Trends Summer University: la fin du calvaire pour l’immobilier belge en 2025?
Après deux années compliquées, un rebond du marché immobilier est espéré en 2025. Au-delà de la confiance à retrouver, les défis à relever s’annoncent nombreux. Que ce soit en matière de transition énergétique, de logements à construire ou de nouveaux concepts à faire émerger. Avec le logement abordable comme point central de tous ces défis.
La sortie de crise est-elle proche pour l’immobilier belge ? Le contexte de ces derniers mois a en tout cas déboussolé tout un secteur. La hausse des taux d’intérêt et des coûts liés à la transition énergétique, de même que la défiance des investisseurs, l’a plongé dans l’incertitude. Une situation qui l’oblige à se réinventer voire à changer de modèle économique pour rebondir. Ce qui n’est pas une mince affaire. “Nous avons assisté ces derniers mois à un tassement des prix de vente et à un ralentissement du lancement des projets, a reconnu Olivier Beguin, le CEO d’Equilis lors de la 11e édition de la Trends Summer University (TSU) qui s’est tenue à Knokke à la fin du mois de juin. L’impact de la crise est différent en fonction des pays européens. Heureusement, on relève que la situation est bien pire ailleurs. Et que le rebond ne semble plus très loin.”
Le marché immobilier belge reste pour le moment fragmenté, avec une demande qui semble se concentrer uniquement sur certains types de biens. “En Belgique, 50 % de notre portefeuille est situé dans le centre de grandes villes, explique Adel Yahia, Senior Managing Director Belgium and Luxembourg d’Immobel. Et les ventes se passent particulièrement bien. Le rythme de vente est moins intense qu’il y a deux ans mais la demande reste toutefois présente pour ces produits de qualité. Selon les endroits où vous vous trouvez, la dynamique du marché est complètement différente. Le vrai problème, c’est que très peu de permis d’urbanisme sont octroyés. Il s’agit d’une problématique qui n’est pas uniquement l’apanage de la Belgique mais bien de toute l’Europe. Cette situation signifie qu’une offre déficitaire s’est accumulée année après année. Et qu’elle sera difficile à rattraper.”
Et Adel Yahia de poursuivre en prenant l’exemple de la mise en vente de son dernier projet OXY (40.000 m2 de bureau et 112 appartements), situé place de Brouckère. “En trois mois, nous avons vendu 100 unités, poursuit-il. Pourquoi ? Car très peu de projets ont pu être lancés dans ce quartier suite à des retards dans la délivrance des permis. Alors quand vous êtes le premier, la demande est importante.” Et Olivier Beguin d’ajouter : “Les développeurs de maisons, qui ont acheté du foncier il y a deux ans vu l’attrait pour ces logements, sont aujourd’hui rattrapés par les coûts de construction. Il y a donc des marchés résilients, comme les appartements de centre-ville, mais d’autres actifs sont bien plus en difficulté. Ce n’est donc pas la fête partout.”
Une pénurie de logements à combler
Avec la hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction, l’accessibilité financière des ménages a diminué. Et ce même si l’indexation des salaires a permis de compenser quelque peu ce différentiel. Le nombre de personnes qui peuvent désormais acheter un logement neuf devient de plus en plus faible. “Il y a pour le moment une pénurie de logements en Belgique, essentiellement dans les grandes villes, explique Siham Rahmuni, CEO de Quares. Ce qui a tendance à faire gonfler le marché locatif. Le vrai problème, c’est qu’aujourd’hui, l’immobilier est devenu plus cher en raison des conditions du marché (taux et matériaux de construction) et des obligations liées à la rénovation. C’est un vrai fardeau pour certains. Nous allons vers une situation problématique pour les particuliers. L’équilibre entre l’offre et la demande n’est plus optimal.”
Le mot crise a été évoqué à plusieurs reprises ces derniers mois, de manière quelque peu impétueuse parfois. L’immobilier belge ayant toujours évité ces dernières décennies d’importantes hausses ou chutes de prix. “Je serais en effet prudente sur l’utilisation du mot crise, fait remarquer Siham Rahmuni. J’observe surtout un ralentissement du marché, avec une correction des prix. Pour l’immobilier qui dispose de bonnes performances énergétiques, la demande reste stable et n’est pas accompagnée par une correction des prix. Pour un logement qui possède un label PEB F, là il y a une correction. Notons toutefois qu’il y a des acheteurs pour ces deux types de marché.”
L’inaccessible transition énergétique
Reste que si on ne parle pas de crise immobilière, on peut néanmoins parler de crise du logement. L’accès à la propriété est de plus en plus compliqué, que l’on s’oriente vers un logement ancien ou nouveau. Et les nouvelles exigences en matière d’économies d’énergie ne vont rien arranger. “Ce sera en effet particulièrement difficile, surtout pour ceux qui débutent leur parcours immobilier, estime Siham Rahmuni. Soit les jeunes, car il s’agit d’un coût supplémentaire à supporter. Néanmoins, si ces objectifs sont ambitieux, c’est pour des raisons que nous connaissons. Mais sont-ils réalisables ? 75 % de notre parc immobilier a plus de 50 ans alors que la moyenne européenne atteint les 60 %.”
Quant à ce que le parc immobilier atteigne le label PEB A d’ici 2050, comme l’exige l’Europe, les avis sont mitigés. “Ce sera un défi gigantesque, ajoute Siham Rahmuni. Mais il faut rester réaliste : pour y parvenir, il faudra construire 500.000 logements supplémentaires d’ici 2040 en Belgique. Notre population augmente et évolue. Il y a davantage de familles monoparentales et de célibataires. Cela signifie qu’il faut plus d’unités de logement et songer à se loger différemment. Le cohousing devra notamment se développer.”
Si, sur le segment de la rénovation, il faudrait tripler le rythme actuel pour atteindre les objectifs européens, les ambitions pour le marché neuf paraissent également très élevées. “Je peux déjà vous dire que nous n’arriverons pas à construire 500.000 logements supplémentaires, tranche Adel Yahia. Malheureusement, il y a eu structurellement trop peu de permis octroyés au cours des 10 dernières années. Il y a effectivement une crise aujourd’hui, mais pour moi, on la nomme mal. La crise, c’est la pénurie de logements qui s’annonce. Nous tendons toujours plus vers un marché à deux vitesses : les endroits tops, situés en centre-ville, accessibles et économes en énergie, qui resteront attractifs, et les autres. Ils recevront une prime par rapport aux autres. Et c’est cette dichotomie que nous voyons émerger aujourd’hui. Et le coût de la transition énergétique ne fait qu’élargir cette dichotomie.”
Le logement abordable, cette bombe à retardement
L’équation semble donc complexe. Elle se résume en fait à s’interroger sur la manière de proposer des logements plus accessibles financièrement alors que tant les coûts de construction que la hausse des crédits hypothécaires ou la complexité des règlements poussent à augmenter les prix de l’immobilier. Dans ce contexte, construire 500.000 logements supplémentaires tout en suivant les obligations énergétiques et les règles du “zéro artificialisation net” exigera d’être particulièrement créatif. “Cette décision ne va pas favoriser le logement abordable, craint Siham Rahmuni. Il faudra construire davantage en hauteur, d’une manière plus dense, en privilégiant les réhabilitations et les reconversions. Il faudra penser différemment, même si la plupart des promoteurs ont déjà intégré ces manières de travailler.”
Les craintes sont en tout cas bien nombreuses du côté des promoteurs immobiliers. “En tant que spécialistes, nous savons qu’une pénurie de logements va arriver, lance Adel Yahia. C’est important de parler de durabilité de l’immobilier. Mais négliger l’aspect abordable du logement est un vrai problème. L’enjeu majeur du secteur est de réfléchir à la manière de rendre l’immobilier accessible à tout le monde. Nous ne sommes pour le moment qu’à la pointe de l’iceberg.” Et le patron d’Immobel de poursuivre : “Les gens qui achètent aujourd’hui de l’immobilier sont toujours soutenus, soit par leur famille, soit par des fonds propres importants. Or, il n’y a pas que des gens aisés qui habitent en ville. La frontière entre riches et pauvres grandit de plus en plus. Les contraintes, qu’elles soient urbanistiques ou environnementales, s’accumulent et ne font qu’alourdir la note. Cela devient donc périlleux dans ces conditions de construire du logement abordable. Beaucoup de gens habitent dans des logements non qualitatifs. Nous ne le voyons pas encore mais ce problème, qui s’ajoute à une offre trop faible, va exploser un jour.”
Et Siham Rahmuni d’enchaîner : “Nous constatons aujourd’hui que les demandes d’appartements en location ont tout simplement décuplé. Cela ne va faire qu’allonger les demandes de logements sociaux alors que les listes d’attente comprennent déjà plus de 180.000 candidats locataires. Le fossé entre riches et pauvres se creuse de plus en plus. L’âge moyen d’accès à la propriété est de plus en plus tard. Les jeunes louent plus longtemps. Or, il n’y a pas assez d’offres. Si nous continuons comme cela, nous allons droit dans le mur.”
De nouveaux concepts à faire émerger
Reste que, on le voit, l’immobilier est désormais une affaire de concepts et d’expérience plutôt qu’une affaire de briques. Quand les développeurs immobiliers proposent un produit différent et bien localisé, le résultat semble sans appel. Reste à voir jusqu’où peut aller l’innovation dans de nouvelles formes d’habitat. “Nous le voyons avec les produits que nous mettons sur le marché : quand l’offre est différente et de qualité, il y a une demande importante, explique Koenraad Belsack, co-CEO Upgrade Estate. A Gand, nos bureaux ou nos logements étudiants sont tous loués car nous y proposons un concept novateur. Nous construisons des lieux où les gens aiment bien vivre, et apprécient de passer du temps. Nous ne recherchons pas un investisseur qui achète un appartement mais bien qui achète un concept global.”
Un avis en tout cas partagé par de nombreux acteurs. “L’immobilier a clairement besoin de nouveaux concepts, lance Olivier Beguin. Il est par exemple aujourd’hui très compliqué de développer un projet en dessous de 3.000 euros/m2. Certaines régions n’ont donc pratiquement plus accès au marché neuf. A Charleroi, nous allons lancer d’ici peu un projet baptisé Kiss. Les pouvoirs publics ont dû montrer une certaine ouverture pour qu’on puisse construire des appartements plus petits que ce qui est autorisé. Ce qui permet de proposer ces 100 appartements 15 % moins cher que le prix du marché. Nous diminuons également notre marge. C’est un projet qui permet de répondre à l’accessibilité au logement. Nous essayons de nous réinventer sur le logement abordable. Les pouvoirs publics devraient nous soutenir davantage dans cette voie.”
Si le milieu immobilier a toujours été qualifié de conservateur, il semble en tout cas évoluer ces derniers temps. “Mais nous ne sommes pas encore assez ambitieux, regrette Koenraad Belsack. Nous pensons beaucoup trop traditionnellement. Le secteur immobilier est le deuxième secteur au monde le plus conservateur après la chasse. Il faut travailler sur de nouveaux modèles commerciaux dans lesquels la construction, le développement et la gestion sont réellement réunis. Il ne s’agit pas de développer, de vendre et de s’en aller. Mais pour cela, il faut encourager davantage l’innovation. Pour créer des concepts innovants, nous devons disposer de gouvernements qui nous facilitent la vie.”
La balle semble en tout cas entre les mains des pouvoirs publics. Tant pour la délivrance plus rapide des permis et que pour l’ouverture à de nouveaux modèles. “Dans tous les cas, nous devrons être créatifs, estime Siham Rahmuni. Nous devons donc surtout commencer à réfléchir en termes de solutions. Que ce soit ou non avec les pouvoirs publics. Il faut tenter de créer une offre d’une manière plus innovante.”
Et Olivier Beguin d’ajouter : “L’immobilier est actif sur un marché local qui ne subira pas la concurrence de la Chine. Mais il est confronté à un problème principal : être dépendant des autorisations administratives. Ce qui complique la donne pour développer des projets innovants. Chez Equilis, le centre commercial Docks, situé à Bruxelles, a mis 12 ans à être développé. Aux Papeteries de Genval, nous avons acheté le site en 2006 et l’avons terminé en 2022. Cela signifie que développer des concepts innovants sur des durées aussi longues est très compliqué car les tendances évoluent constamment.” Un propos qui est en tout cas partagé par Adel Yahia : “Il est anormal de devoir présenter plusieurs fois un même dossier pour obtenir un permis. Les règlements sont de plus en plus complexes. Nous devons nous entourer d’une batterie de juristes pour régler les problèmes. Mon espoir est que les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont avant tout des problèmes sociétaux. Quand plus personne ne pourra acheter un logement, cela deviendra un vrai problème de société.”
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