La brique, que les Belges ont dans le ventre, est-elle encore une vraie brique?
La brique a la réputation d’être le matériau de prédilection avec lequel le Belge construit ses murs intérieurs et ses façades extérieures. Mais cette fameuse brique dans le ventre du Belge est-elle encore une vraie brique? La question mérite d’être posée si l’on se base sur le volume de production en 2023.
L’an dernier, la production totale de briques en Belgique s’est élevée à environ 2.172.000 tonnes, soit une baisse de 16 % par rapport à 2022. C’est ce que révèlent les chiffres de la Fédération belge de la brique. La baisse est évidente tant pour les briques de parement que pour les briques destinées aux murs intérieurs, bien qu’il y ait des développements positifs pour les briques plus minces. Une telle baisse signifie-t-elle que la préférence des Belges pour les briques s’estompe ?
Burt Nelissen, CEO et administrateur délégué de Nelissen Steenfabrieken et président de la Fédération belge de la brique, voit d’autres explications. “La baisse de la demande s’est d’abord poursuivie à l’étranger, ce qui se ressent également dans les chiffres d’exportation des fabricants belges. L’année dernière, ces chiffres étaient inférieurs de 41 % à ceux de l’année précédente. Le marché belge a suivi, sous l’effet d’une baisse du nombre de permis de bâtir, tant pour les rénovations que pour les nouvelles constructions.”
Selon Statbel, le nombre de permis de construction et de rénovation a chuté de 7 %. En outre, Burt Nelissen souligne l’impact de l’augmentation des coûts de construction sur l’envie de construire ou de rénover.
Briques fines
En plus des prix des matériaux, la forte hausse des taux hypothécaires a également rendu les emprunts pour la rénovation ou la construction de nouveaux bâtiments beaucoup plus chers. Les Belges construisent ou rénovent moins, mais la perception de la brique n’a pas changé pour autant, affirme Burt Nelissen.
“Elle reste un produit traditionnellement recherché, ajoute-t-il. En outre, nous pouvons lui relier des atouts tels que la durabilité et la circularité à des innovations telles que l’engagement en faveur de la dématérialisation via les éco-formats. Il s’agit d’une gamme de briques de parement plus étroites. Au lieu de 10 centimètres, elles ne font que sept centimètres de profondeur. Par conséquent, nous utilisons moins de matière première et moins d’énergie pour la production. Sur le chantier, la mise en œuvre est plus rapide. Par ailleurs, notons que les briques présentent également des avantages en termes d’esthétique et de prix. Par exemple, notre N70/6,5 a une profondeur de 7 cm, une longueur de 24 cm et une hauteur de 6,5 cm. Nous savons que cela signifie qu’il faut au moins 10 % de briques en moins par m² par rapport à un format classique.”
La durabilité est le maître-mot. C’est pour cette raison que les concurrents de la brique en tant que méthode de construction ont souvent le vent en poupe. Par exemple, la construction en bois est depuis longtemps bien établie en Europe du Nord, en Autriche et en Allemagne, et s’implante également chez nous. “En Belgique, la construction en bois représente une part de marché estimée à 11 % dans les nouvelles constructions et à 3 % dans les rénovations”, explique Chris De Roock, directeur général de WOOD.BE, le centre des connaissances pour l’industrie du bois et de l’ameublement.
“Nous pensons qu’il y a encore de la place pour la croissance, car c’est une méthode qui reçoit actuellement peu d’attention dans les cours d’architecture ou de science de la construction. En outre, le bois présente des avantages tels qu’un temps de construction plus court, grâce à la préfabrication industrielle. Cependant, la construction en bois avait autrefois la réputation d’être plus chère que la brique, mais cette réputation s’est également estompée avec le temps”, souligne Chris De Roock.
“Pour comparer correctement les prix, il faut tenir compte de l’ensemble du processus de construction. Par exemple, construire plus vite peut signifier économiser plusieurs mois de loyer. Vous devez également en tenir compte dans votre budget.” A l’instar de la Fédération de la brique, WOOD.BE n’hésite pas à mettre en avant la durabilité comme étant la caractéristique qui distingue la construction en bois.
“Le bois est durable et renouvelable, souligne Chris De Roock. Les Belges savent désormais que pour chaque arbre abattu, au moins un autre est planté. De plus, le bois est un matériau qui stocke le CO2 pendant sa croissance. Il reste capturé tant que le bois ne se décompose pas ou n’est pas brûlé. Nous constatons également que le bois gagne en popularité auprès des entreprises, des hôpitaux ou des centres de soins résidentiels parce qu’ils ont besoin de solutions durables et circulaires. Parmi les architectes et les maîtres d’ouvrage privés, nous constatons également un revirement, même si tout n’est ni tout noir ni tout blanc. Les formes de construction hybrides, combinant le bois avec d’autres matériaux, connaissent également un certain succès.”
Hydrogène
Sachant que les Belges attacheront de plus en plus d’importance aux solutions durables, tant le bois que la brique se profilent comme des méthodes de construction appropriées. Au-delà de la longévité et la circularité de la brique, le défi pour celle-ci est de rendre le processus de production, c’est-à-dire la cuisson de la brique, plus efficace sur le plan énergétique. Nelissen Steenfabrieken cuit dans des fours tunnels utilisant du gaz naturel et vise une réduction totale du CO2 de 42 % d’ici 2030, ainsi que la neutralité climatique d’ici 2050.
“La réduction ne provient pas seulement de la transition énergétique, mais aussi, par exemple, de l’introduction d’éco-formats et d’investissements dans la récupération de chaleur, explique Burt Nelissen. Ajuster le mix de matières premières pour réduire les émissions de CO2 lors du processus de cuisson est le prochain grand défi, avec l’électrification des machines ou du chauffage des fours.” L’abandon du gaz naturel comme source d’énergie devrait être le point culminant pour Nelissen. Actuellement, l’entreprise limbourgeoise s’intéresse à l’hydrogène.
“Nous étudions les possibilités qui s’offrent à nous, car le prix de revient et la quantité d’hydrogène disponible constituent un défi. Cependant, c’est une transition qui en vaut toujours la peine : pour la planète, mais aussi pour Nelissen. Elle nous permettra de poursuivre notre croissance à long terme.”
“Nous pensons nous aussi que la durabilité mène à la croissance, ajoute Chris De Roock. En Europe, d’un point de vue politique, l’initiative New European Bauhaus de la Commission européenne encourage activement la construction avec des matériaux biosourcés tels que le bois. Dans la transition de la construction vers 2050, le bois peut jouer un rôle très important.”
Vague de rénovation
Le rapport de la Fédération belge de la brique mentionne aussi explicitement l’élan en faveur des méthodes de construction durables. Actuellement, 85 % des habitations ne répondent pas aux normes énergétiques. Pour atteindre les objectifs climatiques en 2050, le nombre de rénovations doit tripler ou quadrupler.
Pour continuer à jouer un rôle important, chaque fabricant de matériaux de construction devra s’inscrire au mieux dans cette évolution. En d’autres termes, si le Belge a encore une brique dans le ventre en 2050, il s’agira idéalement d’une brique neutre en CO2.
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