Les promoteurs immobiliers font une croix sur 6.000 logements
Promoteurs et investisseurs décident d’arrêter les frais : des investissements immobiliers pour plus de 1,8 milliard d’euros vont passer à la trappe. Soit plus de 6.000 logements, selon les calculs de l’Upsi.
Les chiffres sont colossaux, à la hauteur de la colère qui agite le secteur immobilier depuis l’annonce mi-octobre de la hausse de la TVA pour les opérations de démolition/construction. Le secteur souhaitait quantifier l’impact économique de cette décision pour pouvoir accentuer la pression sur le fédéral. Les résultats de l’enquête de l’Upsi ont été révélés ce mardi après-midi à Liège lors d’un séminaire immobilier organisé par le Cercle de Wallonie. Le patron de l’Upsi, l’Union professionnelle du secteur immobilier qui rassemble 175 membres (des promoteurs et des investisseurs), a voulu quantifier les bouleversements attendus dans le secteur suite à la décision par le fédéral de ne pas prolonger dès la fin 2023 la mesure temporaire de réduction de la TVA de 21 à 6 % pour les opérations de démolition/reconstruction décidée il y a deux ans et de mettre fin à l’exception mise en place en 2007 dans 32 centres urbains d’une TVA à 6 % pour les démolitions /reconstructions.
La baisse de la TVA à 6 % était une mesure temporaire pour rebondir après la période covid. Sa suppression met le secteur de la construction à mal.
La première mesure impacte particulièrement les promoteurs immobiliers, qui vendent directement leurs logements aux particuliers. La seconde concerne les investisseurs immobiliers, des acteurs qui développent des projets mais restent propriétaires des appartements pour les mettre en location. « Je savais que ces décisions pouvaient avoir un impact non négligeable sur l’activité des promoteurs et des investisseurs immobiliers mais je ne m’attendais quand même pas à des chiffres d’une telle ampleur, affirme Olivier Carrette, CEO de l’UPSI. C’est la preuve que les acteurs de la promotion immobilière sont complètement déboussolés et inquiets. Cette enquête ne pourra rester sans suite. Elle appelle une réaction du fédéral. »
Retards et résiliations de compromis
Soixante membres ont répondu, un panel qualifié de représentatif puisque tous les membres de l’Upsi ne sont pas concernés. On y retrouve des promoteurs immobiliers tout d’abord. Sur les 9.534 logements qu’ils comptaient construire en 2024 et 2025 et qui seront impactés par la mesure, on y relève que 2.570 unités ne seront pas développées. Soit 25 %. Et 2.073 unités seront vendues mais sans atteindre le seuil de rentabilité. La perte en matière d’investissement immobilier s’élèverait alors à 1,3 milliard. « Ce montant concerne tous les promoteurs qui stoppent leurs investissements, précise Olivier Carrette. Et concernant l’Etat, la perte en matière de recettes TVA non perçues s’élève à 78 millions. Et cela, c’est sans compter les pertes en matière de précompte immobilier, de taxes communales et régionales, d’impôts des sociétés ou de cotisations sociales. »
“La plupart des promoteurs étaient convaincus que la mesure serait prolongée, voire pérennisée.”
Olivier Carrette (Upsi)
Reste que depuis le départ, les promoteurs savaient que cette baisse de la TVA à 6 % était une mesure temporaire pour rebondir après la période covid. N’ont-ils pas fait preuve d’imprudence et n’auraient-ils pas dû introduire cette donnée dans leur faisabilité financière ? « La plupart étaient convaincus que la mesure serait prolongée, voire pérennisée, poursuit Olivier Carrette. C’était d’ailleurs les informations qui nous revenaient du cabinet Van Peteghem. Ils travaillaient également dans une période de taux bas avec un foncier particulièrement élevé. L’équilibre était compliqué à atteindre. Ajoutons que d’après l’enquête, 92% des unités qui ne sont pas encore vendues rencontrent des retards dûs à l’incertitude, 5 % voient la résiliation des compromis de vente et 3 % entraînent une demande de report du délai de payement. Tout le marché est donc impacté. Je reçois des appels tous les jours concernant des projets qui sont suspendus ou arrêtés. »
Arrêt de 9 projets sur 10 destinés à la location
Quant aux investisseurs immobiliers, ils sont encore plus dans l’expectative, eux qui sont tombés de leur chaise en apprenant la suppression d’une mesure qui existe depuis plus de 15 ans. D’après l’enquête de l’Upsi, 76 % des promoteurs qui ont obtenu leur permis de bâtir ont décidé de temporiser et de suspendre le début des travaux. Quant à ceux dont la demande de permis est en cours, ils ont également décidé de calmer le jeu : 59 % ont décidé d’arrêter leur projet et 39 % de le suspendre. « Ils veulent y voir plus clair avant de se lancer, relève Olivier Carrette. Plus aucune faisabilité financière n’est valable, ils ne vont pas travailler à perte. » D’après les premières estimations, ce sont 3.623 logements destinés au marché locatif qui ne verront pas le jour, soit une perte d’investissements immobiliers qui s’élève à 550 millions et de recettes TVA non perçues qui atteignent 33 millions.
Précisons que l’Upsi attend toujours les conclusions du Conseil d’Etat sur cette loi-programme pour savoir si elle intentera un recours devant la Cour Constitutionnelle.
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