Le Belge ne rêve pas encore d’une maison plus compacte

Woman sitting in armchair in sunlight with closed eyes © Getty Images/Westend61

Les habitants du plat pays rêvent toujours d’une maison familiale avec jardin. Il n’est pas encore question d’abandonner ce désir pour une alternative plus compacte alors que la densification de la dernière décennie n’a cessé de réduire l’espace disponible.

Le Belge a une brique dans le ventre : l’expression est connue ! Et cela s’accompagne depuis longtemps d’un rêve, d’une ambition résidentielle assez traditionnelle : celle de s’offrir une maison familiale avec un jardin. Pourtant, les espaces disponibles pour bâtir deviennent des denrées rares en raison de l’importante urbanisation de la dernière décennie.

Aussi, les urbanistes réclament depuis longtemps des habitats plus compacts. Et cela alors que six habitants sur dix n’ont pas envie de vivre dans un environnement plus restreint, selon une enquête menée par iVox et Camber auprès de 2.000 propriétaires belges, et publiée au début de cette année. Pourtant, l’utilisation plus efficace de l’espace disponible, c’est-à-dire la densification, est un objectif annoncé de nos gouvernements.

Objectif 2050

Le schéma de développement du territoire wallon a pour objectif stratégique de réduire l’étalement urbain et l’artificialisation des terres, et ce jusqu’à un arrêt total d’ici 2050. Côté flamand, on se montre plus ambitieux avec une échéance fixée à 2040. Les chiffres flamands montrent que 405.000 nouvelles habitations ont été créées au cours de la période 2013-2022, mais l’occupation de terrains supplémentaires a en revanche diminué. Ces chiffres démontrent que la densification se poursuit avec l’objectif d’une meilleure efficacité de l’occupation du territoire.

Les raisons invoquées par les urbanistes en faveur de la compacité de l’habitat ne sont pas les mêmes que celles invoquées par les habitants. Ces derniers évoquent, par exemple, une maison qui se réchauffe plus facilement, un sentiment de sécurité grâce à la présence de plus nombreux voisins ou la réduction des risques d’effraction par l’arrière de la maison. Les urbanistes insistent, eux, sur la nécessité d’environnements de vie de qualité qui répondent aux besoins des habitants et sur l’importance une valeur ajoutée sociale.

Selon Jonas De Maeyer, architecte et urbaniste chez Endeavour qui a mené une étude sur le sujet pour le compte du gouvernement flamand, la première vague de densification n’est pas un succès. “Les gens n’aiment pas voir des centres de village se remplir d’appartements. A quelques belles exceptions près, la première vague n’a suscité qu’un soutien limité à la poursuite de la densification dans les centres des villages”, indique l’urbaniste, qui plaide lui aussi en faveur de la qualité en créant, par exemple, des espaces verts sans voitures qui pourraient favoriser les rencontres entre personnes du quartier, donner envie de bouger ou permettre aux enfants de jouer. Le tout, avec toutes les facilités et infrastructures à proximité.

Jonas De Maeyer fait le lien avec le débat sur le logement abordable, qui place les groupes les moins aisés dans une position délicate aujourd’hui. “La vision libérale qui sous-tend le développement des centres-villes et des villages a donné beaucoup d’opportunités au marché et a réduit les efforts en matière de politique de logement social. C’est ainsi que l’on se rend compte que de plus en plus de personnes se trouvent en difficulté dans les villes et en dehors. A cet égard, je suis curieux de voir comment le gouvernement wallon va aborder la question de la densification dans les années à venir.”

Brique symbolique

“Je pense qu’il est important de bien réfléchir à ce que signifie exactement ce rêve de logement belge”, fait écho Georgios Maillis, maître architecte de la Ville de Charleroi depuis 2013. Il souligne que ce rêve typiquement belge peut varier selon les générations. Ainsi, le rêve de logement d’un jeune diplômé n’est pas celui d’un quadragénaire ou d’un senior. “On retrouve en tout cas une constante: les gens veulent vivre bien, confortablement et se sentir libres. A ce titre, je me demande parfois si notre rêve de logement et la brique dans le ventre du Belge ne sont pas surtout des idées créées et encadrées au fil des ans par le monde politique.”

Selon Georgios Maillis, le rêve commun de vivre bien et confortablement est avant tout lié aux fonctions que l’on associe à l’urbanisme et à la densification. “La question est de savoir si les fonctions telles que la cuisine, le jardin ou le home cinéma doivent être situées dans votre maison ou dans votre environnement. La prise en compte de ces fonctions, lors de l’élaboration de projets de densification, est avant tout un choix politique. Par exemple, crée-t-on des villes où l’on vient travailler ou des villes où l’on vit ? Je pense qu’en Wallonie nous pouvons apprendre beaucoup, à cet égard, de villes comme Gand ou Anvers.”

Fonctions urbaines

La Wallonie, comme expliqué plus haut, a récemment repensé son aménagement du territoire. Dans ce cadre, les villes et les communes ont été invitées à définir des fonctions dites centrales dans leurs propres plans d’aménagement. Il s’agit de zones dans lesquelles elles doivent construire 75 % des logements. Georgios Maillis souligne que Charleroi travaille à la restitution de fonctions urbaines clés, telles que l’habitat, le travail et la détente. On a identifié des axes de densification ainsi que des zones auxquelles la ville ne touchera pas.

Au cours de la législature écoulée, le conseil communal avait fait de la participation citoyenne l’une de ses priorités. Georgios Maillis explique que Charleroi souhaite s’appuyer sur les investissements précédents pour améliorer la qualité : “Nous souhaitons réaliser une densification qualitative à partir d’une approche où nous investissons sur des axes où des transports publics sont déjà présents. De plus, il s’agit d’axes qui ont déjà fait l’objet d’investissements publics importants, soit par la Wallonie, soit par le gouvernement fédéral. On n’investit pas de l’argent dans des endroits où il n’y a personne, il est logique que nous essayions de maximiser les investissements régionaux, fédéraux ou européens déjà réalisés.”

Tant pour la Wallonie que pour la Flandre, il faudra voir si de nouvelles mesures en faveur d’un habitat plus compact et de la densification peuvent aller de pair avec le maintien de logements à prix abordables. Cela restera-t-il possible dans les villes attrayantes dont la volonté politique est d’investir dans des infrastructures urbaines qui améliorent la qualité de la vie ? Georgios Maillis conclut sur une comparaison. “Il est toujours dangereux de généraliser, mais nos logements sont plus anciens. Cela signifie que vous pouvez encore acheter une maison ici à un tiers ou un quart des prix que vous payez en Flandre ou dans la périphérie bruxelloise. C’est un constat qui, toutefois, peut aussi freiner les grands projets urbains.”

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