Le locataire mauvais payeur, la hantise de tout propriétaire
Un locataire ne paye plus de loyer depuis des mois ou dégrade fortement les lieux. Quels sont les recours du propriétaire du bien ?
Entre les « vous ne pouvez rien faire », « vous n’avez qu’à changer les serrures, c’est votre bien après tout » en passant par « c’est la trêve hivernale, il ne peut pas être expulsé », qu’est ce qu’un propriétaire a le droit de faire (et de ne pas faire) lorsque son locataire est en retard de plusieurs loyers ou qu’il est très peu soigneux des lieux?
La première erreur à ne pas faire, en tant que propriétaire, est d’essayer d’expulser soi-même le locataire défaillant ou de l’empêcher d’accéder à son domicile. Si le locataire porte plainte, le propriétaire du bien serait rapidement accusé dans le meilleur des cas de violation de domicile, voire de dégradation de mobilier, et dans le pire des cas de coups et blessures (si l’expulsion dégénère et qu’ils en viennent aux mains).
La première étape est donc d’envoyer une lettre recommandée, au locataire, listant le ou les problèmes, et le mettant en demeure de respecter le contrat du bail en payant les loyers dus ou en réparant les dégâts.
Si les tentatives de prendre contact avec le locataire échouent, le propriétaire est bien obligé de passer à l’étape supérieure et de saisir la justice, voire d’envisager l’expulsion.
Expulser un locataire
Premièrement, avant d’expulser un locataire, le propriétaire doit introduire une demande auprès d’un juge de paix en vue d’obtenir un titre exécutoire. Avant d’octroyer un tel titre, le juge de paix voudra rencontrer les deux parties afin d’essayer de trouver une solution à l’amiable. Car avant de lancer une procédure longue et coûteuse, il existe plusieurs (éventuelles) solutions : que cela soit une discussion avec le locataire, la proposition d’un plan d’apurement de sa dette (plan qu’il devra respecter à la lettre) ou encore une procédure de médiation entre ce dernier et le propriétaire lésé. Si aucune solution n’est trouvée et qu’il l’estime nécessaire, le juge délivrera le titre exécutoire autorisant la procédure d’expulsion.
On soulignera qu’une procédure d’expulsion ne s’obtient que pour des raisons graves telles des arriérés de loyers conséquents, des dégradations importantes des lieux ou des troubles du voisinage, un plan d’apurement non respecté, un refus de la part du locataire de quitter les lieux, etc. De plus, le propriétaire doit savoir qu’une telle procédure est longue et onéreuse. Si la durée moyenne de la procédure est de 7 à 8 mois, elle peut néanmoins s’étaler sur une période de 2 ans dans certains cas. Les frais chiffrent, quant à eux, entre 1.000 et 1.500 euros. Ces frais sont à charge du locataire défaillant en théorie, mais c’est au propriétaire de les avancer (sans avoir l’assurance d’en être remboursé un jour).
Le rôle de l’huissier de justice
Une fois le jugement rendu, le propriétaire obtient un titre exécutoire et peut mandater un huissier de justice pour procéder à l’expulsion. Mais avant cela, l’huissier se rend chez le locataire afin de procéder à la signification du jugement : c’est-à-dire lui faire part de la décision du juge et du délai dont il dispose pour déménager. Il ne serait pas juste de voir dans le rôle de l’huissier, uniquement un porteur de mauvaises nouvelles, car il a également un rôle social envers le locataire. C’est lui qui informe le CPAS que le locataire va être expulsé, et ce afin de lui retrouver rapidement un logement si possible.
Si passé ce délai, le locataire refuse toujours de quitter les lieux, l’huissier se rend à nouveau sur place, mais cette fois-ci accompagné d’agents communaux, de la police, des déménageurs et d’un serrurier au cas où le locataire refuse de leur ouvrir. La présence du propriétaire n’est pas souhaitable, et ce afin d’éviter d’éventuels conflits.
Les meubles et autres biens seront listés et déménagés, à ses frais, à l’endroit indiqué par le locataire. S’il n’indique aucun lieu où les déménager, les meubles seront entreposés pour une durée de 6 mois maximum dans un entrepôt communal. Le locataire pourra les récupérer après s’être acquitté des frais d’entreposage et de déménagement.
Trêve hivernale ?
La fameuse trêve hivernale existe bel et bien, mais… elle ne concerne en théorie que les logements sociaux. Si le locataire « mauvais payeur » a loué un bien privé, il peut être expulsé, quelle que soit la date dans l’année.
Bien évidemment, le juge de paix étudiera toutes les circonstances avant de rendre son jugement et d’ordonner l’expulsion : la météo, les circonstances qui ont amené le locataire à ne plus payer les loyers, la possibilité plus ou moins rapide de relogement, etc. Suite à cela il pourrait très bien octroyer un délai plus long. Néanmoins, le juge étudiera aussi l’impact que ce délai d’expulsion aura sur le propriétaire. Par exemple, le non-paiement des loyers met-il ce dernier dans une situation précaire (par rapport au remboursement d’un prêt hypothécaire par exemple).
Pour les logements sociaux, le moratoire hivernal est bien d’application et court du 1er novembre au 15 mars pour Bruxelles et la Wallonie. Durant cette période, le locataire ne peut être expulsé sauf s’il présente un caractère violent vis-à-vis du personnel de la société de logement social ou du voisinage ou s’il accumule un retard important dans le paiement des loyers, sans aucune réaction de sa part aux démarches d’aide qui lui sont proposées.
À noter que ceci changera dans un avenir proche en région bruxelloise. En effet, mi-mars 2023, le gouvernement bruxellois a approuvé, sur proposition de Nawal Ben Hamou (PS), secrétaire d’État au Logement, la réforme de la réglementation relative au moratoire hivernal, prévoyant un moratoire hivernal généralisé sur l’ensemble des logements (publics et privés) de la région, et aux expulsions domiciliaires.
« Cette décision répond à l’absolue nécessité de garantir un logement pour tous en période hivernale et de protéger les locataires les plus fragilisés qu’une éventuelle mesure d’expulsion pourrait mettre en grande difficulté. Cette mesure de protection permet également aux locataires concernés de bénéficier d’une certaine stabilité dans l’attente de l’octroi d’une aide sociale ou d’une solution de relogement » précise Nawal Ben Hamou.
Une dérogation à ce moratoire reste possible si elle s’impose pour des raisons de sécurité (publique ou de l’occupant) ou bien si le comportement de l’occupant rend la prolongation de l’occupation impossible (danger pour autrui ou problème grave de sécurité) précise le communiqué.
Et qu’en est-il des squatteurs ?
Pour les propriétaires dont le bien immobilier est « victime » de squatteurs, les procédures d’expulsion sont normalement plus courtes.
Si le bien est occupé, la procédure est pour ainsi dire immédiate : la police peut procéder à l’expulsion sur simple demande du propriétaire. Si le bien est inoccupé, la procédure est sensiblement la même que celle pour un locataire qui ne paye pas les loyers : depuis 2020, le propriétaire doit saisir le Juge de paix et obtenir un titre exécutoire en vue de procéder à l’expulsion. Seul le délai d’expulsion est raccourci : il est de 8 jours en cas de squat contre un mois pour un locataire.
À noter que depuis le 16 novembre 2017, squatter un bien immobilier est une infraction pénale, passible de 208 à 1.600 euros d’amende (et jusqu’à 2.400 euros si le bien est occupé) et de 8 jours à 2 ans de peine de prison si le bien est occupé.
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