Pourquoi l’immo prospère dans les régions à risques climatiques
Loin d’être désertées, les régions fortement touchées par les catastrophes climatiques, comme les inondations ou les ouragans, connaissent même une explosion démographique. En Belgique aussi, de nombreuses personnes continuent à construire au bord de l’eau ou en zone inondable.
Aux États-Unis, on observe un étrange paradoxe : les Américains se déplacent en masse vers des régions particulièrement exposées aux catastrophes climatiques. Ce sont souvent les zones les plus vulnérables aux cyclones, incendies, inondations et vagues de chaleur qui connaissent la plus forte croissance démographique. Une surdensification qui ne fait que les rendre plus vulnérables. Par exemple, à Fort Myers, en Floride, la population a doublé depuis 1999, attirant aussi bien les riches que les moins aisés. Pourtant, la ville est régulièrement exposée aux ouragans, comme Ian en 2022, et Helene et Milton en 2024. D’autres régions, comme Port St. Lucie sur la côte atlantique de la Floride, connaissent également une croissance rapide, bien qu’elles subissent aussi des tornades et d’autres aléas climatiques.
Les risques climatiques ne semblent donc pas être une priorité pour beaucoup d’Américains lorsqu’ils choisissent leur lieu de résidence. Leur décision serait surtout influencée par la proximité de la famille, des amis ou le coût de la vie. L’attrait de ces régions s’explique en grande partie par des prix immobiliers plus bas, un climat plus doux et des opportunités d’emploi. Ce mouvement a encore été renforcé par la pandémie qui a accéléré les migrations vers des lieux plus adaptés au télétravail. Oubliant, au passage, que les assurances deviennent tout simplement inaccessibles dans certaines zones à risque.
Au ras de l’eau
Ces villes champignons ne sont pas toujours bien préparées face aux éléments. La Floride en est un exemple. L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) estime qu’il y aura dix fois plus d’inondations en 2050 qu’aujourd’hui, avec des événements majeurs cinq fois plus fréquents. Pour y faire face, des sommes considérables ont été investies dans des digues ou encore pour surélever routes et bâtiments. Mais ces mesures de prévention n’ont pas suffi à compenser l’afflux de nouveaux résidents, d’autant plus qu’à ceux-ci s’ajoutent les “climat-réfugiés” locaux, soit des populations qui fuient les régions de Floride devenues invivables.
Certains habitants délaissent les côtes pour se diriger vers l’intérieur des terres, laissant derrière eux une population plus âgée. La Floride est littéralement au ras de l’eau, et la mer va continuer à monter, avec une élévation prévue de 86 cm d’ici 2060 selon les pires estimations. De quoi engloutir les 1700 îles et îlots de l’archipel des Keys d’ici la fin du siècle. Ces mouvements de population contribuent à l’étalement urbain et augmentent la vulnérabilité face aux catastrophes.
Gentrification climatique
Selon une analyse de ProPublica, le réchauffement climatique va profondément modifier la répartition de la population aux États-Unis d’ici 2070. Le professeur Jesse Keenan de la Graduate School of Design de l’Université d’Harvard a décrit une nouvelle forme d’embourgeoisement : la gentrification climatique. Soit un phénomène où les plus nantis occupent les espaces mieux protégés contre les effets du changement climatique. Ou quand les plus nantis se mettent au sec quand les plus pauvres font l’autruche. Il y a aussi une part de fatalisme dans ce choix : déménager, oui, mais pour aller où, quand les ouragans frappent désormais même les régions supposément plus sûres, comme l’ont montré les destructions causées par les ouragans Helene et Milton à Asheville, en Caroline du Nord.
La France aussi
En France également, les risques naturels, amplifiés par le réchauffement climatique, menacent de plus en plus de logements. L’érosion côtière, la submersion marine et la sécheresse entraînent des conséquences graves touchant potentiellement plus de 50 000 logements d’ici 2100. Le gouvernement impose désormais aux agents immobiliers de signaler ces risques dans leurs annonces et de fournir un état des risques aux acheteurs. Pourtant, malgré une prise de conscience croissante des acheteurs, le littoral reste très prisé.
L’attrait de la vie au bord de l’eau
Malgré leur plus grande vulnérabilité face aux aléas climatiques, les biens situés au bord de l’eau conservent un attrait significatif, une tendance observée à l’échelle mondiale. « De Londres à Paris, en passant par Namur, Liège, Bruxelles, Hasselt, Anvers, Charleroi ou Tubize, les projets les plus haut de gamme sont désormais situés au bord de l’eau », disait Xavier Attout dans nos colonnes.
Et en Belgique ?
En Belgique, bien que l’on vérifie plus qu’avant les inondations de 2021 si un bien se trouve en zone inondable, la vie au bord de l’eau continue de séduire. Une étude néerlandaise estime que les prix sont supérieurs de 15 % pour les logements avec vue sur l’eau, soit davantage que pour la vue d’un beau paysage, qui augmente les prix de 12 %. Quant aux projets situés sur la côte belge, la plus-value se situe entre 20 % et 30 % (jusqu’à 48 % à Knokke).
Cependant, les biens situés dans des zones sinistrées subissent une baisse de prix de 10 à 15 %. Ce qui attire principalement des investisseurs et des entreprises de construction. Depuis les inondations de juillet 2021, de plus en plus d’acheteurs cherchent à acquérir des biens en dehors des zones inondables. Une enquête d’ERA Real Estate montre que 93 % des Wallons et Bruxellois y prêtent attention, contre 65,7 % auparavant. Les conditions de construction sont également devenues plus strictes pour les 3 000 à 4 000 permis octroyés chaque année dans des zones inondables. En Wallonie, par exemple, en zone d’aléa élevé, le principe est d’éviter l’urbanisation.
Voici 4 points essentiels à prendre en compte lors de l’achat ou de la location d’un bien immobilier situé dans une zone inondable :
– Vérifier la localisation exacte du bien : Consultez les cartes de zones inondables fournies par les autorités locales (la Région wallonne cartographie les zones inondables tous les 6 ans, la prochaine est attendue pour 2025). Cela permet de savoir si le bien est dans une zone à risque élevée ou faible et de comprendre les potentiels risques de débordement de cours d’eau.
– Demander les informations aux agents immobiliers et notaires : Les agents immobiliers ont un devoir de transparence et doivent signaler si un bien est en zone inondable. De plus, le notaire est tenu de vous informer avant l’achat si ce risque n’a pas été précisé. Si un bien est situé en zone inondable, il subira une décote immobilière, ce qui peut être un handicap en cas de revente.
– Vérifier les assurances nécessaires : Une assurance habitation incluant la couverture des catastrophes naturelles (comme les inondations) est indispensable. Or, certaines assurances refusent d’assurer de tels biens ou imposent des tarifs prohibitifs. Ce phénomène s’accélère à mesure que le coût de la sinistralité augmente. Renseignez-vous donc bien sur le plafond de la prime et de la franchise pour les dommages causés par des inondations.
– Prévoir les coûts de rénovation ou de relogement : En cas d’inondation, les coûts de réparation peuvent être élevés, et un relogement temporaire peut s’avérer nécessaire. Assurez-vous que votre budget prend en compte ces risques potentiels. Notez également que les banques se montrent de plus en plus réticentes à financer de tels biens.
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