Anton Van Zantbeek
Qu’attend-on pour supprimer le revenu cadastral ?
Le rôle central du revenu cadastral accroît les inégalités au fil des ans, d’après Anton van Zantbeek, avocat chez Rivus et professeur à la KU Leuven. “Le débat sur une fiscalité plus équitable passe étrangement ce thème sous silence.”
Une fiscalité plus équitable est sur toutes les lèvres. Les épaules les plus solides doivent supporter les charges les plus lourdes. Plusieurs partis politiques préconisent donc une réforme profonde de l’impôt des personnes physiques. Dans ce contexte, le revenu cadastral est, étrangement, à peine évoqué. Pourtant, il est l’un des responsables de l’iniquité de notre système fiscal et accroît même les inégalités sociales.
Qu’attend-on pour supprimer le revenu cadastral ?
Le revenu cadastral représente la valeur locative annuelle qui a été accordée à chaque parcelle en 1975. Chaque villa, appartement, immeuble de bureaux, terrain boisé ou à bâtir s’est donc vu attribuer une valeur. Selon la loi, cette valeur doit être révisée tous les dix ans. Et c’est logique, car les communes évoluent. Des investissements publics ou de nouveaux lotissements augmentent la valeur de certains quartiers, tandis que d’autres se dégradent.
Les causes de cette dégradation peuvent être nombreuses : mauvaise gestion, criminalité, nouveaux couloirs aériens, lignes à haute tension, extension ou disparition de centres industriels. Sauf que le revenu cadastral ne tient pas compte de ces évolutions et que la situation de 1975 prévaut.
Il est donc clair comme de l’eau de roche que le revenu cadastral est désuet. Cependant, au lieu d’avoir été relégué au musée de l’archéologie fiscale, le revenu cadastral joue toujours un rôle central dans la relation financière qui lie le citoyen aux pouvoirs publics. Plus sa valeur est élevée, moins vous obtenez ou plus vous payez. Le revenu cadastral, que ce soit directement ou comme portion du revenu imposable, sert souvent de référence pour calculer des subventions, des bourses d’études, le précompte immobilier, les droits d’enregistrement ou les taxes communales.
“Le caractère désuet du revenu cadastral ne fait aucun doute”
Le caractère désuet du revenu cadastral ne fait aucun doute. Or, son impact est souvent sous-estimé. Dans les quartiers huppés, le revenu cadastral est trop bas, tandis qu’il est trop élevé dans les quartiers paupérisés. En d’autres termes, les riches paient moins pour plus et les pauvres plus pour moins.
Un appartement décrépit à Molenbeek ou à Schaerbeek affiche un revenu cadastral bien plus élevé qu’une ferme joliment rénovée au bord de la Lys à Laethem. Même une toute nouvelle villa avec piscine à Rotselaar aura un revenu cadastral plus bas qu’une grande maison mitoyenne en ruine à Borgerhout.
Le rôle central du revenu cadastral accroît donc les inégalités au fil des ans. Après la rénovation de logements délabrés dans des quartiers urbains défavorisés, le cadastre s’empresse systématiquement de relever le revenu cadastral. Et il est extrêmement difficile de s’y opposer. Vous ne disposez que de deux mois pour introduire une réclamation motivée. Et même si vous êtes dans les délais, les chances de voir la réclamation aboutir sont quasi nulles. Les citoyens lambda s’y perdent et même les professionnels s’arrachent les cheveux.
“Le rôle central du revenu cadastral accroît les inégalités au fil des ans”
Pour faire valoir une réclamation, il faut par ailleurs louvoyer dans une masse de chiffres et de termes administratifs. Voici à quoi peut ressembler une motivation : “Compte tenu des caractéristiques techniques C.0.Y. 1958.2017/1.Y. 2/1.9.117 de la parcelle, le nouveau revenu cadastral s’élève à 3.210 euros.” Chaque chiffre et chaque lettre est assorti d’une signification détaillée en légende. Une fois ce charabia décrypté, la méthode de calcul du revenu cadastral reste floue. Il y aurait néanmoins une formule. Mais si celle-ci existe vraiment, il s’agit d’un graal tenu secret par l’administration.
Il faut donc supprimer de toute urgence le revenu cadastral. La Flandre ouvre la voie. Le ministre flamand Bart Tommelein (Open Vld) a récemment détaché du revenu cadastral la taxe sur l’achat d’un bien immobilier en Flandre. Le régime réduit dépend désormais du prix d’achat du bien et non plus de la valeur locative de 1975.
Espérons que cette mesure judicieuse soit suivie au niveau fédéral. La suppression du revenu cadastral présenterait énormément d’avantages. Elle permettrait de rendre la fiscalité plus équitable et de stimuler les rénovations. Qu’est-ce qu’on attend ?
L’auteur est avocat chez Rivus et professeur à la faculté d’Économie et de Sciences de l’entreprise de la KU Leuven ainsi qu’à laFiscale Hogeschool.
Traduction : virginie·dupont·sprl
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