“Retirer Airbnb tuerait le marché” pour l’association des exploitants d’hébergements touristiques non hôteliers

Photo d'illustration

Le débat autour des plateformes comme Airbnb et Booking.com continue de faire rage dans la région bruxelloise.

Le gouvernement bruxellois a approuvé le projet d’ordonnance de son ministre-président en charge du Tourisme Rudi Vervoort, visant à reprendre le contrôle sur ce qu’on appelle les résidences de tourisme. C’est-à-dire les logements non hôteliers, ceux qu’on retrouve sur Airbnb ou Booking.com.

Cet avant-projet a pour objectif de remplacer l’ordonnance du 8 mai 2014 qui régule l’ensemble des hébergements touristiques, de l’hôtel au camping, en passant par l’appart’hôtel et donc les résidences de tourisme. Ces dernières sont d’ailleurs définies par l’ordonnance comme “toute villa, maison ou appartement, studio, chambre réservés à l’usage exclusif du locataire, équipés du mobilier nécessaire pour se loger et cuisiner et incluant, le cas échéant, des services de type hôtelier moyennant un supplément de prix.”

Le gouvernement déclare de son côté que ce projet d’ordonnance est “un point d’équilibre” qui vise surtout à limiter les effets “les plus négatifs”. “Le texte vise ainsi à mieux protéger le logement en évitant que celui-ci entre en concurrence avec une offre d’hébergement touristique anarchique au mépris des règles applicables en la matière.”

Si des assouplissements sont prévus, ces derniers sont accompagnés du renforcement des sanctions modulées selon la gravité des manquements ou infractions, et pouvant aller jusqu’à 10 000 euros d’amende. Ce projet est donc bien loin de faire l’unanimité.

Une politique “démagogique et électoraliste”

L’association à but non lucratif STR Belgium – qui défend les intérêts des particuliers et professionnels exploitants d’hébergements touristiques non hôteliers en Belgique, et des résidences de tourisme en particulier – est vent debout contre ce projet d’ordonnance. Nous avons interrogé son président, Grégory Huon.

Pouvez-vous résumer en quelques mots pourquoi vous êtes contre ce projet d’ordonnance ?

Ce projet d’ordonnance interdit clairement le marché de la résidence de tourisme. Nous comprenons tout à fait les enjeux sociétaux que connaîent Bruxelles sur le logement et la tranquillité publique. Mais la politique du gouvernement bruxellois sur le sujet est démagogique et électoraliste. Une politique pro-hôteliers, un électorat que le ministère tente visiblement de séduire.

Vous ouvrez votre site internet en disant que le marché de la résidence touristique en région de Bruxelles-Capitale est à 98% clandestin. Donc vous vous accordez à dire qu’il y a un problème. Dans ce cas, que proposeriez-vous pour réguler le secteur ? 

L’ambiguïté qui tourne autour d’Airbnb plait aux détracteurs, mais aujourd’hui, retirer Airbnb tuerait le marché. Il est vrai qu’une grande part d’acteurs sont hors du radar, ne déclarent rien et se foutent de la tranquillité publique. Il faut évidemment les sortir du marché. Mais de l’autre côté, il y a ceux qui font toutes les démarches mais n’obtiennent pas l’attestation de conformité urbanistique. La distinction est importante à faire. On ne peut pas ouvrir les robinets certes, mais on peut réguler sans tout interdire. Par exemple, pourquoi ne pas faire comme les trottinettes électriques en mettant des quotas ?

Également, il est grand temps que le monde universitaire prenne aussi les rênes sur ce sujet afin de faire des analyses d’impact quartier par quartier. Le règlement de la Cour de justice européenne indique justement qu’il faut implanter une réglementation quartier par quartier et non au niveau de la région comme cela est fait à Bruxelles-Capitale. L’ordonnance autorise aujourd’hui seulement le logement chez l’habitant ou la location de toute une maison pour maximum 120 jours/an. Et là, aucune disposition pour la tranquillité publique.

Vous avez déclaré souhaiter introduire un recours devant la Cour constitutionnelle : quelles sont les prochaines étapes pour vous ?

Nous espérons un débat sain au Parlement bruxellois [ndlr: prévu fin novembre] et sommes en contact avec différentes personnalités politiques. Il est aussi important que les citoyens soient informés des enjeux. Si le projet est approuvé au Parlement, nous irons jusqu’à la Cour, nous avons suffisamment d’éléments solides. Et si les recours internes ne fonctionnent pas, nous irons à la Cour de justice de l’UE qui ne va, de toute manière, pas se contredire. Mais nous préférerions sincèrement un dialogue et qu’on nous écoute. 

Contacté par Trends Tendances sur les projets de recours de STR Belgium, le cabinet ministériel a répondu :

“Comme tout nouveau texte, l’avant-projet peut être sujet à un recours. Autre chose est de pouvoir apporter un grief adéquat pour arriver à cette fin d’annulation. Dans le cadre de l’élaboration de cette révision, nous avons été attentifs aux diverses décisions judiciaires et réglementations nationales/européennes et tenu compte des divers avis afin de tenter d’obtenir un point d’équilibre entre toutes les positions et attentes.”

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