Melvin Lecoq, le jeune promoteur qui voulait se démarquer
À 30 ans, Melvin Lecoq est l’un des plus jeunes promoteurs immobiliers de Wallonie. Ce Namurois ambitionne de construire 300 logements d’ici 2030. Des appartements vendus 10 % en dessous des prix du marché. Un sacré tour de passe-passe alors que le marché immobilier neuf traverse une sérieuse crise.
Dans le petit monde de la promotion immobilière namuroise, Melvin Lecoq passe de moins en moins inaperçu. Le jeune homme de 30 ans enchaîne les développements immobiliers depuis 2019. Deux projets d’envergure sont d’ailleurs actuellement en cours de construction à Andenne, en bord de Meuse. Le premier sera livré début novembre (16 appartements, Urbaneco), le second au printemps 2026 (28 appartements, Aura). Des projets qui boucleront le premier cycle de ce développeur atypique avant de passer à la vitesse supérieure. Deux autres immeubles de 10 et 31 unités ont déjà été construits à Huy et Andenne.
Car s’il souhaite assister à une croissance raisonnée de sa société Accès Habitat, Melvin Lecoq est néanmoins un homme pressé. De retour en terre namuroise après une enfance passée à Montréal, ce diplômé d’école de commerce (HEC Montréal) se dirige directement à 25 ans vers la promotion immobilière.
“Je suis un entrepreneur dans l’âme, souligne-t-il. Mes parents travaillaient dans la restauration en étant à la tête d’un réseau de franchises. J’ai repris une partie de la gestion des restaurants suite à des problèmes médicaux rencontrés par mon père. C’était une bonne école.
J’étais déjà dans une démarche de rationalisation des coûts, une démarche que j’essaye de poursuivre dans mes activités actuelles. Lors de la vente de la société, comme je disposais d’une partie des parts, j’ai pu me lancer à mon compte une fois de retour en Belgique.”
Plus grand, plus beau mais moins cher
Il se tourne alors vers un secteur très concurrentiel mais dont le conservatisme offrait, selon lui, des opportunités.
“Le secteur immobilier est beaucoup plus innovant au Canada. J’y ai observé de nombreux aspects intéressants. En revenant en Belgique, ma volonté était avant tout de me démarquer et de ne pas reproduire simplement un schéma qui fonctionne. J’ai souhaité me démarquer en m’orientant vers des projets plus beaux, plus grands et plus abordables que les autres, et qui soient donc vendus en moyenne 10 % en dessous des prix du marché. C’était l’idée de départ, rendue possible avec une dose de créativité et une rationalisation des coûts. Cela n’a toutefois pas été simple. Pour mon premier projet de 10 logements, j’ai dû rendre visite à 23 cabinets d’architectes avant qu’un premier bureau n’accepte de relever le défi ! Je leur demandais d’innover, de repenser les modes de construction, d’utiliser de nouveaux matériaux, etc. Il est évident que quand un jeune arrive avec de tels discours, il est plus compliqué de gagner la confiance de ses interlocuteurs.”
Industrialiser les process
Avant la crise actuelle, les marges des gros promoteurs avoisinaient les 12 à 15 %, celles des plus petites structures pouvaient dépasser les 20 %. De son côté, Melvin Lecoq estimait qu’il pouvait quelque peu rogner sur ses bénéfices mais surtout que, à son échelle – des projets de 10 à 50 unités –, il était possible de sérieusement diminuer les coûts d’un projet, de l’acquisition du foncier à la commercialisation des biens.
“L’objectif principal est en effet d’optimiser et de maîtriser les coûts mais surtout de ne pas diminuer les standards de qualité et de durabilité. Il est par exemple possible d’effectuer des économies d’échelle lors de l’achat de matériaux. Nous disposons d’un entrepôt de stockage permettant d’acheter des matériaux sujets à de grandes fluctuations et d’anticiper les hausses de prix. L’industrialisation (tous les appartements sont similaires, ndlr) et la préfabrication de certaines structures – comme des balcons – permettent également de faire des économies. En fait, nous avons surtout enlevé les variables dont le coût est élevé et qui n’ont pas un bon delta en termes de revenus. Quand toutes ces mesures sont mises bout à bout, l’addition est bien inférieure aux projections habituelles.”
Reste que si des économies sont réalisées sur certains postes, elles sont compensées par des appartements plus bien plus spacieux et par une offre plus qualitative en matière de cuisines, de caves à vin, de revêtements de sol ou encore de mobilité douce (vélos et trottinettes partagées à disposition).
“Si tous les projets se sont vendus très rapidement, preuve que le produit est bon, je me suis arrêté pendant quelques mois en 2023 pour réorienter ma stratégie. Car si les projets vendus jusqu’à présent étaient 10 % inférieur au prix du marché, il n’était pas non plus des plus accessibles. Or, l’objectif est dorénavant de proposer des projets qui restent de qualité mais qui sont vraiment abordables. J’ai donc restructuré la société et établi de nouveaux process pour y parvenir.”
Appartements à la carte
Avec une demi-douzaine de projets en cours de demande de permis ou à l’étude le long de la E42 (Liège, Brabant wallon et Namur), Accès Habitat entend désormais proposer une nouvelle offre à ses clients.
“Pour chaque projet, j’essaye de m’adapter aux tendances du moment, que ce soit le télétravail, l’écologie, l’accessibilité, etc. Mais j’ai été sur les segments haut et milieu de gamme. Aujourd’hui, je souhaite toutefois aller bien plus loin en termes d’accessibilité au logement. Je vais donc proposer des appartements optimisés au maximum. Soit de 75 à 80 m2 pour un deux chambres, avec un prix aux alentours de 200.000 euros HTVA (2.375 euros/m²). Et, ce qui est novateur, c’est que je proposerai trois types de finition que le client pourra choisir en fonction de son budget. Trois projets de 16, 17 et 10 logements sont pensés dans cette optique-là. Je suis également en train de sceller un partenariat avec une institution financière pour faciliter l’apport de fonds propres, de manière à proposer une offre globale. Les promoteurs habituels ne sont pas intéressés de s’aventurer dans des projets où la rentabilité est aussi faible. L’agilité de ma société le permet.”
Notre croissance sera toutefois maîtrisée et réfléchie et, je l’assure, la quantité ne primera jamais sur la qualité.
Melvin Lecoq
CEO d’Accès Habitat
S’il a déjà construit 57 unités depuis 2019 à Huy et Andenne, Melvin Lecoq entend en construire 77 de plus d’ici fin 2026 et 300 au total d’ici 2030.
“L’idée est de tripler la production annuelle de logements, affirme Melvin Lecoq, qui compte lancer, en 2026, une société dédiée à la location. Le fait d’avoir peu de projets en développement me permet de pouvoir me retourner plus aisément en cas d’évolution du marché. Ce que ne peut faire un grand promoteur. Notre agilité est une vraie force en temps de crise. Nous n’avons d’ailleurs pas connu de ralentissement de nos ventes ces derniers mois. Notre croissance sera toutefois maîtrisée et réfléchie et, je l’assure, la quantité ne primera jamais sur la qualité. Quitte à revoir les objectifs financiers à la baisse.”
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