Résidences secondaires à l’étranger: “La casa espagnole, un rêve toujours aussi tenace”

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Danny Reweghs
Danny Reweghs Journaliste

L’envie de nombreux Belges d’acheter une seconde résidence en Espagne, un des pays les plus durement touchés par la pandémie, n’a pas disparu. Au contraire. Ils sont plus pressés que jamais. Une bonne préparation s’avère indispensable car il ne faudrait surtout pas, au sortir de cette crise sanitaire particulièrement éprouvante, acheter sur un coup de tête.

Selon une enquête menée par Azull, un des leaders du marché espagnol des secondes résidences, auprès des propriétaires, candidats-acheteurs, clients potentiels et promoteurs, le soleil, la mer et la plage (malgré l’ensoleillement de 320 jours par an dans de nombreuses régions) ne sont plus les principales motivations pour acheter au pays de Don Quichotte. La qualité de vie supérieure (tranquillité, rythme plus calme, culture, convivialité, gastronomie, etc.) occupe désormais le haut du podium. Le soleil, toujours important malgré tout, occupe la deuxième marche. Et les prix plus attractifs, la troisième. Le principal atout de l’Espagne, qui l’emporte ainsi sur la France et l’Italie notamment, est le coût de la vie de 30% moins élevé et ses prix immobiliers, légèrement inférieurs à ceux pratiqués dans nos contrées. Contrairement à la Belgique, le patrimoine immobilier ne manque pas en Espagne. “Dans certaines régions comme à la Costa Blanca, il est possible de s’offrir une petite villa pour 250.000 euros“, lance Marleen De Vijt, CEO d’Azull.

Le nombre de questions relatives à un déménagement en Espagne a doublé depuis la crise sanitaire.”

Marleen De Vijt (Azull)

L’envie de s’offrir un pied-à-terre en Espagne est donc plus forte que jamais. “C’est décidé, on y va! , nous ont confié plusieurs candidats-acheteurs dernièrement”, témoigne Raf Jacobs d’Inspire Property Experts. Installé à Barcelone depuis une vingtaine d’années, cet agent assiste les Belges désireux d’acheter en Espagne. Leen Vermeulen, CEO d’HIP Estates, un des autres leaders du marché espagnol, abonde dans le même sens. “Nombreux sont ceux qui se décident enfin. Ils rêvaient d’acheter depuis plusieurs années et passent aujourd’hui à l’acte.” Le Belge est cinquième sur la liste des acheteurs étrangers en Espagne après le Britannique, le Français et l’Allemand. Mais en termes de nombre de transactions par habitant, la Belgique est numéro un!

Pas de baisse des prix

Si vous pensiez que la pandémie pousserait les prix immobiliers à la baisse, vous risquez d’être déçu. Les prévisions de l’an dernier quant à l’évolution des prix ne se sont pas concrétisées. En revanche, la diminution annoncée du nombre de transactions immobilières (-20 à -25%) s’est vérifiée. Le dernier pic d’achats effectués par des Belges (4.093) date de 2018, un chiffre retombé sous la barre des 3.000 (2.958) l’an dernier, ce qui fait encore malgré tout 11 transactions par jour ouvrable.

Contrairement aux prévisions, les prix n’ont que légèrement fléchi (à la côte), voire pas du tout (dans les grandes villes). L’impact de la crise bancaire de 2008 est indéniable, celui de la crise sanitaire de 2020 nettement moins. Une des différences majeures entre les deux crises – et une des explications – est le taux d’intérêt actuel très bas (en Espagne également). L’évolution démographique est une autre explication: la génération babyboom dispose d’une épargne suffisante pour vivre au soleil dans le sud. Pendant la crise sanitaire, les prix de l’immobilier espagnol étaient toujours de 25 à 30% en deçà du niveau de 2008.

Résidences secondaires à l'étranger:
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Les étrangers et les Belges en particulier ont une préférence pour le bâti neuf et spacieux (82 m2 en moyenne). “Soucieux de la qualité, la finition et la situation, les Belges paient 1,6 fois le prix que paient les autres étrangers pour une habitation”, observe Raf Jacobs. “Nos clients déboursent en moyenne 280.000 euros pour leur casa espagnole et nous ne sommes certainement pas sous le prix médian généralement acquitté par les Belges”, indique pour sa part Marleen De Vijt.

Spécialisée dans le bâti neuf sur la Costa Blanca (Alicante) et la Costa Calida (Murcie), l’agence HIP Estates de Leen Vermeulen note une progression des prix due à une plus grande concurrence (plus moderne, jardin, terrasse, etc.) et à l’offre limitée dans le segment recherché par de nombreux Belges. “Un prix de 5% supérieur est tout à fait normal pour du neuf, estime Marleen De Vijt. Les normes de durabilité sont de plus en plus strictes, en Espagne également, et les matériaux de construction sont plus chers dans le monde entier.”

Nomades modernes

La pandémie n’a fait que renforcer l’importance de l’espace extérieur (terrasse, balcon, jardin, piscine, etc.). Y compris en Espagne où l’offre des biens répondant à ces critères est moins étoffée. La crise sanitaire a également fait apparaître la possibilité de télétravailler ailleurs que chez soi, en Espagne par exemple. “D’où cet emballement pour les logements plus spacieux avec chambre supplémentaire transformable en bureau, précise Leen Vermeulen. Une chambre supplémentaire, surtout quand on est deux à télétravailler, dans un logement lumineux avec une bonne connexion internet, telles sont désormais les exigences des télétravailleurs”, observe Rob Jacobs. “Le phénomène s’observe surtout chez les indépendants qui se rendent compte qu’ils sont aussi efficaces à distance, partent le jeudi soir et reviennent le lundi”, constate Marleen De Vijt. La CEO d’Azull pointe également le redoublement des demandes de déménagement définitif en Espagne depuis la crise sanitaire. “Avant la crise, une question sur dix concernait un possible déménagement. C’est aujourd’hui le cas de deux questions sur dix. Ce qui ne veut pas dire que les Belges qui déménagent effectivement seront automatiquement deux fois plus nombreux.”

L’Espagne est facilement accessible. Les vols aller et retour sont quotidiens.”

Leen Vermeulen (HIP Estates)

Sur la côte ou en ville?

Le Belge achète principalement sur la côte, à la Costa Blanca essentiellement. “C’est là qu’on en a le plus pour son argent, dans le sud de la Costa Blanca (d’Alicante à Carthagène)”, dixit Marleen De Vijt d’Azull. Leen Vermeulen d’HIP Estates cite d’autres incitants. “La région offre des prix effectivement intéressants mais est aussi très bien située et facilement accessible en avion (2h30 de vol, aéroports à Alicante et à Murcie).”

Rob Jacobs d’Inspire Property Experts conseille aux candidats-investisseurs de privilégier la ville. “Achetez en ville, pas à la mer. Le taux d’occupation est plus élevé que sur la côte où la location est essentiellement saisonnière. Choisissez de préférence une situation centrale. Vu le manque de locataires internationaux pendant la pandémie, il y a de bonnes affaires à faire pour les investisseurs qui voient plus loin que la crise actuelle.”

Préparez-vous!

Prochainement, les prix risquent davantage d’augmenter que de baisser. Encore faut-il éviter tout comportement excessif. “La demande a été retardée du fait de l’impossibilité de voyager en Espagne et les Belges ont pas mal économisé l’an dernier”, souligne Raf Jacobs. Il importe donc de ne pas se laisser submerger par les émotions post-corona.

Une bonne préparation est indispensable. “N’entreprenez rien dans l’immédiat, conseille Marleen De Vijt. Commencez par réfléchir au type de bien que vous aimeriez acquérir.” Ensuite, faites-vous correctement conseiller sur place. Votre rêve d’aujourd’hui pourrait devenir votre cauchemar de demain. Voici donc quelques conseils utiles des agents immobiliers que nous avons rencontrés ainsi que les témoignages de Belges devenus récemment propriétaires en Espagne.

Même s’ils ont l’impression d’être un peu chez eux au pays de Don Quichotte, 72% des acquéreurs étrangers trouvent la procédure d’achat plus complexe en Espagne que dans leur pays d’origine, selon une enquête d’Inspire Property Experts. C’est donc le plus grand piège potentiel. L’acquisition d’un bien immobilier en Espagne n’est en rien comparable à la procédure en Belgique. A partir du moment où vous en êtes conscient, vous avez toutes les chances de réaliser votre rêve espagnol.

Quelques conseils

  • N’achetez jamais sous le coup de l’émotion. Sachez exactement ce que vous voulez acheter et où. Il n’y a pas d’occasion unique. Le choix est amplement suffisant.
  • Ne pensez pas que c’est pareil en Espagne. Il ne suffit pas de passer toutes ses vacances en Espagne depuis toujours pour connaître la législation espagnole en matière immobilière et fiscale. Vous avez peut-être l’impression que c’est pareil mais ce ne l’est pas.
  • Faites-vous assister d’une ou plusieurs personnes de confiance (agent immobilier et/ou avocat). Ne vous lancez surtout pas seul dans l’aventure sous peine de sérieux problèmes. L’assistance d’une personne qui parle votre langue et défend vos intérêts est indispensable.
  • Sachez que l’agence est payée par le propriétaire. D’où le risque de conflit d’intérêts. Vérifiez donc toutes les promesses, toutes les assertions. Refusez l’avocat proposé par l’agence.
  • Faites toujours un contrôle technique. Ne signez jamais avant l’approbation complète des contrôles techniques par votre architecte et la vérification du permis de bâtir, des plans d’urbanisme, des manquements, etc.
  • Limitez les paiements au strict minimum quand vous prenez une option. Payez maximum 1% du prix d’achat quand vous prenez une option. Prévoyez toujours une porte de sortie en cas de problème ultérieur.
  • Etablissez directement un contrat de réservation. C’est la seule façon de retirer un bien du marché. Les agences n’ont pas l’exclusivité sur la vente d’un bien.
  • Demandez un numéro NIE le plus vite possible. Sans ce numéro fiscal, l’étranger ne peut rien faire en Espagne, ni ouvrir un compte en banque, ni acheter un bien immobilier.
  • Attention au timing de la vente si vous déménagez en Espagne. Vendez votre habitation belge avant de devenir résident espagnol, sans quoi vous devrez payer 19% d’impôt espagnol sur la vente en Belgique.

Témoignages

Jean: “Sans assistance, nous aurions sûrement fait un mauvais achat”

Pour une météo plus clémente, une vie tranquille, une autre mentalité et des prix raisonnables, Jean s’est récemment installé dans une ferme restaurée dans un village à la limite de la province de Murcie et de l’Andalousie. “Un achat immobilier en Espagne n’a rien à voir avec la procédure en Belgique. Nous avons visité une dizaine de biens et il y avait toujours des problèmes: pas de permis, trop cher, irrégularités cachées, hypothèque en cours, etc. Sans assistance, nous aurions sûrement fait un mauvais achat.”

Bart: “Acheté, transformé et aménagé sans voir l’appartement en vrai”

Pour cet entrepreneur belge qui emploie une centaine de personnes, la pandémie était l’occasion ou jamais d’investir dans un appartement à Barcelone. Mais impossible de se rendre sur place. “J’ai donc dû régler l’achat, l’acte notarié, les travaux et l’aménagement de l’appartement à distance. Heureusement, j’ai pu compter sur mon agent que je considère comme un partenaire. Je n’ai pu voir l’appartement en vrai qu’un an après l’achat.”

André: “Je télétravaille à Sitges où je fais 13.000 pas par jour contre 3.000 en Belgique”

André est infiniment reconnaissant à la pandémie qui lui a permis d’acheter son appartement à Sitges, au sud de Barcelone. “Je viens ici depuis 20 ans sans jamais trouver d’appartement avec vue sur mer à un prix abordable. Le 20 décembre dernier, mon rêve a enfin pu se réaliser grâce à l’absence de concurrents. J’ai fait entière confiance à mon agent et j’ai acheté sans l’avoir visité.” Associé d’un des plus grands bureaux comptables du pays, André télétravaille désormais à Sitges. “Je me suis rendu compte que je pouvais fort bien passer ici la plupart des appels téléphoniques. La vie ici est extraordinaire. En Belgique, je totalisais 3.000 pas par jour, ici 13.000. Je viens ici trois à quatre jours par semaine et je loue l’appartement pendant les vacances d’été.”

Geneviève: “Cela rapportera plus qu’un carnet d’épargne”

Geneviève sirotait une sangria sur une terrasse quand nous l’avons appelée, après la signature de l’acte chez le notaire. “Pour nous, c’est plutôt un investissement synonyme de plus- value à long terme. Nous avons constaté que nos amis partaient souvent à l’étranger pour jouer au golf. Nous avons donc acheté un appartement dans un golf resort pour le louer régulièrement à des golfeurs. Nous visons un rendement de 3,5%. Une chose est sûre: cela rapportera plus qu’un carnet d’épargne.”

Marc: “Je compte m’installer ici dans cinq à six ans”

“J’ai acheté sur la Costa Calida, dans un endroit peu touristique. Les gens d’ici sont comme moi: calmes. C’est ce que j’aime.” La crise sanitaire n’y est pour rien. Marc a flashé sur le lieu, en tous points conforme à ses attentes. “J’espère pouvoir venir régulièrement car le télétravail n’est pas possible dans notre secteur d’activité. Mais je compte m’installer ici dans cinq à six ans.”

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