Le virage hype 
de l’hôtellerie bruxelloise

L’ancien ­Astoria, situé rue Royale, est en pleine transformation ­actuellement pour devenir, dès cet automne, le plus luxueux palace de la capitale sous la bannière de Corinthia Hôtel.

Les ouvertures d’hôtels se multiplient à Bruxelles. Un renouvellement de l’offre plus trendy et haut de gamme qui doit donner une nouvelle attractivité à la capitale belge. Si 12 millions de nuitées sont espérées annuellement à l’horizon 2030, reste quand même à voir si le danger d’une suroffre ne tend pas les bras vu les nombreux projets dans le pipeline.

The Hoxton a ouvert le bal à Saint-Josse en avril dernier (198 chambres) avant que Mix Brussels (Boitsfort, 180 chambres) et le Voco City North (Vilvorde, 92 cham­bres) ne suivent dans la foulée en juin et septembre. De quoi permettre de boucler une année 2023 avec 666 cham­bres supplémentaires et une nouvelle dynamique en matière d’offre hôtelière.

Un premier coup de canon avant une année 2024 qui s’annonce encore plus flamboyante : en février, c’est l’Uptown Brussels et ses 523 chambres qui a ouvert ses portes au Botanique (hôtel qui sera rebrandé Autograph Collection en juillet), en avril c’était l’Usual (72 chambres) situé boulevard Adolphe Max. Et quand on jette un œil aux ouvertures prévues d’ici la fin de l’année, on peut notamment relever l’extension du DoubleTree by Hilton (+ 151 chambres) au ­Botanique et les arrivées du Corinthia Grand Hôtel situé rue Royale (125 chambres), du City Box (246 chambres) à proximité de la place Stéphanie ou encore du YotelPad (162 chambres de longue durée). Une offre conséquente, mêlant rénovations et nouvelles implantations, qui témoigne en tout cas d’un secteur en pleine mutation.

“Une nouvelle dynamique est clairement en marche et il faut s’en réjouir, lance ­Benjamin Devie, qui compile les données en la matière pour Cushman & Wakefield. Les projets sont présents sur tous les segments, de l’auberge de jeunesse à l’ultra-luxe.”

Et ce d’autant que le secteur sort d’une période où les crises se sont multipliées et qu’il n’a pas encore retrouvé son rythme de croisière. Si le taux d’occupation était en croissance en 2023 pour atteindre 68,3 % (pour 59,4 % en 2022), il reste encore loin de son niveau de référence de 2019 (75 %), année épargnée par les crises.

On espère atteindre un taux d’occupation de 80 % d’ici cinq ans. Ce ne sera pas encore le cas pour 2024 et 2025.” – Rodolphe Van Weyenbergh (Brussels Hotels Association)

“Les ambitions sont en tout cas grandes, pointe Rodolphe Van Weyenbergh de la Brussels Hotels Association (BHA). Si le tourisme de loisirs a recouvré ses standards, ce n’est pas encore le cas du tourisme d’affaires. Or, nous observons que les réunions physiques redeviennent importantes pour les sociétés, ce qui devrait relancer ce segment. De quoi, on l’espère, atteindre un taux d’occupation de 80 % d’ici cinq ans. Ce ne sera donc pas encore le cas pour 2024 et 2025. L’objectif est d’atteindre les 10 millions de nuitées annuelles d’ici 2028 et nous pourrions même viser les 12 millions pour 2030 (pour 7.165.640 millions en 2023, Ndlr).”

Un potentiel à concrétiser

De plus en plus d’enseignes mettent donc désormais Bruxelles sur leur carte hôtelière. Que ce soit via une transformation de grande ampleur d’un hôtel existant ou via l’intégration d’un volet hôtelier dans un important projet de bureau. “Pour ce dernier, cela fait partie d’un mix des fonctions à côté du bureau, du résidentiel et du retail, lance Jan-Albert ­Kympers, fondateur du bureau de consultance en développement hôtelier Homard. C’est une piste assez rentable. De plus en plus d’investisseurs sont prêts à franchir le pas.”

Un constat confirmé par Michael Niego, directeur Capital Markets chez CBRE Belux, qui a comptabilisé 200 millions d’investissements dans ce secteur en 2023 : “Bruxelles est une ville relativement abordable pour un investisseur tout en possédant un important potentiel. Les produits disponibles ne sont pas nombreux mais sont très demandés car les rendements sont intéressants, autour de 8 %. Une des principales difficultés est toutefois le peu de financements bancaires octroyés en Belgique pour ce type de développement. Je n’explique pas cette frilosité des banques.”

Installé dans la tour Victoria, The Hoxton – et ses 198 chambres – symbolise la vague de nouveaux projets immobiliers mêlant les fonctions, avec ici bureau, ­coworking, hôtel et rooftop. Un hôtel lifestyle qui doit redynamiser le quartier Nord.

Cet afflux de nouveaux hôtels peut toutefois susciter quelques interrogations. Si le renouvellement d’une offre vieillissante était inéluctable, la multiplication de nouvelles d’enseignes hôtelières peut faire craindre une suroffre en la matière et la fermeture de l’un ou l’autre établissement.

“Sur le plan macro-économique, le tourisme mondial augmente de 4 % par an, analyse Jan-Albert Kympers. Le marché hôtelier connaît une croissance deux fois plus rapide que le produit national brut (PBN) d’un pays. Je n’ai donc pas d’inquiétude sur une éventuelle suroffre à Bruxelles. J’ai déjà vécu huit crises depuis 2008. Et après chaque crise, le marché revient chaque fois plus fort. Sur un plan plus spécifique, l’offre hôtelière est déjà intéressante à Bruxelles mais pourrait encore être améliorée. Il manque notamment une auberge de jeunesse lifestyle alors qu’il y a également de la place dans le segment des appart-hôtels. Tout comme dans les concepts hôteliers particuliers, du deux au cinq étoiles.”

Un constat en tout cas partagé par les représentants du secteur, qui ne semblent pas du tout inquiets devant une telle frénésie immobilière. “Bruxelles attire les investisseurs, c’est un fait, se réjouit Rodolphe Van Weyenbergh. Son attractivité se confirme. On voit que de nouvelles marques internationales n’hésitent pas à ouvrir des enseignes chez nous, avec une offre luxe et lifestyle. D’autres hôtels sont rénovés. Il y a clairement un potentiel de croissance de la destination. Il faut maintenant le concrétiser et j’ai bon espoir qu’on y parvienne, du moins si les infrastructures se développent. Comme ce centre de congrès de 5.000 places attendu par le secteur depuis longtemps.”

Une offre enfin plus sexy

Reste que, pour le moment, attractivité ne rime pas encore avec rentabilité. Le secteur dénonce notamment les charges qui pèsent sur le travail et la concurrence déloyale d’autres offres d’hébergement. Si Bruxelles compte près de 18.000 chambres, on peut y ajouter 7.000 chambres louées via Airbnb et qui échappent aux radars.

“Il faut résoudre ce problème, souligne Rodolphe Van Weyenbergh. La Région bruxelloise a adopté il y a peu une réforme de l’ordonnance liée à ce type d’hébergement. Il faut désormais adopter rapidement les arrêtés d’exécution pour lancer des contrôles. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur une éventuelle suroffre tant que nous faisons face à une économie parallèle. Enfin, nous voulons surtout poursuivre notre partenariat avec les autorités pour développer les hébergements touristiques légaux et créateurs d’emplois (le secteur pèse 30.000 emplois à Bruxelles, Ndlr).”

A Watermael-­Boitsfort, Mix a ouvert l’an dernier 140 chambres dans ­l’ancien immeuble de la Royale belge. Avec une déco brutaliste épurée.

D’autres concepts apparaîtront en tout cas encore en 2025, avec les ouvertures prévues de l’hôtel The Standard dans la tour Zin située dans le quartier Nord (200 chambres au 1er trimestre), du Motel One dans le projet Oxy (316 chambres au 4e trimestre) et de l’Hôtel Métropole situé place de Brouckère (267 chambres au 4e trimestre). De quoi se différencier via une offre de plus en plus riche.

“Les comportements des clients ont évolué, fait remarquer Jan-Albert Kympers. Ils cherchent à découvrir des nouveaux concepts, plus lifestyle notamment, à la déco soignée et où l’expérience est présente. Et Bruxelles était en retard sur ce plan. Le Mix ou The Hoxton comblent en partie ce manque. Et d’autres enseignes vont arriver. L’offre hôtelière va enfin devenir plus sexy. Auparavant, elle était assez boring. Certains touristes suivent des marques de ville en ville. A ce titre, cela va créer un nouvel appel d’air.”

L’appel d’air de l’ultra-luxe

Une analyse notamment partagée par les acteurs présents à l’extrémité de la chaîne hôtelière, celle de l’ultra-luxe. “Il y a aujourd’hui beaucoup d’opportunités pour venir à Bruxelles, estime Edward Leenders, directeur du Corinthia Brussels qui ouvrira à l’automne et qui remplace l’Astoria. C’est le moment idéal pour s’y implanter. Le marché est déjà bien représenté en hôtel 3 et 4 étoiles. Mais il manque clairement une offre pour les visiteurs qui vont à Paris ou Madrid et qui ne retrouvent pas à Bruxelles d’hôtel à leur standing. Ici, nous amenons une proposition de valeur. Ces visiteurs estiment que si une ville ne possède pas d’hôtels de grand luxe, c’est qu’elle n’en vaut pas la peine. Or, les mondes de l’art, du design et de la culture, la gastronomie et l’architecture sont vraiment fantastiques à Bruxelles. Couplés à une équipe marketing redoutable, ces atouts seront indéniables.”

“Il manque une offre pour 
les visiteurs qui vont à Paris 
ou Madrid et qui ne retrouvent pas à Bruxelles d’hôtel à leur standing.” – Edward Leenders (Corinthia Brussels)

Le Corinthia comptera 89 chambres, dont 37 suites haut de gamme (la plus spacieuse s’étendant sur 326 m²). Les chefs David Martin et Christophe ­Hardiquet piloteront les deux restaurants alors que Hannah van Ongevalle, célèbre mixologue ­flamande, s’occupera de la carte du bar à cocktails. “La dynamique est très bonne pour le moment à Bruxelles, fait remarquer Edward Leenders. Plusieurs hôtels vont ouvrir autour du Botanique. Cela va attirer un nouveau public et créer des opportunités. Nous avons osé investir dans un produit très luxueux. Si d’autres marques voient des opportunités d’investir sur ce segment, j’en serais très heureux. Tout le monde serait gagnant, d’autant que les clients qui viennent à Bruxelles contribuent énormément à l’économie locale. Savez-vous que d’après nos études, un client dépense en moyenne le triple du prix de la chambre !”

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