Le marché résidentiel belge affiche une solidité qui ne devrait pas faiblir
Le marché résidentiel belge semble avoir résisté aux premiers soubresauts de la crise du Covid-19. La plupart des indicateurs restent favorables alors que les prix se maintiennent et que les transactions ont repris. Aucun facteur n’indique que le marché pourrait se retourner. Reste seulement à voir comment il va digérer la baisse de biens mis en vente.
Les courbes semblent limpides. Une sorte de yo-yo de l’immobilier. Une activité dynamique en janvier et en février pour la Wallonie et Bruxelles, une chute pendant le confinement, un réveil agité mais bref à la mi-mai suivi d’une pause estivale, comme chaque année. Avant un retour dans les standards habituels dès le mois de septembre ? C’est ce que pensent la plupart des acteurs de l’immobilier que nous avons interrogés.
Le marché résidentiel belge a, jusqu’à présent, mieux résisté que prévu à la crise du Covid-19. Les nombreux facteurs positifs qui l’entourent (épargne des ménages, taux d’intérêt bas, confiance dans l’immobilier, taux d’endettement faible, fiscalité stable, aides du gouvernement, etc.) lui ont permis, une nouvelle fois, de garder la tête hors de l’eau. Selon les derniers chiffres des notaires, arrêtés début août pour Trends-Tendances, le nombre de transactions effectuées en juin (+ 8,4 %) et en juillet (+ 1,7 %) était supérieur à celui de l’an dernier. Pas de quoi rattraper le retard accumulé suite au confinement (-10,7 % pour les six premiers mois). Mais néanmoins de quoi amortir la chute et retrouver la dynamique positive constatée en début d’année en Wallonie et à Bruxelles. ” Il ne faut toutefois pas croire que le marché immobilier a repris comme si de rien n’était, précise Julien Manceaux, économiste chez ING. Auquel cas, la diminution du nombre de transactions en mars et en avril aurait été compensée dans la foulée de la sortie du confinement. Ce qui n’a pas été le cas. ” Une analyse froide et chiffrée qui ne prend pas tout à fait en compte les incertitudes qui ont germé dans l’esprit de nombreux candidats acquéreurs, de certains vendeurs et de quelques investisseurs. Les pertes de revenu et les perspectives plutôt sombres de sortie de crise de l’un ou l’autre secteur ayant retiré du marché certains candidats. ” Vu le contexte, on peut être rassuré par le nombre de transactions effectuées ces derniers mois, lance Eric Verlinden, administrateur délégué du réseau immobilier Trevi. Elles sont élevées. Après un pic de quelques semaines en mai et en juin, nous sommes revenus à un schéma plus traditionnel. Avec une diminution de la demande pendant les vacances, du 15 juillet au 15 août. Le mois de septembre devrait nous permettre d’en savoir plus sur l’état du marché immobilier. Mais, honnêtement, je ne vois pas quels facteurs pourraient l’empêcher de reprendre son rythme habituel. La demande reste très élevée et les comptes d’épargne bien remplis. ” Si Renaud Grégoire, le porte-parole des notaires, partage ce sentiment de résilience, il s’interroge toutefois davantage sur l’évolution du marché dans les prochains mois : ” Les conséquences du Covid-19 ne sont pas claires. Personne ne peut prédire s’il y aura une deuxième ou une troisième vague. Et sur le plan professionnel et économique, personne n’est assuré de ne pas être impacté financièrement par le Covid, à l’exception des fonctionnaires. Cette incertitude aura des conséquences sur le marché immobilier. Il a repris mais il faudra encore de nombreux mois avant qu’il ne retrouve son rythme de croisière. ”
Il y a de moins en moins de biens à vendre. Tant sur le marché du logement ancien que sur celui du logement neuf.
Des taux bas jusque 2022
” D’une manière générale, malgré les incertitudes, les conditions restent très favorables, ajoute Bernard Keppenne, économiste en chef chez CBC. Les taux restent bas et le resteront désormais jusque fin 2022. L’épargne des ménages atteint 290 milliards d’euros, un record. Les Belges ont donc de l’argent à investir et apprécient se tourner vers l’immobilier, actif stable par excellence. ” Les mesures restrictives de la Banque nationale en matière d’octroi de prêts hypothécaires ne semblent, de plus, pas avoir impacté le marché outre mesure. Les crédits à risques (avec un ratio loan-to-value élevé) ayant été quelque peu mis de côté. Notons enfin que si l’activité s’est redressée en juin et juillet, cette tendance ne s’est pas traduite dans les crédits hypothécaires octroyés qui ont diminué de 23 % lors du premier semestre (101.486 crédits au lieu de 131.770 en 2019). ” Ce sont surtout les plus petits projets qui ont été touchés, relève Julien Manceaux. Le montant moyen des prêts est 10 % plus élevé que l’an dernier ( 175.000 euros pour l’achat d’un logement, Ndlr). ”
Pas d’impact sur les prix
Du côté des banques, si elles avaient annoncé un léger recul en mars dernier, elles confirment aujourd’hui leurs prévisions : ING et KBC estiment que les prix diminueront de 2 % en 2020. Elles le justifient par une diminution de la croissance des revenus et donc une diminution des capacités d’emprunt. Si cela se confirme, ce ne serait toutefois, rappelons-le, qu’un accroc dans une tendance haussière de près de 30 ans. Rien de grave donc. ” L’impact du coronavirus se fera principalement sentir au cours des deuxième et troisième trimestres, alors que le chômage et le nombre de faillites augmenteront, estime Julien Manceaux. Toutefois, les facteurs favorables demeurent, notamment la présence d’investisseurs à la recherche de rendement. ” Sur le terrain, le son de cloche est toutefois différent. Les notaires constatent une hausse des prix de 1,9 % pour les six premiers mois de l’année. Les chiffres du SPF Economie montrent, quant à eux, une hausse de 2,7 % lors du premier trimestre alors que ceux livrés il y a peu par le bureau d’expertise de Crombrugghe & Partners confirment également cette hausse, tant sur le marché du neuf que de l’ancien. ” Il faudra toutefois encore attendre quelques mois pour avoir une vue claire de l’impact du coronavirus sur les prix de l’immobilier “, relève le notaire wanzois Renaud Grégoire. La tendance, déjà apparue en 2018, d’une segmentation de plus en plus forte de l’évolution des prix en fonction du type de bien va par contre encore s’accentuer. ” Quand on observe le marché, on relève d’ailleurs que les biens ou les quartiers qui étaient recherchés le sont encore davantage aujour- d’hui, poursuit Renaud Grégoire. Cela s’explique par le fait que ceux qui avaient des moyens en ont encore davantage aujourd’hui. ” Ce qui pousse bien évidemment les prix à la hausse pour ce type de biens. A contrario, les maisons ou appartements qui étaient plus compliqués à vendre le sont encore davantage aujourd’hui. Parmi ceux qui ont connu un vif intérêt, on peut citer les maisons avec jardin, de même que les appartements situés au rez-de-chaussée et possédant un jardin. Alors que ces derniers sont habituellement plus difficiles à écouler. ” Cette situation n’est toutefois qu’un épiphénomène, estime Eric Verlinden. Cela ne durera pas. Certains seront bien évidemment tentés d’aller habiter à la campagne car leur projet de vie a évolué. Mais la tendance mondiale qui tend à un renforcement de l’habitat en ville et dans les noyaux urbains va se poursuivre. ”
De moins en moins de biens à vendre
L’équilibre entre offre et demande commence doucement à vaciller. Il y a de moins en moins de biens à vendre. Tant sur le marché du logement ancien que sur celui du logement neuf. ” On constate une diminution de 6 à 7 % du nombre de biens mis sur le marché, pointe Eric Verlinden. Ce n’est pas énorme, mais c’est une tendance qu’il faut tenir à l’oeil. ” Les nombreux candidats acquéreurs post-confinement, dont l’acte d’achat était bien ancré dans leur tête, ont quelque peu siphonné le pipeline de biens mis en vente. Faisant par ricochet, également grimper les prix. Sauf que, dans le même temps, les vendeurs n’ont pas vraiment embrayé dans la même direction. ” Ils sont dans une position d’attente, explique Renaud Grégoire. L’incertitude économique a reporté la prise de décision car personne n’est à l’abri d’une déconvenue économique. Cela concerne notamment les personnes âgées, une clientèle qui a, par exemple, décidé de postposer la mise en vente de sa maison. ”
Des investisseurs en force
Ces dernières années, ce sont eux qui ont porté le marché vers les sommets. Leur marche en avant ne semble pas s’être atténuée. ” Ils sont tout aussi présents qu’il y a six mois, relève Eric Verlinden. Je ne vois d’ailleurs pas quels paramètres pourraient les faire fuir. ” La faiblesse des taux obligataires et la volatilité du marché des actions incitent en tout cas certains investisseurs à se tourner vers l’immobilier. Sans parler des énormes capitaux qui dorment sur les comptes d’épargne et qui pourraient être investis dans la brique. ” Ce phénomène se poursuivra pendant toute l’année 2020 “, estime Julien Manceaux.
De son côté, Renaud Grégoire tempère quelque peu ces constats positifs : ” Les investisseurs sont en effet bien présents mais pas non plus avec un enthousiasme démesuré. Ceux qui sont présents cherchaient déjà un bien avant la crise. Il faut bien constater que nous n’avons pas retrouvé le même rythme qu’avant le Covid-19. Les investisseurs se tâtent quelque peu, ce qu’ils ne faisaient pas auparavant. Un voile d’incertitude plane quand même au-dessus de l’immobilier en ce moment, comme pour tous les secteurs. Il faut être patient avant de tirer l’une ou l’autre conclusion. ”
Des crises sans conséquences
Les différentes crises économiques de 1993 et 2008-2009 n’ont eu qu’un faible impact sur les prix de l’immobilier. La croissance des prix s’en est vue ralentie pour ensuite s’accélérer l’année suivante. C’est ce qui ressort d’une analyse d’ING. En 1993, la hausse des prix n’étaient ” que ” de 3,6 % pour 5,6 % en 1994. Même situation en 2009 avec une croissance des prix de 1,1 % avant un rebond l’année suivante (+ 2,5 %). Quelles leçons tirer de la crise actuelle ? ” Nous nous attendons à ce que l’économie se contracte de 7,8 % en 2020, précise l’économiste d’ING Julien Manceaux. Toutefois, nous estimons que l’impact sur la croissance des revenus sera moins fort, et c’est ce qui importe pour la stabilité du marché. Le gouvernement a en effet adopté de nombreuses mesures destinées à soutenir les revenus. La crise actuelle a surtout entraîné une perte de rentrées financières plus importante pour les personnes à faibles revenus. Une telle situation pourrait réduire la pression à la hausse sur les prix des habitations les moins chères. En revanche, les investisseurs peuvent exercer une pression à la hausse sur les prix. ”
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