S’il était à vendre, combien vaudrait le Groenland ?

Le Groenland n’est pas à vendre. Cependant, s’il l’était, quel en serait le prix ? Et comment estime-t-on la valeur d’un territoire ?

Acheter un territoire était une pratique relativement courante à l’époque des grandes puissances impérialistes, particulièrement au XIXᵉ siècle. En 1803, les États-Unis achètent la Louisiane à la France pour 15 millions de dollars (soit 416 millions de dollars en valeur de 2024). Un peu plus tard, en 1819, ils acquièrent la Floride, encore sous domination espagnole, pour 5 millions de dollars. En 1848, ils achètent la Californie, le Nevada, l’Utah et l’Arizona pour plus de 18 millions de dollars au Mexique, avant d’ajouter le Nouveau-Mexique en 1853. En 1867, l’Alaska est acheté à la Russie pour 7,2 millions de dollars, soit plus de 150 millions de dollars actuels.

Les îles Vierges américaines

Ce que l’on sait moins, c’est qu’à cette époque, les États-Unis ont également failli acheter le Groenland et l’Islande. En 1868, le Danemark était prêt à céder ces deux territoires pour 5,5 millions de dollars. Cependant, le Congrès américain n’a pas réussi à se mettre d’accord, et la transaction n’a jamais eu lieu. Une occasion manquée, car cette opportunité ne se représentera plus : en 1946, lorsque le président Harry Truman propose d’acheter à nouveau le Groenland pour 100 millions de dollars en or, le Danemark refuse catégoriquement.

Pour d’autres territoires danois, les Américains se sont toutefois montrés plus persuasifs. En 1917, le président Woodrow Wilson s’intéresse à trois îles des Caraïbes appartenant au Danemark. Face à une menace latente d’intervention militaire, le Danemark cède ces îles pour 25 millions de dollars en pièces d’or (soit 674 millions de dollars actuels). Cette décision est également facilitée par le fait que ces îles étaient devenues un fardeau économique pour le Danemark. Aujourd’hui, ces territoires sont mieux connus sous le nom d’îles Vierges américaines.

Comment calcule-t-on le prix d’un pays ?

Admettons, par hypothèse, que le Groenland soit de nouveau à vendre. Combien un acquéreur potentiel, comme les États-Unis, devrait-il payer ?

La question est complexe, car estimer la valeur d’un territoire comme le Groenland dépasse de loin l’évaluation d’actifs isolés, comme le canal de Panama. En finance, la théorie d’évaluation des actifs repose sur le calcul des flux de revenus futurs nets générés par un bien. Dans le cas du Groenland, cela inclurait des estimations des bénéfices potentiels tirés de l’exploitation des ressources naturelles, tout en tenant compte des coûts d’extraction, des risques environnementaux, et des incertitudes liées à la rentabilité. La position stratégique du Groenland, clé dans les intérêts géopolitiques et commerciaux, devrait également être intégrée dans cette évaluation.

Dans cette optique, le produit intérieur brut (PIB) pourrait constituer un point de départ. En 2021, le PIB du Groenland s’élevait à environ 3,236 milliards de dollars. Cependant, cet indicateur classique ne prend pas en compte la capacité future à générer de la valeur, ni des aspects tels que la qualité des infrastructures, les ressources humaines, et surtout les ressources naturelles encore inexploitées. Le sous-sol du Groenland regorge de terres rares, de métaux précieux, d’or, de cuivre, et potentiellement d’importantes réserves de pétrole offshore.

Un autre élément à considérer est la valeur sentimentale et culturelle. Les nations ne sont pas de simples actifs économiques : elles sont des entités politiques, culturelles et historiques, profondément enracinées dans la souveraineté et l’identité nationale.

Entre 12,5 milliards et 77 milliards de dollars

Malgré cette complexité, David Barker, spécialiste de l’immobilier, a tenté une estimation dans le New York Times. En se basant sur les montants payés par les États-Unis pour les îles Vierges et l’Alaska, ajustés en fonction de la croissance économique du Danemark et des États-Unis, il évalue la valeur du Groenland entre 12,5 milliards et 77 milliards de dollars. Barker note également que les États-Unis auraient, à l’époque, payé trop cher pour l’Alaska, car les recettes fiscales générées n’ont pas suffi à compenser les coûts d’acquisition. La réalité économique montre en effet que ce sont principalement des entreprises privées, et non des États, qui exploitent et profitent des ressources naturelles d’un territoire. C’est ce qui risquerait également de se produire au Groenland dans le cas très improbable où l’idée de Donald Trump devenait réalité.

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