Reconversion de sites industriels: le Brabant wallon est devenu un exemple dans ce domaine grâce à des prix de vente élevés

Le Brabant wallon a profité de ses prix de vente élevés pour attirer des promoteurs disposés à mettre la main à la poche pour acheter une friche, la dépolluer et se lancer dans un ambitieux projet de reconversion. Un processus qui connaît aujourd’hui quelques ratés. Car si tous les sites sont bien identifiés, la lenteur des procédures met à mal le renouvellement de ces chancres urbains.

Les deux halls industriels n’ont pas résisté bien longtemps. Début mars, après quelques coups de pelleteuses, les briques rouges de ces anciens hangars abandonnés se sont amassées sur le sol. Des travaux qui lancent la seconde phase de Court Village, un quartier aménagé sur l’ancien chancre des usines Henricot, au cœur de Court-Saint-Etienne. Equilis, le développeur immobilier, a déjà construit et vendu les 152 appartements de la première phase. Il a reçu son permis pour ajouter 215 appartements et cinq maisons. Les travaux devraient débuter cette année encore pour une livraison en 2026. Le temps alors de s’attaquer ensuite au site voisin de l’usine CP Bourg (5 ha) qu’ils viennent de racheter et qui, à moyen terme, pourrait comprendre également près de 250 logements.

Si le Brabant wallon est devenu depuis une quinzaine d’années un exemple wallon en matière de reconversion de sites industriels en quartier mixte comprenant logement, commerce et bureau, il le doit en fait surtout à un seul élément : des prix de vente particulièrement élevés. Avec un prix de sortie allant aujourd’hui de 3.500 à 4.500 euros/m2, les promoteurs sont plus que disposés à investir et à se lancer dans des opérations d’une telle envergure. Sans cette équation financière favorable, la transformation du paysage brabançon aurait d’ailleurs été bien plus longue. “La plupart des anciens sites industriels brabançons sont aussi surtout très bien situés, à proximité des centres et des voies de chemin de fer, explique Renaud Naiken, à la tête de Matexi Brabant wallon. On le voit à Genval, Nivelles, Ottignies, Tubize ou même Wavre.”

Equilis a lancé en 2006 le premier train des réhabilitations avec les Papeteries de Genval (491 appartements) et Court Village (152 unités). Depuis, tous les promoteurs se sont engouffrés dans la brèche. Si bien qu’il n’y a plus aucun site d’envergure en Brabant wallon dont la reconversion n’a pas été identifiée. “Sauf que cela prend du temps, beaucoup de temps”, regrette Olivier Weets, responsable du développement chez Equilis.

Nivelles, le bon élève

Dans la cité aclote, lutter contre les “dents cariées” que sont les chancres industriels est devenu le mantra du bourgmestre local depuis 15 ans. “Nous arrivons au bout de cette politique, relève le bourgmestre Pierre Huart. Tous les sites abandonnés ont un projet sur le dos. C’est une grande satisfaction.”
Le site de l’ancienne Gendarmerie, à l’abandon pendant plus d’une décennie, va par exemple accueillir d’ici peu 82 logements (Thomas & Piron) alors que la vente de la seconde phase de l’Ilot Saint Roch (Immobel) est déjà en cours, la première étant en construction (120 unités). On retrouvera 271 unités d’ici 2026.

Ajoutons qu’un master plan a été validé pour que Motown redéveloppe le site de l’ancienne papeterie Arjo Wiggins en un quartier de 1.250 logements comprenant école, commerces et équipements. “La dépollution du site avance bien, commente Philippe Ponlot, en charge du développement pour la SA Val de Thines. Le travail est encore long avant de voir les premiers habitants mais les grandes lignes du projet sont heureusement balisées.”

A Ottignies, les projets de reconversion sont multiples même s’ils tardent à se concrétiser vu la longueur des procédures. A côté de la gare, sur le site de l’ancienne usine Benelmat (10 ha), AG Real Estate et BPI espèrent aménager un quartier résidentiel comprenant près de 800 appartements. Des riverains se sont opposés au permis délivré pour la première phase du projet (67 appartements). Les promoteurs sont en train de revoir leur copie. Dans le centre de la commune, Matexi prend quant à lui toujours son mal en patience pour reconvertir le site des anciens Bétons Lemaire. Quelque 450 à 600 logements sont espérés.

Le plan communal d’aménagement du Douaire, lancé en 2014, vient enfin d’être adopté par le conseil communal. De quoi débloquer le dossier. “Un premier pas positif, espère Renaud Naiken. Nous avons déposé un permis pour 85 logements à l’entrée du site. Nous espérons maintenant pouvoir avancer sur l’ensemble de ce chancre de 8,5 hectares.” Ajoutons que, un peu plus loin, Aboreal se casse toujours les dents dans sa volonté de reconvertir une ancienne marbrerie en un immeuble à appartements et un supermarché au rez-de-chaussée. Le projet, passé de 106 à 26 unités, a été à nouveau refusé début mars.

“L’impact de ces nouveaux quartiers sur les prix et sur l’environnement proche est indéniable. Beaucoup de communes ont été métamorphosées.” – Emmanuel Estienne (notaire)

Le réveil de Wavre

Du côté de Wavre, les autorités communales semblent enfin passer à la vitesse supérieure en matière de développement immobilier après des années de léthargie. Dare2Build va démolir neuf maisons délabrées situées en bas de la rue de Namur, en face de la place Bosch, pour y construire un nouvel îlot de 61 appartements. Le même promoteur va réhabiliter le site abandonné des anciens Ateliers De Raedt, situés en face du hall culturel de La Sucrerie, pour y aménager 108 appartements. Juste à côté, l’ancienne vinaigrerie L’Etoile sera quant à elle remplacée par un immeuble de bureau de 13.000 m2 (Fontana Investments).

A La Hulpe, Atenor et l’Immobilière du Cerf continuent de se casser les dents dans leur volonté de reconvertir l’ancien site de Swift (11,5 ha) en un nouveau quartier de près de 207 logements baptisé les Berges de ­l’Argentine. “Il s’agit d’un dossier compliqué où nous assistons à un ping-pong entre les demandeurs et la commune au niveau des procédures, regrette l’échevin de l’Urbanisme Xavier Verhaeghe. Une nouvelle demande est en cours, du même ordre que celle que nous avions refusée.” Autre immeuble de bureau à l’abandon et à reconvertir : celui occupé par le passé par Kodak, situé dans un écrin de verdure en face du centre sportif. Eaglestone vient de voir sa demande de permis refusée pour démolir le bâtiment et le remplacer par quatre immeubles comprenant 75 appartements. La commune souhaite un projet amputé de 10 à 20 unités.

Pour le reste, Tubize, dont les chancres industriels sont multiples, a également actionné le levier reconversion avec un certain succès. Que ce soit Fabelta (Equilis, 253 logements), Mondi (Delzelle, 200 unités) ou encore le Quartier des confluents (671 appartements) sur le site des anciennes Forges de Clabecq, tous ces projets sont bien lancés ou terminés. Alors que du côté de Genappe, si Matexi continue de construire les 135 maisons et 115 appartements qui composent le quartier I-Dyle, la reconversion du site de la Sucrerie se fait attendre.

“Le dossier a été repris en main ces dernières années mais de nombreux acteurs sont concernés, explique Cédric Jacquet, président de la Sarsi, structure qui pilote la reconversion de cette zone, en collaboration avec la commune de Genappe. Nous sommes en train de déterminer une vision commune et un master plan. J’ai bon espoir que cela se décante d’ici peu. Mais comme pour tous les sites de cette envergure, cela prend du temps.”

OTTIGNIES – Le site des Bétons Lemaire (8,5 ha), situé à l’arrière du Douaire, va être entièrement reconverti par Matexi en un nouveau quartier comprenant 450 à 600 logements.

Des nouvelles dynamiques territoriales

Si ces reconversions ont modifié le paysage, elles ont également surtout transformé le marché immobilier local, comme on le voit à Genval, Court-Saint-Etienne, Tubize ou encore Mont-Saint-Guibert. Des nouveaux quartiers qui ont clairement contribué à tirer les prix vers le haut.

“Ces chantiers ont surtout permis l’émergence d’un marché de l’immobilier neuf qui était pratiquement inexistant dans ces communes auparavant, fait remarquer Christophe Hendrix, fondateur et CEO de l’agence immobilière éponyme, qui a commercialisé les projets des Papeteries de Genval et de Court Village. Waterloo a lancé cette voie avant que Genval ne prenne le relais. Ces promotions ont clairement eu un impact sur les prix des quartiers environnants.

A Genval par exemple, l’offre résidentielle s’est combinée à une offre commerciale, ce qui a renforcé son attractivité. Le succès ne se dément pas. Même encore aujourd’hui alors que plus aucun appartement n’est à vendre. Quant aux prix, les premières ventes ont débuté en 2013 à 2.600 euros/m2 pour se terminer il y a cinq ans à 3.400 euros/m2. Aujourd’hui, le prix de revente englobe largement la TVA.

Pour Court-Saint-Etienne, l’impact a été encore plus fort avec Court Village car il a transformé l’image surannée de cette commune et l’a remise sur la carte immobilière. Ces nouveaux quartiers ont donc clairement un impact positif sur le marché immobilier.”

Un constat partagé par le notaire Emmanuel Estienne, basé à Genappe : “L’impact sur les prix et sur l’environnement proche de ces quartiers est indéniable. Beaucoup de communes en ont profité et ont été métamorphosées. Cela amène une nouvelle dynamique.”

Yves Hanin, directeur du CREAT: “On a créé un urbanisme de poche ”

Quel bilan tirez-vous de ces premiers grands projets de reconversion de friches industrielles en Brabant wallon ?
Sur le plan de l’aménagement du territoire, ces reconversions sont positives puisque des terrains ou immeubles abandonnés ont été réhabilités. Dans la plupart des cas, ces terrains industriels ont basculé vers de l’habitat. Les promoteurs ont effectué à chaque fois un travail de longue haleine pour redessiner le site, convaincre les autorités et les habitants que d’autres fonctions que l’industrie pouvaient s’y implanter, de même que pour dépolluer les lieux. Le Brabant wallon a l’avantage d’avoir des friches qui sont d’une taille maîtrisable pour les promoteurs, avec une pollution modérée et un prix de sortie intéressant. Les autres provinces n’ont pas ses avantages.

Des bémols ?
A Genval et Court-Saint-Etienne, nous faisons face à un “urbanisme de poche”, soit des sites qui possèdent leur propre architecture, leur propre programme et qui sont en rupture avec le quartier environnant. Les cours d’eau auraient également pu être davantage mis en avant alors que l’aménagement reste très axé sur la voiture. Il serait intéressant d’être plus ambitieux sur ce plan dans les prochains projets de reconversion. Les promoteurs ont également produit abondamment d’appartements. Or, il y a une demande pour réinventer la manière d’habiter avec davantage de petites maisons.

Ces dossiers mettent souvent plus de 15 ans avant de se concrétiser…
Même sur des terrains dits simples, le développement d’un projet prend du temps alors imaginez sur des projets complexes de nouveaux quartiers… Les contraintes y sont multiples.

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