Rotterdam. Qu’est-ce que c’est ?

BOHLINGER. « Le programme Lighthouse Cities implique plusieurs villes, telles que
Munich, Pékin, Los Angeles, Berlin, Hambourg ou encore Rotterdam, qui souhaitent transformer leur infrastructure en un écosystème
urbain plus adapté. Ces villes comprennent toutes que la situation actuelle devient invivable. Elles prévoient davantage de parkings souterrains et mettent l’accent sur les cyclistes, les piétons et la verdure afin de promouvoir une meilleure qualité de vie. Elles invitent les parties prenantes à participer au dialogue et
à agir. À Rotterdam, nous faisons tout cela
en collaboration avec Mini, afin de mieux
comprendre la forme de mobilité souhaitée par le gouvernement de la ville et le rôle que les constructeurs automobiles peuvent jouer. En réunissant des personnes du monde entier, nous trouvons des solutions à des problèmes tels que le refroidissement des villes « surchauffées », l’optimisation des flux de circulation et la promotion de la mobilité partagée.
Il s’agit d’un projet de grande envergure, car il est nécessaire de repenser l’ensemble de l’infrastructure, et il faut des personnes qui soient prêtes à s’engager dans ce sens. En effet, si nous pouvions construire nos villes à partir de zéro comme des « villes de 15 minutes », c’est-à-dire avec toutes les commodités dont une personne a besoin à une distance de 15 minutes à pied ou à vélo, les voitures deviendraient superflues. Certaines nouvelles villes chinoises sont déjà construites selon ce système.

Ces convictions en matière de durabilité s’étendent-elles à votre vie privée ?

BOHLINGER. « Je travaille beaucoup avec
la permaculture et je pense que les gens
devraient s’y intéresser davantage. Il ne s’agit pas seulement de la manière de planter et de récolter. Comme dans les entreprises, il faut réfléchir à qui s’entend bien avec qui, qui peut être à côté de qui et qui influence qui, afin
que tous puissent s’épanouir ensemble. C’est également le cas dans la nature. On ne peut pas tout planter n’importe comment, en mettant n’importe quelle plante à côté d’une autre. En plongeant plus profondément dans la nature, j’apprends le fonctionnement des systèmes,
ce dont ils ont besoin et ce dont la nature a
besoin. J’ai ainsi compris que le contrôle
n’est pas un bon moyen d’être durable. Il s’agit davantage de confiance, de compréhension et de préparation du terrain pour que les choses puissent s’épanouir. »

En tant qu’amoureuse de la nature, n’est-il pas souvent frustrant de travailler sur le développement durable uniquement dans le secteur automobile ?

BOHLINGER. « Mon travail est frustrant la plupart du temps. En général, un seul élément est pris en compte pour la réussite finale. Je me souviens encore comment, avec la BMW i3, nous avons cherché une alternative végétale au tannage du cuir au chrome. Nous avons utilisé des feuilles d’olivier, mais j’ai voulu aller
encore plus loin et n’utiliser que du cuir de vaches issues de l’agriculture biologique, que nous avons coloré avec des écorces de fèves de cacao provenant d’un chocolatier autrichien certifié biologique. Tout se situait à proximité, avec une traçabilité totale. Une belle histoire, mais qui n’était pas viable d’un point de vue économique. À un moment donné, une petite start-up qui avait coloré du bambou de l’intérieur vers l’extérieur. Ils venaient juste de sortir de l’école et je leur ai dit que s’ils voulaient travailler avec nous, cela nécessiterait beaucoup d’argent et de temps, et qu’ils devraient faire preuve de beaucoup de patience parce qu’ils n’avaient pas de chaîne d’approvisionnement en Indonésie ou ailleurs. Aujourd’hui,
15 ans plus tard, le constructeur automobile chinois Nio est le premier à intégrer le bambou dans l’habitacle de ses voitures. Je pensais
que c’était une bonne idée, mais pour nous, c’était encore trop tôt. Designworks, notre
studio d’innovation en matière de design à
Los Angeles, est chargé de rechercher des
matériaux durables innovants, mais 99 % des propositions n’aboutissent pas. »


www.bmw.be

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