Les maisons de plus en plus aux mains des promoteurs

A l’avenir, la production de logements via les développeurs immobiliers devrait encore se renforcer. © BELGA/BELPRESS

Les nouvelles constructions sont désormais surtout entre les mains des promoteurs immobiliers. Une évolution des modes de construction, plus réfléchie, qui a un impact sur la manière d’aménager le territoire. Et des conséquences sur les prix.

Pendant de longues décennies, le schéma était relativement classique. Les Belges commençaient par acheter un terrain avant de faire appel à un entrepreneur ou une société de construction pour construire la maison de leurs rêves. Un sentiment de liberté pour certains. Une manière de contribuer à l’étalement urbain et de complètement défigurer la Wallonie et la Flandre pour d’autres. Des maisons étant construites un peu partout sur le territoire, sans grande vision.

“Cette situation a clairement été dommageable pour les campagnes belges, pointe Yves Hanin, directeur du Centre de recherche en aménagement du territoire (CREAT) de l’UCLouvain. Les villes se sont étendues. Chacun construisant sa maison là où il le souhaitait, dans des endroits extrêmement reculés parfois. Plus on allait loin, meilleur marché était le terrain.”

Au fil du temps, la manière dont la production de maisons a évolué s’est toutefois transformée. Laissant la main désormais aux lotisseurs, qui ont pendant longtemps racheté des grands terrains avant de les revendre à la découpe, puis aux promoteurs immobiliers qui ont, de leur côté, aménagé des lotissements de maisons. Une nouvelle donne qui n’a pas non plus été une grande avancée en matière d’aménagement du territoire, tant cette multiplication de maisons quatre façades a consommé du foncier.

Si les terrains sont aujourd’hui bien plus rares en Wallonie et en Flandre, les nouveaux projets de maisons construites et aménagées par les développeurs immobiliers sont bien plus réfléchis. On parle d’ailleurs davantage d’écoquartier ou de quartier mixte pour qualifier cette nouvelle production de logements. D’autant qu’ils sont surtout construits sur d’anciennes friches industrielles ou sur les derniers terrains vierges. “Les nouveaux quartiers construits ou en cours de construction sont complètement différents des lotissements conçus auparavant, relève Eric Schartz, directeur d’Immobel Home, un acteur présent en Flandre et en Wallonie. Ils font la part belle à des maisons de deux et trois façades, sur des parcelles plus réduites, avec des espaces publics mis en avant et parfois des espaces à partager comme des potagers ou des salles communes. Dans certains cas, des immeubles à appartements sont également aménagés. Il y a une meilleure cohérence et uniformité dans le bâti, ce qui est apprécié par les communes.”

Un glissement vers l’offre résidentielle

Peu de chiffres circulent pour évoquer la manière dont sont aujourd’hui produits les logements en Belgique. En 2018, le Centre de recherche en aménagement du territoire de l’UCLouvain a avancé quelques chiffres : 6.500 logements sont produits chaque année en Wallonie par la promotion immobilière, 5.800 par l’autopromotion et 3.000 unités via la création de logements par rénovation d’immeubles. Des chiffres aujourd’hui confirmés par Embuild, qui en donne une autre lecture.

“Sur la base de la répartition des permis par donneurs d’ordre, nous pouvons identifier s’ils sont demandés par des particuliers ou des promoteurs, ce qui permet d’avoir une idée du nombre de projets portés par des promoteurs, explique Salim Chamcham, manager économie, numérique & innovation chez Embuild Wallonie. En 2013, 42,3 % des donneurs d’ordre étaient des sociétés alors qu’ils étaient encore 55,7 % en 2023. L’augmentation est donc bien marquée.”

Des chiffres qui font en tout cas réagir Yves Hanin : “Il y a clairement eu ces dernières années un glissement de la production par lotissement vers l’offre résidentielle. C’est-à-dire que les futurs acquéreurs ne décidaient plus de l’architecture ou du type de maison qu’ils souhaitaient mais se tournaient vers des maisons clés sur porte. Soit des maisons déjà construites où il ne fallait plus que choisir la cuisine et la salle de bain. Cette situation a entraîné une réduction du nombre de pièces mais une légère augmentation de la taille moyenne des maisons. Avec une tendance vers une moyenne de 200 m². On a également assisté à une réduction de la superficie des parcelles pour les maisons. Dans les lotissements actuels, elles vont de 4 à 6 ares. On observe également une densification de l’urbanisation.”

“Avec le concept de centralité, de nombreux terrains vont retrouver de la valeur.”
Yves Hanin

Yves Hanin

A l’avenir, la production de logements via les développeurs immobiliers devrait encore se renforcer. L’autopromotion permettra de combler les terrains encore disponibles d’une manière disparate sur le territoire. Mais les grands terrains ont, pour la plupart, été achetés par de grands promoteurs comme Thomas & Piron, Matexi et Immobel. “La maison reste particulièrement plébiscitée par les acheteurs, relève Eric Schartz. Il y a une vraie demande pour ce type de bien, qui permet de disposer d’un petit jardin et de services mis à la disposition de la collectivité. Immobel a la chance de disposer d’un potentiel foncier encore important, de quoi encore pouvoir développer des projets. Il est toutefois de plus en plus difficile d’obtenir des permis. Et ce, malgré les multiples charges d’urbanisme et des projets bien plus qualitatifs que ce qui a été construit par le passé. La mixité des fonctions et des types de logements est aujourd’hui le maître-mot.”

Des coûts compressés

Si les lignes directrices en matière d’aménagement du territoire vont changer en Wallonie suite à l’adoption du Schéma de développement du territoire (SDT), la manière de produire devrait également être impactée. “Avec le concept de centralité, soit le fait de favoriser les constructions dans les centres, de nombreux terrains vont retrouver de la valeur, estime Yves Hanin. Les développeurs immobiliers pourront multiplier les projets rassemblant appartements et maisons avec jardin. Avec une densité plus importante.”

Eric Schartz embraye également dans la même direction : “Il est évident que le modèle actuel ne va faire que se renforcer, estime-t-il. D’autant que ce type de production coûte moins cher. Des économies d’échelle sont réalisées par le constructeur, les terrains sont plus petits que pour une maison quatre façades, il n’y a pas non plus de suppléments inexpliqués. Le prix d’acquisition est donc moins important. Ce marché tourne aujourd’hui au ralenti, contrairement à celui des maisons quatre façades vu que ces acquéreurs-là ont davantage de moyens, mais je suis certain qu’il va reprendre rapidement dans les prochains mois.”

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