Les architectes se heurtent à l’administration : “une paralysie totale”

L’obtention d’un permis de construire est devenue une procédure lourde, complexe et semée d’embûches. Résultat : des retards, une hausse des coûts du projet et, au final, aucune certitude d’obtenir le permis.
« Alors qu’une demande de permis de construire était autrefois relativement simple, les architectes doivent désormais composer avec un éventail d’études et d’avis en matière environnementale et d’aménagement du territoire », explique Dirk Mattheeuws, président du Netwerk Architecten Vlaanderen (NAV). Parmi ces obligations figurent notamment l’évaluation hydrologique, qui mesure l’impact d’un projet sur la gestion des eaux, ou encore le test de raccordement aux égouts, qui impose des normes strictes en matière d’assainissement des eaux usées. Une étude d’incidence sur la nature examine les conséquences sur la biodiversité ; une expertise archéologique peut être requise, de même qu’un score d’impact visant à analyser les implications spatiales et écologiques du projet. Pour certains chantiers, des études supplémentaires sont nécessaires, comme un plan de suivi des démolitions dans le cadre de ce type de travaux.
« Une procédure de permis peut prendre du temps si elle permet d’aboutir à un cadre bâti de meilleure qualité », admet Nadja Van Houten, présidente de l’Association professionnelle des architectes (Beroepsvereniging voor Architecten, BVA). « Mais nous constatons que les délais sont aujourd’hui principalement dus à des tracasseries administratives excessives et à la multiplication des études exigées. Cela va trop loin. On perd de vue l’objectif final : la qualité de notre environnement, bâti et non bâti. »
Un déficit de compétences techniques
Les administrations en charge des avis souffrent d’un manque structurel de personnel. « Certains services sont tellement en sous-effectif qu’ils ne parviennent plus à rendre leurs avis dans les délais », observe Mattheeuws.
À cela s’ajoute un manque de cohérence entre les avis. « Par exemple, les pompiers peuvent imposer des mesures de sécurité qui entrent en contradiction avec les exigences en matière d’accessibilité », précise-t-il.
Un troisième problème, selon lui, concerne la capacité de décision : « Autrefois, les agents de l’urbanisme prenaient plus facilement des décisions. Aujourd’hui, ils manquent souvent de compétences techniques ou d’audace pour trancher entre des avis contradictoires. Résultat : une paralysie totale. »
Une charge administrative croissante
La charge administrative pesant sur les architectes s’est considérablement alourdie au cours des dix dernières années. « Comparez un dossier de permis d’autrefois avec celui d’aujourd’hui : il est au moins trois fois plus volumineux », affirme Mattheeuws. « Les architectes consacrent de plus en plus de temps aux demandes de permis, sans pour autant être mieux rémunérés, puisque les honoraires sont fixés à l’avance avec le maître d’ouvrage. »
Par ailleurs, la probabilité d’obtenir un permis a diminué. Le Département de l’Environnement introduit plus rapidement des recours. Le NAV constate ainsi que les autorités flamandes s’opposent de plus en plus souvent aux permis délivrés, en particulier lorsqu’il s’agit de changements d’affectation en zone agricole. « Cela signifie que même si une autorité locale donne son feu vert, le gouvernement flamand peut encore bloquer le projet », précise Mattheeuws. De plus, les riverains saisissent plus fréquemment la justice.
Parcours du combattant en Wallonie et à Bruxelles
Et cette problématique n’est pas propre à la Flandre. Le site immobilier ImmoNews souligne également la longueur exceptionnelle des délais d’obtention d’un permis de construire : « Alors que la moyenne européenne se situe autour de six mois, les délais en Belgique dépassent fréquemment douze mois, voire davantage. » Des délais qui ont un impact significatif sur les projets immobiliers. Pour expliquer ce temps d’attente, le site pointe un ensemble de facteurs complexes, classés en trois catégories : les difficultés administratives, les spécificités du projet et la gestion des recours.
Quant à Bruxelles, même combat. En mai de l’année passée, Francis Metzger, président du Conseil francophone et germanophone de l’Ordre des architectes (Bureau MA2), dénonçait dans les colonnes de La Libre ces délais : « Quand, à Amsterdam ou à Munich, l’obtention d’un permis d’urbanisme prend quatre mois, à Bruxelles, il s’écoule au minimum un an et demi au terme duquel vous n’êtes encore nulle part. Avant de vous installer dans votre bien, il se sera écoulé en moyenne sept ans ! Pour un particulier, c’est infernal. »
Et pour lui aussi, la faute incombe aux administrations : « Les causes de cette médiocrité sont à rechercher dans la complexité bureaucratique, qui tue dans l’œuf l’audace de tout investisseur, promoteur ou simple particulier souhaitant bâtir ou rénover son bien. »
Solutions pour améliorer les délais d’obtention d’un permis de construire
Tous pointent les mêmes pierres d’achoppement, ainsi que des pistes permettant de réduire les délais d’obtention d’un permis de construire ou de bâtir :
• Amélioration du cadre administratif : meilleure coordination entre les autorités compétentes afin d’éviter les contradictions dans les avis, ainsi qu’un renforcement des effectifs administratifs.
• Vers une digitalisation totale : en Flandre, la digitalisation des permis est plus avancée qu’en Wallonie, où « on est encore sur des permis papier, c’est incroyable », dénonçait Francis Metzger sur les ondes de Bel RTL. Quant à Bruxelles, « deux communes sont encore au papier ».
• Simplification des procédures : allègement des démarches administratives et des formulaires, mise en place de procédures de recours simplifiées et accélérées.
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