Le projet de reconversion de la Caserne du Génie à Jambes prend-il l’eau ?
Thomas & Piron Bâtiment porte depuis 2021 l’ambitieux projet de reconversion des casernes du Génie à Jambes, situé juste à côté d’un important site de captage d’eau potable de la SWDE (Société wallonne des Eaux). Cette dernière a récemment rappelé au développeur-constructeur l’importance du respect de la réglementation du Code de l’Eau. Au risque d’hypothéquer tout le projet ?
Un vent favorable nous avait mis au parfum du voisinage à risque compliquant l’important projet de reconversion porté par TP Bâtiment sur le site des Casernes à Jambes. Pour rappel, il s’agit d’un foncier remarquable de 9 hectares d’un seul tenant offrant 90.000 m2 bâtis logés entre le boulevard de la Meuse et la rue de Dave. Celui-ci a été racheté à l’Etat belge fin 2021 pour 25,5 millions d’euros lors d’une vente mémorable où deux promoteurs – TP Bâtiment et Equilis – avaient fait s’envoler les enchères au-delà des valeurs escomptées.
Nouveau quartier urbain à l’horizon 2026
A terme, pour atteindre des marges décentes malgré l’incidence foncière élevée, TP Bâtiment espère pouvoir développer et commercialiser sur le site quelque 50 logements à l’hectare, comme l’édicte d’ailleurs l’avis de principe fourni dans le cahier des charges préalable à la vente (2020). Soit un total bâti de 445 logements répartis entre constructions réhabilitées – exhaussées ou non – et neuves, selon les plans des bureaux d’architectes Urban Platform et BAEB.
Commerces de proximité, espaces d’activités artisanales, logistique urbaine et surfaces de bureaux ou à destination de professions libérales figurent également au programme de ce nouveau quartier urbain, le tout réparti autour d’une place centrale de grande taille, d’un parc d’un seul tenant, de cheminements pour piétons et de nouvelles voies publiques reliées au réseau de voiries existant.
Compliqué mais sous contrôle croisé
A Wierde, au siège de Thomas & Piron Bâtiment, on confirme être bien conscient des bases légales sous-jacentes liées au voisinage avec la station de captage de la SWDE. «Nous mettons en place un groupe d’experts multidisciplinaires afin de déterminer les recommandations à mettre en œuvre. Le travail de concertation avec la Ville, la Région wallonne et la SWDE se maintient», tempère Aubry Lefebvre, l’administrateur délégué, qui se dit particulièrement sensibilisé à l’importance de la gestion préventive exemplaire de cette «menace» sous-jacente.
Il poursuit : «Dès le processus de mise en vente du site par la Défense, la SWDE nous a transmis des remarques, dont la nécessité d’une grande vigilance en matière de pollution, d’excavation et de profondeur(s) de construction. Nous nous faisons accompagner d’experts dans l’optique de disposer de toutes les compétences spécifiques que requiert la gestion de cette facette du dossier en amont du chantier. D’ailleurs, comme pour chaque chantier, il s’agit également de protéger notre réputation. Nous avons donc tout intérêt, ici comme ailleurs, à agir en totale transparence avec la SWDE et les autres parties prenantes».
Projet de voisinage «gagnant-gagnant»
L’entreprise de construction, qui prévoit d’ériger des fondations soutenues par des faux puits et des parkings souterrains, admet que cela pourrait, si on n’y prend garde, engendrer des perturbations d’écoulement des eaux souterraines. «Il convient donc de respecter la législation régionale de protection des eaux et de s’assurer, via des modélisations ad hoc, que ces risques seront mesurés scientifiquement, que des mesures adéquates de prévention et de protection seront prises afin de réduire les incidences du projet», précise encore le patron de TP Bâtiment.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’entreprise qu’il pilote doit assurer une gestion spécifique et maîtrisée des eaux sur un de ses projets, notamment à Namur (rabattement de nappe ou déviation de cours d’eau à Asty-Moulin ou Enhaive) en respectant les réglementations émises par les instances compétentes. «Dans ce cas particulier, reprend Aubry Lefebvre, je suis conscient que la gestion de l’eau doit être bien plus minutieuse encore puisqu’il s’agit d’eau potable et d’un captage stratégique. Mais nous pensons que notre projet représente aussi une opportunité pour la SWDE de renforcer la préservation du captage. En plus de la rétrocession de terrain prévue, nous prévoyons en effet de dépolluer l’ensemble du site dont l’occupation par l’armée a probablement laissé des traces. Nous nous inscrivons donc dans un processus de préservation de la qualité de l’eau à long terme plutôt que le contraire», insiste-t-il.
Du côté de la SWDE, on confirme multiplier les contacts avec le nouveau propriétaire voisin et on renchérit: «Le site des Casernes est inclus dans la zone de prévention rapprochée du site de captage de Jambes, qui alimente eau potable la moitié de l’agglomération namuroise. Il s’agit donc de veiller à ne pas inférer sur la qualité mais également sur la quantité de l’eau qui percole dans le sous-sol à proximité directe du chantier. Les études nécessaires sont en cours. Mais nous ne disposons pas encore pour l’instant de toutes les données et informations utiles pour être rassurés à 100%», explique Benoît Moulin, le porte-parole de la SWDE.
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