La rénovation de la Boerentoren d’Anvers, un projet à revoir
La Boerentoren d’Anvers n’est pas seulement un emblème de la ville. C’est aussi une partie intégrante de son histoire. N’y touche pas qui veut, même lorsque l’on est architecte mondialement connu.
Octobre 1914. Les Allemands ont percé la ceinture de forts qui entoure Anvers et exigent la reddition de la ville. Furieux du refus qui leur est opposé, ils font tonner le canon et du haut de leurs zeppelins, à l’époque formidables armes de guerre, déversent des bombes sur la ville. Les dégâts sont énormes. La paix revenue, la municipalité impose, dans la perspective de l’Exposition universelle de 1930, la construction d’un gratte-ciel, comme aux Etats-Unis. Ce sera le premier d’Europe même si, pour en faire accepter le projet, il faudra l’intervention d’un comité des sages composé de Victor Horta, d’Emile Van der Velde et du Néerlandais Hendrik Petrus Berlage, dont la Bourse d’Amsterdam, inaugurée en 1903, se visite aujourd’hui encore.
Rehaussée dans les années 1970 d’une salle panoramique, la Boerentoren est aujourd’hui indissociable de l’image de la ville. Ce n’est donc pas un simple immeuble qu’a acheté l’homme d’affaires Fernand Huts mais un symbole. D’où les réticences, rapidement transformées en rejet, devant les velléités du Polono-Américain Daniel Liberskind, déjà architecte dans notre pays du Palais des Congrès de Mons, de surmonter la Boerentoren d’une structure en verre évoquant – l’on est à Anvers – un diamant. Pareille “sauce contemporaine” versée sur un bâtiment historique le ridiculiserait, ont critiqué, unanimes, les cinq bouwmeeesters de la ville – l’actuel et ses quatre prédécesseurs. Le message a été reçu et l’architecte, prié de revoir sa copie.
La façade ainsi que la structure métallique de l’immeuble sont certes classées mais cela ne signifie pas que le reste est intangible.
Figé dans le marbre ?
Reste un problème de fond. Destinée à abriter des bureaux et des appartements, la Boerentoren n’a pas été conçue pour accueillir les foules. “Je ne serais pas Anversois si je ne voyais pas grand”, reconnaît volontiers le flamboyant patron de Katoen-Natie, l’un des plus importants opérateurs portuaires de la cité. L’immeuble devra en effet abriter l’impressionnante collection d’art familiale, sans oublier Trinity, un squelette de Tyrannosaurus Rex vieux de 67 millions d’années et acquis récemment en vente publique. Il devra également contenir un cinéma, des espaces d’exposition, de restauration, de promotion de produits indigènes et, en outre, offrir aux visiteurs un panorama circulaire inoubliable. D’où un débat de fond : faut-il adapter le bâtiment aux plans imaginés ou l’inverse ?
La façade ainsi que la structure métallique de l’immeuble sont certes classées mais cela ne signifie pas que le reste est intangible, reconnaît Matthias Diependaele, ministre en charge du Patrimoine. Pour exemples, le déplacement pour restauration de L’Agneau mystique qui a nécessité une ouverture dans le mur de la cathédrale de Gand, et l’acceptation par l’Agence flamande pour le patrimoine immobilier de l’implémentation d’un ascenseur extérieur pour handicapés. Ou encore, longtemps décrié, l’ajout moderne fait au Steen d’Anvers, un château dont la construction remonte au 13e siècle, qui vient d’être inscrit sur la short list du prochain prix européen d’architecture. Bref, beaucoup reste possible, dans le respect du bâtiment.
Guillaume Capron
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