Ulrich Carnoy (avocat): “A Bruxelles, il est de plus en plus difficile d’obtenir un permis de division”

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Transformer une maison unifamiliale en plusieurs logements ? Mission de plus en plus compliquée dans la capitale, où les communes ont durci leurs critères. En particulier à Schaerbeek, Saint-Gilles ou Ixelles.

Ulrich Carnoy est un avocat spécialisé en droit de l’urbanisme bruxellois. Il constate que les communes se montrent de moins en moins enclines à autoriser la division d’immeubles dans la capitale.

TRENDS-TENDANCES. Vous observez qu’il devient de plus en plus compliqué d’obtenir un permis de division d’immeuble à Bruxelles. Depuis quand cette tendance s’accentue-t-elle ?

ULRICH CARNOY. Cela fait déjà plusieurs années que la situation se complique, mais la tendance s’est clairement renforcée. Obtenir un permis pour diviser une maison unifamiliale en plusieurs logements était déjà difficile, mais les contraintes juridiques et urbanistiques se sont encore alourdies. Si les textes régionaux (RRU, CoBAT, etc.) n’ont pas beaucoup évolué, ceux pris à l’échelle locale se multiplient (règlements communaux, lignes directrices, etc.). Mais surtout, l’appréciation des autorités communales est de plus en plus sévère.

Vous voulez dire qu’il ne suffit pas de respecter les règles pour obtenir le permis ?

Exactement. Le respect de toutes les règles légales, notamment les normes d’habitabilité du titre 2 du RRU (superficie, éclairement naturel, hauteur sous plafond, etc.), ne garantit pas l’obtention d’un permis. La commune dispose d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire : elle peut refuser la division si elle estime que le projet ne correspond pas à sa vision du “bon aménagement des lieux”, notion centrale en urbanisme. Souvent, les autorités se retranchent derrière cette notion (évolutive) pour motiver un refus ou imposer des conditions plus ou moins contraignantes. De nombreuses communes cherchent à assurer de la mixité en termes de logements, donc pas uniquement des studios, et refusent la surdensification des immeubles initialement conçus pour accueillir une seule famille.

Donc, même en respectant les normes, on reste à la merci de la commune ?

En partie, oui. Mais il est évident que plus le projet respecte les règles, plus la marge d’appréciation de la commune se réduit. C’est pourquoi il est essentiel, avant d’introduire une demande de permis, de se renseigner sur la politique communale en matière de divisions. Certaines communes adoptent des lignes directrices qui, bien que n’ayant pas de valeur réglementaire, sont généralement suivies dans le cadre de l’instruction des demandes de permis. Elles fixent par exemple des surfaces minimales par logement.

“Le respect de toutes les règles légales ne garantit pas l’obtention d’un permis. La commune dispose d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire.” – Ulrich Carnoy (avocat)

Quelles communes sont les plus strictes ?

Celles où les quartiers sont déjà très denses : Schaerbeek, Saint-Gilles ou Ixelles, par exemple. Mais toutes les communes se montrent aujourd’hui particulièrement attentives, voire prudentes, face aux projets de division.

En cas de refus, quelles sont les possibilités de recours ?

Lorsqu’un permis est refusé ou assorti de conditions trop sévères, il est possible d’introduire un recours dans les 30 jours auprès du gouvernement bruxellois. Ce recours est d’abord examiné par le collège d’urbanisme, qui rend un avis. Le gouvernement suit souvent cet avis ou, s’il ne se prononce pas, celui-ci devient la décision finale. Le recours est dit “en réformation” : le gouvernement réexamine tout le dossier, en fait et en droit. Il peut donc revoir complètement la décision, dans un sens favorable… ou au contraire plus sévère. Il arrive qu’un projet refusé en première instance soit finalement accepté, mais aussi qu’un permis conditionnel soit purement et simplement annulé. Ainsi, il faut bien réfléchir avant d’introduire un recours. Parfois, il vaut mieux présenter une autre demande, plus cohérente, auprès de la commune.

Faut-il consulter un spécialiste avant de se lancer ?

Absolument. Beaucoup de gens viennent me voir après un refus, alors qu’ils auraient pu éviter bien des difficultés en consultant avant. L’idéal est de combiner l’avis d’un architecte spécialisé en urbanisme – tous ne le sont pas – et celui d’un avocat connaissant bien la matière et les procédures. Cela permet d’avoir une vision à la fois technique et juridique du projet. Il faut aussi se méfier des conseils donnés de manière informelle au guichet de l’urbanisme. Parfois, sa vision n’est pas celle du fonctionnaire communal…

Ce type d’accompagnement a un coût…

Une simple consultation auprès d’un architecte ou d’un avocat coûte peu. Surtout comparé au coût de travaux de remise en état imposés après coup à la suite de travaux réalisés un peu trop vite et impossibles à régulariser.

Le gouvernement bruxellois étant actuellement en affaires courantes, cela ralentit-il les procédures ?

Oui, notamment sur le traitement des recours. Ces dossiers semblent être moins prioritaires. Mais même en temps normal, les petites régularisations ne sont pas toujours en haut de la pile. Il peut donc y avoir des délais importants avant qu’un recours soit définitivement tranché. 

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