Quelles leçons peuvent tirer les grands acteurs belges du coworking de la chute de WeWork?
Quelles leçons peuvent tirer les grands acteurs belges du coworking de la chute de WeWork? Tous ont rangé dans un tiroir leurs grandes volontés d’expansion. Mais le modèle, hybride et flexible, n’est pas enterré dans un paysage où l’immobilier de bureau est en complète mutation.
Tout n’est pas encore perdu pour WeWork. Le mastodonte américain du coworking a été placé mi-novembre sous la protection du Chapitre 11 de la réglementation sur les faillites. Une décision, réservée au marché nord-américain, qui ne signifie pas la fin de ses activités mais plutôt le lancement d’une phase dédiée à la renégociation de tous ses baux. Cette phase est d’ailleurs plus favorable à WeWork qu’à ses propriétaires créanciers. Les propriétaires auraient le choix entre accepter des accords sur les loyers ou se retrouver en toute fin de ligne de remboursements en cas de faillite. Des groupes comme Knotel ou IWG sont également passés par là ces dernières années et ont pu rebondir. Rien ne dit donc qu’un WeWork transformé ne pourrait réapparaître. Mais rien ne dit non plus qu’il pourra échapper à la faillite.
Car la chute du leader des espaces de travail partagés est colossale. Avec 777 sites dans le monde répartis dans 39 pays, il a grimpé très haut. Une stratégie de croissance volontariste mais avec des loyers mal négociés et des baux à long terme (6, 9, 12 ans). Des opérations qui obligent WeWork à débourser 2,7 milliards de dollars par an en loyers et intérêts. Intenable. Et ce même en étant gonflé à bloc depuis 12 ans par des financements presque sans limite (plus de 22 milliards de dollars au total avec des investisseurs comme SoftBank, Insight Partners, BlackRock, Goldman Sachs).
Loyers mal négociés et baux à long terme…, des opérations qui obligent WeWork à débourser 2,7 milliards de dollars par an en loyers et intérêts.
En Belgique, WeWork a déboulé en 2019 avec de grandes ambitions et une pointe d’arrogance. Pour, au final, ne maintenir que deux implantations: dans le quartier nord (Botanic, propriété de Partners Group) et dans le quartier européen (Light On, UBS, 6.500 m2). L’espace Belmont Court (rue Belliard, Axa) a rapidement fermé ses portes et la volonté de s’installer place de Brouckère (Multi) a fait long feu également. Les deux autres WeWork bruxellois sont en tout cas toujours ouverts. “Les activités de WeWork Belgique ne font pas partie du processus de réorganisation engagé aux Etats-Unis et au Canada et se poursuivent comme à l’accoutumée”, précise un porte- parole de l’entreprise. Notons que si l’espace situé dans le quartier européen tourne à plein régime, ce n’est pas le cas de celui situé dans le quartier nord. Le bail long terme du premier dépasse les 300 euros/m2, un niveau élevé pour du coworking, le bail du second est variable et a été signé à des conditions plus favorables.
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Des négociations vont toutefois être entamées avec les propriétaires pour tenter de renégocier les baux. “WeWork a toujours privilégié les bons emplacements, les propriétaires n’auront donc aucune difficulté à retrouver de nouveaux locataires si les discussions n’aboutissent pas”, relève Jean-Michel Meersseman, co-head of investor leasing pour Bruxelles et la Wallonie chez le conseiller en immobilier CBRE. Des acteurs belges du coworking pourraient d’ailleurs rapidement étudier le dossier de l’implantation de WeWork Europe.
Bruxelles n’est pas Shanghai
Quelles leçons pourraient-ils d’ailleurs tirer de l’effondrement de WeWork? Elles ne semblent pas légion. “La faillite n’est pas celle d’un modèle économique non viable mais plutôt d’importants problèmes de gestion, explique William Willems, à la tête d’IWG Belux pendant plus de 20 ans, qui a levé le pied cet été et est devenu consultant dans le secteur. Les baux ont été mal négociés et surtout avec l’essentiel des charges reportées via des systèmes de loyers progressifs et de longues franchises de loyers. Des acteurs comme Office Center, Silversquare ou IWG (Spaces et Regus), leader du marché belge, ne sont pas du tout dans ce modèle. Ils proposent des bureaux de qualité, respectueux de l’environnement et à des prix attractifs, le tout dans une croissance réfléchie.”
La croissance des acteurs présents en Belgique a en effet toujours été plus modérée. Et si d’importantes volontés d’expansion étaient partagées par une pléiade d’acteurs en 2019, avec l’idée de tisser un large réseau pour ses membres, le covid est passé par là et a calmé les ambitions. Les sociétés qui ont survécu sont plutôt entrées dans une période de consolidation que dans une vaste vague d’ouvertures. “Je retiens de la chute de WeWork que ce métier nécessite avant tout de s’adapter au marché local, pointe Axel Kuborn, cofondateur de Silversquare, un réseau qui compte 11 espaces. Il n’est pas possible de reproduire un produit similaire partout. Bruxelles n’est pas Shanghai. Ils ont eu excès de confiance.”
Le marché belge des espaces de travail partagés occupe désormais 800.000 m2 en Belgique, soit 3,3% du parc immobilier de bureau. Une goutte d’eau qui ne parvient pas à prendre de l’épaisseur. Et ce alors que les espaces de coworking ont longtemps été considérés comme une solution complémentaire pour les grandes entreprises, faisant office de variable d’ajustement lorsqu’il est nécessaire d’engager davantage de personnel pour une période déterminée. “Par rapport aux ambitions affichées il y a quelques années, on peut parler de pétard mouillé, analyse Pierre-Paul Verelst, head of research chez JLL. L’immobilier de bureau n’a pas été bouleversé par le coworking.” Un constat qui ne tempère toutefois pas l’optimiste de William Willems: “Je reste convaincu que ce segment peut atteindre les 10% de parts de marché. La Belgique a encore beaucoup de retard en la matière par rapport à ce que nous observons dans les pays anglo-saxons ou aux Pays-Bas. Il y a encore plein de villes belges à développer: Ostende, Mons, Charleroi, Malines, l’Ardenne, etc.”
Utilisation réelle
Reste que l’immobilier de bureau est en plein bouleversement en Belgique et que les solutions innovantes et alternatives sont recherchées. Tout comme les bureaux bien aménagés et bien situés. “Mais les entreprises souhaitent surtout désormais payer uniquement en fonction de leur utilisation réelle des bureaux, fait remarquer Axel Kuborn. Si 15 employés viennent travailler le lundi, cinq le mardi puis 20 le jeudi, elles ne veulent plus dépenser de l’argent inutilement. Leur addition doit correspondre à leur utilisation réelle. Pouvoir répondre à ce besoin sera le plus grand bouleversement en matière de coworking. Nous travaillons actuellement avec 66origin, une agence spécialisée dans le design d’expérience, pour mettre au point ce service d’ici la fin du premier trimestre 2024. Ce sera un véritable game changer dans le secteur. Nous allons faire sauter pas mal de barrières.”
Si la stratégie de Silversquare a évolué suite à l’arrivée de son nouvel actionnaire Brookfield, gommant désormais les plans d’ouverture dans les villes de taille moyenne (avec l’ouverture de Louvain-la-Neuve en février 2024 tout le marché belge sera suffisamment couvert, estime-t-on en interne), les ambitions d’expansion se concrétiseront dorénavant à l’étranger. Befimmo lorgnant notamment les Pays-Bas. “Je crois toujours énormément dans ce modèle, poursuit Axel Kuborn. Encore plus ces derniers mois. Les drivers qui guident le marché restent ultra-pertinents. Les entreprises ont toujours besoin de plus de flexibilité, d’agilité et d’ubiquité, soit le fait d’être présentes dans plusieurs lieux. Il est également nécessaire de proposer des bureaux attractifs pour attirer les talents. Et c’est ce que nous proposons. Nos coworking performent d’ailleurs particulièrement, avec un taux de fréquentation de 80% pour les espaces matures. Il y a la place pour quelques grands acteurs en Belgique. Avec ou sans WeWork.”
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