Voici la nouvelle stratégie immobilière de la SNCB
La SNCB a décidé de reprendre en main la valorisation de son important patrimoine immobilier. Une nouvelle vision qui vise à densifier et diversifier les abords des gares. De quoi lui permettre de faire un sérieux tri dans ses nombreux terrains et immeubles. Et aussi de renflouer quelque peu les caisses.
Un patrimoine immobilier impressionnant. Avec 15.000 terrains (6.000 ha) et 2.305 bâtiments (3,25 millions de m2), la SNCB est aujourd’hui le plus grand propriétaire public belge. Et de loin. Elle dispose notamment d’intéressantes positions à proximité d’importants quartiers de gares. Un levier qu’elle a enfin décidé d’actionner après des années de choix hasardeux. La cellule immobilière a été complétement revue il y a deux ans. Une trentaine de personnes ont été engagées. Avec un objectif clair : se séparer des terrains et des immeubles dont elle n’a plus besoin, valoriser les autres. De quoi faire rentrer davantage d’argent dans les caisses d’une entreprise publique qui a accumulé une dette de près de 2,5 milliards d’euros ces dernières années.
La plupart des terrains de la SNCB sont situés dans des zones à bâtir, à proximité des centres-villes. Ce qui n’est pas négligeable.
” Mais l’immobilier n’a toutefois pas vocation à rembourser la dette, fait remarquer Patrice Couchard, directeur général “Stations”, en charge de la gestion immobilière de la SNCB. La stratégie est de diminuer notre patrimoine immobilier mais également, et surtout, de mieux valoriser ce que nous possédons. ” Une stratégie qui passe par de nouveaux choix en matière d’aménagement du territoire. ” Le fil rouge de nos décisions, c’est que les plateaux de gare doivent devenir des nouveaux quartiers de vie, détaille Cédric Blanckaert, head of commercial activities & real estate valorization à la SNCB. Quand nous possédons des terrains bien situés, l’objectif est d’obtenir des revenus récurrents en valorisant ce foncier. Les terrains excentrés à 10 km d’une gare ne font par contre plus partie des priorités et nous les mettons en vente. Il y a une forte demande pour tous nos biens, qu’ils proviennent de communes, de privés ou de particuliers. C’est notamment lié au fait que nous communiquons bien davantage sur les biens qui sont mis en vente. L’offre est d’ailleurs très éclectique : cela va d’une villa à Hoeilaart à un terrain à bâtir en Flandre ou à un hangar à marchandises à Liège. ”
Si la valeur actuelle du patrimoine reste confidentielle (il était valorisé à 7,4 milliards dans le bilan consolidé du groupe en 2014), les avis divergent sur la qualité de l’ensemble. Il y a, par exemple, de nombreux actifs difficiles à vendre, comme des terrains pollués. Reste que la plupart des terrains sont situés dans des zones à bâtir à proximité des centres-villes. Ce qui n’est pas négligeable. ” Nous déterminons chaque année une contribution à atteindre par rapport à l’Ebitda de l’entreprise, précise Patrice Couchard. Elle est liée à une liste de biens dont nous souhaitons nous séparer et que nous déterminons tous les trois ans. L’objectif n’est pas de vendre des bâtiments pour en construire d’autres. Nous souhaitons dorénavant surtout apporter une valeur ajoutée à nos actifs et développer une meilleure rentabilité, notamment sur nos biens commerciaux. ”
Le concept de gare habitante
Les développements immobiliers autour des gares deviennent des musts pour tout promoteur. Stéphan Sonneville, le patron d’Atenor, le rappelait encore il y a peu. Et, à ce titre, la SNCB est aujourd’hui un acteur incontournable. Qui devrait le devenir encore davantage à l’avenir. En témoigne par exemple le domino qu’elle vient de faire tomber à la gare du Midi, à Bruxelles, et qui devrait permettre de redessiner complètement le quartier. Cela concerne la construction de son nouveau siège central situé avenue Fonsny (75.000 m2), attribué en février dernier au consortium rassemblant Besix, BPC-BPI et Immobel, et qui a fait l’objet d’un montage inédit puisque quatre immeubles obsolètes et désaffectés, représentant au total 200.000 m2, étaient dans la balance pour financer la construction de ce nouveau siège, qui rassemblera la SNCB et sa filiale HR-Rail, soit plus de 4.000 collaborateurs.
” Ce choix est un tournant dans l’histoire de la société, lance Patrice Couchard. Il s’agit d’un investissement stratégique pour moderniser l’entreprise et permettre au quartier du Midi de se développer, comme la Région bruxelloise l’attend depuis longtemps. ” Le PAD (plan d’aménagement directeur) de ce quartier est en voie de finalisation. L’enquête publique devrait être lancée d’ici peu. L’objectif étant d’un faire un quartier mixte, comprenant notamment près de 2.000 logements et du bureau (dont la tour Victor d’Atenor).
” Le projet est intéressant car il est emblématique de notre nouvelle stratégie immobilière, ajoute le directeur général “Stations”. Quand je suis arrivé à la SNCB en 2017, la politique était axée sur le développement des environnements de gares mais davantage sur la question des parkings et de l’intermodalité. Et dans certains cas, comme à Louvain-la-Neuve, il y avait la volonté de construire du bureau et du logement. Mais depuis deux ans, nous avons vraiment donné un grand coup d’accélérateur, en définissant certains projets stratégiques. Nous nous définissons dorénavant comme des aménageurs urbains, avec la création de gares habitantes. Nous cherchons à atteindre une vraie mixité des fonctions, avec un maximum de personnes qui vivent et travaillent à proximité de la gare. Avoir des gares qui possèdent un environnement dense, agrémentées de fonctions de loisirs, de services, de commerces et d’habitat reste une priorité. Et l’idée derrière ce changement, c’est que la SNCB en soit le moteur principal, et que les filiales ne soient plus à la manoeuvre. ”
Un concept de gare habitante qui se développe notamment aux alentours de la gare de Malines et de Liège-Guillemins. ” Nous possédons de nombreux terrains au sud de la gare de Malines, explique Patrice Couchard. On souhaite y développer un projet mixte avec la commune. On y retrouvera plusieurs milliers de logements et un hôtel. A Liège, des projets concrets de bureau et de résidentiel vont bientôt être mis sur le marché. Ce concept de densification de l’environnement de gare est intéressant pour nous car il permet une valorisation de notre foncier et des opportunités pour amener davantage de monde vers le train. ”
La SNCB ne compte en tout cas pas reproduire à chaque fois le montage effectué à la gare du Midi, qui mêle ventes de terrain ou de bâtiments suivies d’investissement dans des infrastructures. ” L’idée est avant tout de travailler avec des propriétaires privés qui se portent acquéreurs de nos terrains et avec lesquels nous travaillons à l’élaboration d’un master plan “, note Patrice Couchard. De quoi devenir un véritable aménageur urbain. ” Nous ne voulons en tout cas plus jouer au développeur immobilier, comme nous avons pu le faire par le passé, ajoute-t-il. La valorisation doit être faite de manière correcte, à l’avantage de la SNCB. Mais s’endetter pour monter des projets, ce n’est plus à l’ordre du jour. C’est notre partenaire qui s’en occupe. ”
Le potentiel de Bruxelles-Ouest
A Bruxelles, la SNCB entend être un acteur majeur des quartiers de gare. Bruxelles-Nord a fait l’objet d’importantes rénovations ces dernières années mais reste situé dans un quartier compliqué. Juste à côté de la gare, l’immeuble CCN, racheté par Atenor, AG Real Estate et AXA IM – Real Asset, va faire l’objet d’une profonde transformation. ” Nous sommes invités, en tant que partenaire, à donner notre avis sur ces aménagements, précise Patrice Couchard. D’ici quelques années, nous verrons une autre gare du Nord. Du côté de la gare d’Etterbeek, nous travaillons avec la commune et Beliris à l’aménagement d’une passerelle qui connectera les deux côtés de la gare. Alors que la gare de Bruxelles-Ouest possède un vrai potentiel. Des promoteurs vont investir beaucoup d’argent dans le quartier car il y a de nombreux terrains intéressants. C’est un quartier à suivre car, même si il y a peu de trains actuellement, il s’agit d’un noeud multimodal futur avec une grande gare de métro. D’une manière générale, la SNCB participe à ces aménagements soit en amenant un terrain, soit en apportant son expertise, soit en tant que voisin à consulter. ”
Avec près de 400 concessions commerciales dans 129 gares (soit un total de 45.000 m2), la SNCB est un acteur important en matière de commerce. La reprise en main du volet immobilier a également concerné ce segment. ” Nous souhaitions avant tout changer le mix commercial, en augmentant l’aspect qualitatif des enseignes, explique Cédric Blanckaert. Nous avons donc donné davantage de place au healthy food et avons attiré de plus grandes enseignes telles que Prêt A Manger dont le premier shop belge était à la gare du Midi. Dans nos gares, il y a davantage de flux que dans certaines grandes artères commerciales du pays, il faut en profiter. ”
Si la SNCB ne fonctionne pas via des baux commerciaux mais des contrats de concession de huit ans, ce modèle lui a néanmoins permis de sérieusement augmenter ses revenus locatifs ces derniers mois (via un minimum garanti et une redevance du chiffre d’affaires). ” Nous avons souhaité améliorer et rénover notre image, ajoute Cédric Blanckaert. La gare du Midi est aujourd’hui un bel exemple de changement. Outre le food, on y a intégré des services aux navetteurs (cordonnerie, laboratoire pour donner son sang, crèche, nettoyage à sec, etc.). L’objectif en tout cas d’en faire des vrais lieux de vie. ”
Les incertitudes se multiplient sur le segment du bureau suite à la crise sanitaire actuelle. Faut-il réduire leur taille vu la hausse attendue du télétravail ? Ou au contraire louer davantage de surfaces pour répondre aux besoins de distanciation sociale ? Si la première tendance semble la plus probable, elle va redistribuer certaines cartes. Et entraîner la révision de certains projets. Dont celui du siège central de la SNCB, qui vient de se finaliser ? ” Il s’agit bien évidemment d’une réflexion à avoir, fait remarquer Patricia Cuvelier, directrice générale Strategy, Coordination & Support. Nous allons étudier l’impact qu’aura eu le Covid-19 sur la manière de travailler. Mais cela semble encore un peu prématuré. Toutefois, il faut relever que ce nouveau siège de la SNCB sera dédié à d’autres fonctions que le bureau. On y retrouvera des centres d’opération et de formation, de même que des infrastructures communes. Il n’y a donc qu’une partie du bâtiment qui pourrait être impactée. Différents scénarios seront en tout cas chiffrés et analysés. Mais le projet reste stratégique et essentiel. La livraison est prévue pour 2025, il reste donc encore un peu de temps. ”
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