Obtenir un permis pour un gros projet immobilier? C’est presque de la roulette russe
Les entrepreneurs doivent compter entre deux ans et demi et cinq ans pour espérer obtenir un permis d’urbanisme pour un gros projet immobilier. “C’est quasiment devenu le jeu de la roulette russe”, selon la Fédération des entrepreneurs généraux de la construction.
Avant de solliciter un permis, un promoteur lance des études d’impact et de conception. Il introduit ensuite sa demande auprès des pouvoirs locaux. Si tout se passe bien et qu’aucun recours n’est introduit, le permis est accordé après 28,5 mois en moyenne, ressort-il d’une étude conjointe de la KU Leuven et Ideaconsult. C’est le cas pour un gros projet (comme la construction de 20 unités de logement) sur deux (53%). Pour l’autre moitié, le permis est soit refusé (12%), soit retiré d’initiative. Si l’octroi du permis est contesté devant le Conseil d’État, il faut ajouter environ 395 jours supplémentaires. En Flandre, ce trajet peut s’étirer jusqu’à 65,5 mois puisqu’une instance intermédiaire existe (le Raad voor Vergunningsbetwistingen – RvVB).
Des délais qui ont un coût
Or, ces délais coûtent de l’argent aux entrepreneurs. “On estime la perte à 12 millions d’euros par mois de retard” pour toute la Belgique, note le directeur général de la fédération, Patrice Dresse. Ces lenteurs ont plusieurs sources, selon l’étude. Les divergences de vision entre instances communales débouchent sur des injonctions contradictoires (par exemple, créer une route secondaire tout en préservant une friche naturelle). “L’enfer est pavé de bonnes intentions”, jauge M. Dresse. “Il est normal que tout le monde puisse s’exprimer” lors des consultations lancées par les communes, “mais on en arrive parfois à des situations ubuesques où des gens qui ne se sont pas manifestés lors des phases préliminaires déposent un recours devant le Conseil d’État”, dénonce-t-il, rappelant qu’un recours a un coût financier pour un entrepreneur. Les caractéristiques du quartier (densité de population, niveau d’éducation des habitants, propriété ou location…) influencent aussi fortement la probabilité de recours au Conseil d’État. Ainsi, un promoteur a plus de chance de se voir accorder un permis pour un quartier où la proportion de non-Européens et de travailleurs est plus importante.
La politique du “not in my backyard”
Il existe en outre des différences entre communes: le risque de recours est plus élevé dans celles plus densément peuplées (les grandes villes, typiquement). Soit “dans les zones où la demande de logements est forte et où les prix augmentent”, souligne la fédération. “Si moins d’un projet sur deux aboutit, cela a un impact sur le coût du bâti puisqu’il faut que le coût du projet raté soit intégré dans celui du projet réussi”, pointe Patrice Dresse. À l’initiative des recours contre les gros projets immobiliers, on retrouve “des voisins ou des associations d’intérêt général”, selon le directeur général. “C’est la politique du ‘not in my backyard’.
Mais les gens oublient que la verte pâture qui borde leur maison est un terrain constructible et que leur droit de propriété” n’empiète pas “sur le terrain d’autrui”. Afin de réduire les délais pour l’octroi d’un permis, la fédération préconise de moderniser les procédures nationales et régionales, notamment en créant “un point de contact clair auprès de l’autorité délivrant le permis”.
Le problème des recours
Quant aux recours, “nous pensons que tout le monde doit avoir accès à la justice mais qu’il faut prendre en compte l’intérêt à agir”, répond M. Dresse. Autrement dit: pourquoi une association limbourgeoise peut-elle avoir voix au chapitre sur un projet montois, illustre-t-il. “En Wallonie, un recours est introduit par jour ouvrable contre des décisions de la Région et le problème est comparable dans les trois Régions”, avance-t-il.
“On pourrait également imaginer une sorte de gare de triage qui évaluerait si tous les documents requis sont dans le dossier avant d’arriver devant le Conseil d’État”, poursuit le directeur de la fédération. “Si un recours est fait de bric et de broc pour gagner du temps, le juge devrait pouvoir vous sanctionner en vous imputant les frais de justice”, ajoute-t-il. “Ce sont quelques éléments qui permettraient de mettre de côté les cas les plus excessifs. On gagnerait alors en rapidité”, conclut Patrice Dresse.
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