Stéphan Sonneville (Atenor): “Je n’établis pas ma stratégie en fonction du cours de Bourse”

Stéphan Sonneville (Atenor): “Je n’établis pas ma stratégie en fonction du cou

Après une année 2023 catastrophique et un cours de Bourse qui s’est effondré de 52 à 5 euros, le développeur immobilier la hulpois entame 2024 avec les poches plus remplies et un regain d’ambitions. Reste que la séquence laissera des traces.

Touché mais pas coulé. Stéphan Sonneville a encaissé les coups pendant huit mois. L’homme fort d’Atenor sort aujourd’hui du bois pour revenir sur la période compliquée qu’il a traversée et pointe les pistes de sortie de crise. Avec sérénité, une pointe d’amertume et des ambitions mesurées.

TRENDS-TENDANCES. Voilà les caisses d’Atenor renflouées de 178 millions grâce à une augmentation de capital. Etes-vous soulagé aujourd’hui ?

STÉPHAN SONNEVILLE. Une étape importante a été franchie avec cette augmentation de capital mais les défis restent nombreux. Même dans les moments difficiles, j’ai toujours souhaité être tourné vers l’avenir. Cette période a en tout cas été une expérience de vie très intense. J’ai travaillé énormément, en enchaînant les journées de 20 heures. J’en suis ressorti très fatigué. Mais ma conviction qu’il y avait une solution ne s’est jamais envolée. J’ai réussi à rester serein face aux difficultés, sans quoi la situation aurait été bien plus compliquée.

Sur le plan personnel, comment avez-vous traversé ces derniers mois, avec une communication perpétuellement négative autour d’Atenor ?

Cela a bien évidemment été très difficile à vivre. J’en ai pris plein la figure pendant six à sept mois. Il est très compliqué de voir passer le cours de Bourse de 52 à 5 euros. Comme tout le monde, j’ai un certain ego et cela ne fait donc pas plaisir.

Votre communiqué du mois de mai évoquant notamment la vente de 10% de vos projets avec des marges réduites, voire des pertes, a suscité beaucoup de réactions dans le milieu, certains parlant d’erreur manifeste. Avec le recul, quel regard portez-vous sur cet épisode ?

Il est évident que nous ne referions pas les choses de la même manière. Cette communication a fait beaucoup de mal à Atenor, tout comme au secteur immobilier dans son ensem­ble. Cela a détruit exagérément de la valeur. Les marchés surréagissent dans ces situations, mettant le prix des actions d’Atenor en dessous de sa valeur. Il s’agit d’une erreur de communication que je prends à ma charge et que j’assume. La transparence de nos informations n’est pas à remettre en question mais la communication aurait dû être différente, moins directe.

Je reconnais certaines erreurs de communi­cation. La transparence n’est pas à remettre en question mais la communication aurait dû être moins directe.”

Justement, quelles autres leçons tirez-vous de cette période ?

Comme vous le savez, Atenor travaille sur un cycle long. J’ai été déçu qu’on puisse penser qu’Atenor n’avait pas anticipé les difficultés liées à la crise immobilière. Nous les avions anticipées, et ce dès le début de la pandémie. Nous avons par exemple beaucoup moins acheté à la sortie du covid et nous avons commencé à passer du financement corporate au financement projet. Sauf que les choses se sont précipitées… Quant à la gestion interne, la crise que nous avons traversée m’a permis de me rendre compte que j’avais trop le nez dans le guidon. Elle m’a obligé à résoudre les problèmes urgents mais aussi à faire évoluer l’organisation pour que je puisse, en prenant un peu de recul, mieux anticiper et mettre en œuvre les grands équilibres fondamentaux du groupe.

Votre important niveau d’endettement (919 millions) vous a fragilisé. L’objectif est de le réduire à l’avenir ?

Dans notre métier, un promoteur est toujours endetté. L’endettement fluctue entre la construction et la vente. Quand vous êtes confronté à un ralentissement dans l’obtention des permis et à une indécision des entreprises quant à leur déménagement, c’est un premier problème. Les actifs tournent moins vite et les stocks augmentent. La hausse des coûts de construction a également freiné le lancement des chantiers. Sans parler qu’en 18 mois, les taux d’intérêt ont augmenté de ce qu’ils ont baissé en huit ans. Les investisseurs sont donc rentrés en mode “wait and see “. Résultat : il n’y avait pratiquement plus aucun client pour les promoteurs, ce qui a fait augmenter l’endettement. De quoi entraîner aussi un échelonnement de la dette, une recapitalisation ou la vente d’actifs. Pour ce dernier volet, j’ai réussi à l’éviter en partie en trouvant un partenaire pour certains projets. Par contre, je dispose toujours d’une dizaine d’immeubles dont je possède le permis et qui sont déjà loués. Or, les acheteurs font défaut. Des arbitrages sont donc effectués pour voir si tel ou tel projet peut être vendu.

Pour ces arbitrages, vous aviez écrit qu’il fallait s’attendre à des ventes à un niveau de marge inférieur, voire à perte…

Nous avons d’ailleurs vendu un très bel immeuble en Hongrie, RoseVille, avec une perte de 5 millions à la clé… Mais il est vrai que je n’aurais peut-être pas dû évoquer le fait que nous allions vendre des immeu­bles à perte. C’était la réalité mais ce n’était pas un bon signal. Trop de transparence nuit à la trans­parence. Les arbitrages dans notre portefeuille vont en tout cas se poursuivre en 2024 même si l’augmentation de capital nous permet de mieux les appréhender.

Quelle va être la stratégie d’Atenor pour rebondir ?

Le cap reste inchangé. L’axe international (présence dans 10 pays) et durable n’est absolument pas remis en question. Au contraire. L’année 2024 va être influencée par des opérations déjà conclues ou en voie de finalisation d’obtention de permis. C’est par exemple le cas du Centre de conférence (Realex) à Bruxelles, qui est déjà vendu à la Commission européenne et où nous attendons encore le permis d’environnement. L’exercice d’Atenor va également être porté par la vente des immeu­bles Twist (Luxembourg), Wellbe (Lisbonne) et d’un projet en Allemagne.

Realex – Dernière étape pour le Centre de conférences destiné à la Commission européenne. Après 10 ans de discussions et plusieurs copies, il ne manque plus que le permis d’environnement, attendu au printemps, pour lancer le chantier. @assar inclusive Architecture © @assar inclusive Architecture

Des éléments qui vous permettront de réduire votre endettement…

Oui. Mais nous sommes surtout dans une situation où j’aspire à une stabilité des taux. Leur niveau des taux ne m’inquiète pas. La variabilité, oui. Nous sommes montés à des taux de 3,5 à 4% et sommes descendus aujourd’hui à 2,8 %. Je peux travailler sans souci dans cet ordre de grandeur mais je ne peux pas travailler si les décla­rations de la Banque centrale européenne se multiplient.

Qu’attendre des résultats financiers de 2024 ?

Nous avons des charges financières extrêmement lourdes. Les résultats 2024 seront encore impactés par ces charges élevées. Sur le plan opérationnel, nous retrouvons un certain rythme de croisière. Nos équipes ont très bien travaillé, avec des chiffres d’obtention de permis élevés en 2023. L’année 2024 comprendra beaucoup d’incertitudes au niveau géopolitique. Ce ne sera pas une année facile.

Et vous croyez toujours autant dans le bureau ?

Le développement de bureaux durables reste une priorité. Les plus grandes entreprises devront communiquer sur leurs données non financières dès l’an prochain. Et l’impact environnemental des bureaux qu’elles occupent sera extrêmement important. Nous pouvons donc nous attendre à un coup d’accélérateur dans les déménagements vers des bureaux durables et performants. Les premiers à sortir du bois seront les administrations publiques. Et ce d’autant qu’il est démontré que les immeu­bles anciens perdent dorénavant de la valeur. En matière de loyers, nous commençons même à avoir une prime à l’immeuble durable. Dans un marché où il y a un déficit d’immeubles quali­tatifs et où il n’y a pas de marche arrière possible, notre stratégie est la bonne. Les actionnaires qui ont investi dans Atenor l’ont principalement fait pour cette raison.

La répartition de votre portefeuille (38 % de résidentiel et 54 % de bureau) va-t-elle évoluer à l’avenir ?

Beaucoup de projets de bureaux sont mûrs. Le pourcentage diminuera donc naturellement sur ce point-là. Mais la volonté est toujours de construire majoritairement du bureau.

Et votre présence à l’étranger ?

La force d’Atenor est sa diversification. Chaque pays a des opportunités et des points faibles. Il faut avant tout posséder de bonnes équipes. Je reste convaincu que notre avenir est lié à une croissance interne et non à une croissance par acquisition. Pour le reste, mécaniquement, nous allons diminuer notre exposition à Bruxelles puisque un projet comme Move-Hub va bien finir par avoir son permis (il a reçu un premier avis favorable fin décembre, avec une série de conditions, Ndlr), le CCN à la gare du Nord devrait recevoir le sien en 2024 tout comme le Realex et Astro. Trois énormes projets, et un plus petit, qui prennent de la place dans notre bilan.

Move-Hub – Situé en face de la gare du Midi, le projet (bureau et logement) pourrait enfin recevoir son permis cette année, après quinze ans de discussions. @Jaspers-Eyers Architects © @Jaspers-Eyers Architects

Votre cours de Bourse s’est effondré. A quel point cela impacte-t-il votre stratégie à court terme ?

Le cours de Bourse est avant tout la conséquence des perceptions par le marché du potentiel de l’entreprise.

Que vous estimiez déjà sous-évalué depuis de longues années…

Le cours de Bourse est aujourd’hui en dessous de la valeur de nos fonds propres. Le marché prévoit donc des pertes pour 2024. J’imagine plutôt le contraire… (sourire) Il est évident que le bilan 2023 se terminera par un résultat négatif très élevé. Mais j’ai déjà tourné la page. Pour cette année, nous nous positionnons dans des résultats positifs. Je ne construis en tout cas pas ma stratégie en fonction du cours de Bourse.

Je pense que nous serons les premiers à être sortis des difficultés car nous avons été les premiers à être obligés d’en parler.”

Quel regard portez-vous sur l’opération Cityforward ?

Positif. C’est une bonne chose pour Bruxelles.

Cela ne vous enlève pas des mains de potentiels projets de redéveloppement ? ­

Ils vont revenir via des appels d’offres et dans des situations urbanistiques bien définies. Ce qui est une bonne chose car je ne souhaite absolument plus repartir dans des incertitudes urbanistiques comme pour Realex ou Move-Hub. C’en est terminé de ces histoires-là. Cela fait 8 ans et 15 ans que nous avons acheté ces terrains.

De plus en plus d’acteurs importants connaissent également des difficultés. Vous vous sentez moins seuls quand vous constatez cela ?

Je ne connais pas la situation financière de mes confrères. Et entendre de votre part qu’ils auraient des difficultés ne me réjouit pas. J’avais toutefois bien cons­cience qu’Atenor n’était pas seul sur son île. Je pense par contre que nous serons les premiers à être sortis des difficultés car nous avons été les premiers à être obligés d’en parler.

Un actionnariat à l’accent flamand

L’augmentation de capital effectuée en novembre a nettement fait évoluer l’actionnariat. On y retrouve désormais
– les familles Donck et Desimpel via 3D (30,08 %),
– For AtenoR (10,9 %),
– Luxempart SA (15,59 %),
– Stéphane Sonneville (3,71 %),
– le véhicule Alva de la famille Vastapane (1,19 %) et
– deux petits nouveaux : Charles Beauduin, pro­priétaire du fabricant de machines textiles de Flandre-­Occidentale Vandewiele, et le magnat du textile Philippe Vlerick (4,57 %).
Les deux hom­mes d’affaires font partie du réseau de Frank Donck, président d’Atenor et de l’entreprise techno­logique Barco. Précisons que For Atenor est détenue à 65 % par 3D, à 30 % par Stéphan Sonneville et à 5 % par le management.


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