Van Balen, cofondateur de Miss Miyagi: “Nous voulons faire de l’urbanisme du bas vers le haut”
La voie vers un urbanisme à forte valeur ajoutée sociale ne va pas de pair avec le modèle immobilier traditionnel, estime le promoteur Miss Miyagi, basé à Louvain. Depuis sept ans, il travaille à l’élaboration d’un modèle qui n’est pas fondé sur la maximisation du profit. “Nous voulons faire de l’urbanisme du bas vers le haut”, déclare Michiel Van Balen.
Au début de l’année 2024, Miss Miyagi a remporté une jolie récompense lors des Belgian Building Awards. A savoir le prestigieux Pioneer Award, un prix du jury récompensant les architectes ou les organisations qui œuvrent en faveur de la qualité architecturale au sens le plus large possible. Fait remarquable, Miss Miyagi n’est pas un cabinet d’architectes, mais un promoteur immobilier spécialisé dans le développement de projets innovants à valeur sociale ajoutée. En tant que promoteur, il n’investit pas lui-même, mais se positionne comme un prestataire de services. “Le secteur immobilier construit en fonction de ce qui rapporte de l’argent et non en fonction de ce dont la société a besoin, et c’est un problème”, soutient Michiel Van Balen.
L’ingénieur-architecte et urbaniste Michiel Van Balen a fondé Miss Miyagi en 2017 avec Toon Manders (également ingénieur-architecte et urbaniste) et l’agent immobilier Karel Van den Eynde. Dès le départ, Miss Miyagi a nourri l’ambition de repenser fondamentalement le développement immobilier non résidentiel. Cela a conduit l’agence à des projets de réaménagement bien connus à Louvain, tels que De Hoorn et Hal5.
TRENDS-TENDANCES. Deux de vos projets les plus connus sont situés à Louvain. Quel est le potentiel du Brabant flamand en termes de revalorisation du patrimoine ?
MICHIEL VAN BALEN. En soi, le potentiel de réutilisation du patrimoine dans le Brabant flamand est très important. Notre pays est généralement doté d’une culture de la construction à relativement petite échelle et Louvain est l’une des villes les plus progressistes en termes d’innovation. Cela nous donne l’occasion, en tant que promoteurs, d’expérimenter et d’élaborer des concepts novateurs sur la base de partenariats et de la confiance. En ce sens, nous pouvons travailler au sein d’une culture architecturale très intéressante.
Les projets De Hoorn et Hal5 ont reçu le prix d’architecture de Louvain. Qu’est-ce que cela signifie pour la ville ?
Hal5 est une reconversion temporaire autonome d’un hall ferroviaire industriel classé (2.000 m2) situé derrière la gare de Louvain. De Hoorn est une ancienne brasserie (qui a vu naître la Stella Artois, Ndlr) à laquelle on a donné une nouvelle vie en y installant des services de restauration, des bureaux pour l’économie créative et des salles d’événements. Pour ce type de projet, il faut des partenariats avec les autorités publiques. Avec Hal5, la Ville de Louvain a fait le choix très conscient de confier ce projet à un groupe d’organisations et d’habitants et d’y investir.
C’est également le cas pour De Boomgaard, un projet de soins résidentiels sur le site de l’ancienne école primaire De Boomgaard à Kessel-Lo. Le projet combine deux volumes nouvellement construits avec un lieu de rencontre, des salles de soins modulaires, des maisons jumelles, des maisons familiales et des studios dans un environnement verdoyant. AG Stadsontwikkeling Leuven a donné le terrain en bail emphytéotique de 99 ans. Il s’agit donc d’un lieu où peuvent se rendre des personnes de la région ayant des besoins de soins très diversifiés. En tant que société, il est important de ne pas considérer la rentabilité financière uniquement à court terme. Dans ce domaine, nos centres-villes ont toujours été des pionniers.
Il y a quelques années, vous avez lancé teherbestemmen.be, une société sœur de Miss Miyagi qui joue plutôt le rôle d’intermédiaire. Etait-il si difficile de trouver des investisseurs engagés dans la région ?
C’est plutôt le contraire : nous avons remarqué que les acheteurs engagés ne trouvaient pas toujours facilement un bien qui leur convenait. Avec teherbestemmen.be, nous voulions chercher des partenaires adéquats pour des projets dont le potentiel avait déjà été étudié. L’entreprise existe toujours, mais nous observons aujourd’hui une dynamique différente : les organisations qui possèdent un bien intéressant nous approchent parce que notre service de conseil, de coordination ou de développement les intéresse. Cela nous a permis de constater qu’il existe de nombreux biens de valeur qui attendent d’être réaffectés.
En tant que promoteur immobilier, pourquoi Miss Miyagi n’investit-il pas lui-même dans des projets de redéveloppement?
C’est une forme d’autoprotection. Miss Miyagi veut prendre des décisions basées sur l’énergie des futurs utilisateurs d’un bien et non sur ce qui rapportera le plus d’argent. En 2017, nous sommes partis de l’idée que nous voulions développer des biens immobiliers pour et par les utilisateurs finaux. Entre-temps, nous avons également travaillé avec d’autres types d’acteurs, mais l’approche reste la même : nous soutenons avant tout les partenaires d’un projet de redéveloppement. Dans le cadre de ce soutien, l’argent n’est pas toujours la première chose dont on a besoin. Souvent, on a davantage besoin de conseils sur le projet, d’un plan d’affaires, d’une aide pour désigner des architectes ou trouver des partenaires, etc.
Pour soutenir le financement des projets, MissMiyagi a cofondé le Stadsmakersfonds en 2020. Quelle est la solidité de ce fonds aujourd’hui ?
Lors de sa création, nous avons inscrit explicitement dans la loi que le véhicule d’investissement ne cherchait pas à maximiser les profits. En tant que coopérative, il collecte des fonds en vendant des parts. Depuis sa création, le fonds a levé 4 millions d’euros de cette manière. A terme, nous voulons atteindre 10 millions d’euros. Avec les premiers millions, le fonds a investi dans quatre projets à Louvain, Anvers, Malines et en Wallonie. L’argent collecté par la suite ira à de nouveaux projets à Diest et à Louvain.
Quel est exactement la valeur ajoutée du fonds ?
La brasserie De Ridder à Deurne était, par exemple, l’un des quatre projets initiaux financés par le Stadsmakersfonds. AG Vespa a vendu la brasserie et un appel lancé via Miss Miyagi a révélé un intérêt très diversifié. Nous avons reçu plus d’une centaine de réponses, allant d’une personne à la recherche d’un petit studio à une organisation sociale souhaitant louer la moitié de la brasserie. Il est pratiquement impossible de faire travailler ensemble toutes ces parties intéressées dans un délai très court. Le fonds est un véhicule particulièrement adapté à ce stade, car il permet d’acheter du temps. Il a acheté la brasserie en association avec l’organisation sociale. A partir de là, une société a été créée qui lui a permis d’intervenir plus tard, au moment où le travail d’étude a clarifié le potentiel du bâtiment.
L’objectif est-il de développer un écosystème immobilier alternatif ?
C’est exact. Nous aimons le slogan “Research by doing”. Si vous voulez savoir comment changer quelque chose, commencez simplement à le faire. Pour faire de l’urbanisme ascendant grâce à l’immobilier, nous voulons réinventer des professions très classiques : promoteur, investisseur, agent immobilier, opérateur immobilier (un service qui passe par la société sœur OP-CO, Ndlr). Ce faisant, ces entreprises découvrent comment elles peuvent se positionner au mieux pour envisager les projets non pas sous l’angle du pur profit financier, mais sous celui de la valeur sociale ajoutée.
Votre modèle s’adresse-t-il également aux gouvernements, qui sont souvent les vendeurs de patrimoine ou de terrains ?
Les gouvernements sont parfois encore trop peu conscients de la manière d’utiliser les droits de construction de manière stratégique. A Zurich, les autorités n’ont plus le droit de vendre des terrains, mais seulement de les donner en bail emphytéotique. C’est ce qu’elles font, entre autres, aux coopératives de logement. A court terme, vous ne gagnez peut-être pas autant d’argent qu’une ville ou une municipalité, mais à long terme, vous pouvez atteindre de nombreux autres objectifs sociaux grâce à une bonne politique foncière. Il est absurde de vendre des terrains beaucoup trop cher pour se retrouver avec une ville pleine de logements inabordables et devoir investir plusieurs fois dans la création d’une offre de logements abordables.
Propos recueillis par Wouter Temmerman
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