La brique doit-elle craindre pour son statut de produit d’investissement solide en Belgique ?

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Avec moins de transactions et des prix de vente stagnants au cours de ce premier semestre, le marché immobilier belge semble avoir perdu un peu de son lustre auprès des investisseurs. La brique doit-elle craindre pour son statut de produit d’investissement solide ?

Ces derniers temps, les investisseurs se sont montrés moins actifs sur le marché de l’immobilier, constate-t-on à l’analyse de la baisse du nombre de transactions immobilières enregistrée au cours du premier semestre 2024. Ce recul de 3,9 % par rapport à la même période en 2023 a eu un impact évident sur les prix, qui se sont stabilisés.

Dans une réaction, la Fédération des notaires a souligné que les règles plus strictes, l’obligation de rénovation et l’incertitude quant au traitement fiscal des revenus locatifs ont un peu refroidi l’appétit des investisseurs. Parmi les transactions réalisées, la part des jeunes acquéreurs augmente et celle des investisseurs diminue en conséquence. Ces chiffres semblent marquer un point d’inflexion après des années d’augmentation des transactions et donc des prix, mais cette conclusion serait exagérée, estime Stijn Paredis. Il observe l’évolution en tant que directeur commercial d’Antonissen Development Group, mais aussi en tant qu’expert en planification financière et en investissement immobilier.

“C’est en effet la première fois depuis des décennies que nous connaissons un refroidissement du marché et c’est précisément pour cela qu’il mérite d’être nuancé. Il s’agit d’un instantané après un mouvement haussier prolongé du marché immobilier. Pour mon propre portefeuille immobilier, je ne suis pas alarmé face à cette évolution et je pense qu’aucun investisseur ne l’est.”

TRENDS-TENDANCES. Malgré cette nuance, le constat reste que les investisseurs ont été moins actifs au premier semestre. Cela a-t-il des conséquences ?

STIJN PAREDIS. Rien n’a changé en ce qui concerne l’intérêt et l’envie d’investir dans la brique, mais ceux qui hésitent à investir aujourd’hui pourraient garder le doigt sur le bouton un peu plus longtemps. C’est d’autant plus inquiétant que cela pourrait causer des problèmes aux sociétés immobilières qui ont investi massivement. Cela pourrait entraîner des faillites et une consolidation du marché.

Cette évolution vous apprend-elle quelque chose sur le modèle d’investissement classique, qui consiste à investir dans de petits appartements situés à un endroit qui justifie des loyers élevés ?

Jusqu’à récemment, les investisseurs aguerris faisaient souvent appel à la règle d’or selon laquelle trois choses comptaient pour un bon investissement immobilier : l’emplacement, l’emplacement et l’emplacement. Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement d’un petit appartement au loyer élevé, situé dans un endroit cher et dans un environnement social bien développé. Je suis convaincu que de plus en plus d’investisseurs se tournent aujourd’hui vers d’autres types de biens immobiliers.

Les investisseurs de type “brick and mortar” fuient-ils vers des niches accessibles avec un certain intérêt de la part des locataires, comme les immeubles de soins de santé ou les chambres d’étudiants ?

Je pense que le succès de ces types de biens réside dans la gestion. Il est vrai que la population vieillit et que les étudiants continueront toujours à vivre dans des kots, mais, par exemple, avec l’essor de l’assistance à l’autonomie, on a vu au bout d’un certain temps qu’il s’agissait davantage d’un investissement pour les investisseurs institutionnels. Ils ont la possibilité de confier la gestion de ce type de biens à des professionnels. En tant qu’investisseur dans des unités individuelles, vous avez de toute façon beaucoup moins de poids. Même dans les grands complexes pour étudiants, le succès dépend énormément de la gestion .

Quel est donc le facteur qui fait évoluer l’investissement basé sur la localisation ?

La durabilité est un facteur qu’il ne faut pas sous-estimer, qui a été ajouté ces dernières années et qui a modifié l’investissement. Cependant, pour le marché résidentiel en particulier, les solutions durables telles que la géothermie restent relativement nouvelles. Nous constatons que certains acheteurs sont encore réticents. Les conversations avec les investisseurs potentiels deviennent plus techniques et portent davantage sur le long terme. C’est devenu plus complexe.

Outre les interventions écologiques et la performance écologique, la durabilité concerne-t-elle également les questions sociales, comme l’investissement dans des propriétés dont le loyer est abordable ?

Les investisseurs sont également sensibles aux thèmes sociaux, pourquoi ne joueraient-ils pas un rôle sur le marché de l’immobilier ? Cependant, les investisseurs ne peuvent pas agir sans les pouvoirs publics. Tant qu’il n’y aura pas d’interventions pour faciliter l’acquisition, les initiatives des investisseurs privés pour aider dans des domaines tels que le logement social ne suivront probablement pas de sitôt. En outre, les gouvernements devraient se rendre compte que si une procédure d’autorisation prend six ou huit ans, un promoteur doit aussi répercuter cette longue période d’attente dans ses prix.

“De plus en plus d’investisseurs se tournent aujourd’hui vers d’autres types de biens immobiliers.” – STIJN PAREDIS

L’émotion peut-elle jouer un rôle dans l’investissement dans des projets immobiliers à dimension sociale ?

La simple existence de l’expression “avoir une brique dans le ventre” prouve qu’un investissement immobilier est parfois chargé en émotions. L’immobilier reste quelque chose de très tangible et ce que l’on voit suscite l’émotion. Dans un portefeuille mobilier, cela ne joue pas de rôle. Toutefois, en tant que planificateur financier, j’essaie de contourner cette émotion avec les investisseurs, même si c’est difficile. Dans tout type d’investissement immobilier, la logique doit jouer avant tout.

Le ratio de l’investisseur indique donc que le rendement locatif doit être suffisamment élevé ?

La majorité des investisseurs s’intéressent d’abord au rendement locatif, car c’est le seul rendement mesurable. Mais même pour les investissements mobiliers, il est impossible de connaître le rendement à l’avance, à moins qu’il ne s’agisse du bon d’État, par exemple. Pour moi, ce qui est particulièrement important, c’est la stabilité de l’immobilier.

Malgré le petit choc que nous connaissons actuellement, le constat reste que notre marché n’a pas connu de crise majeure depuis longtemps. Et même avec la crise du marché immobilier américain en 2008, on peut se demander si c’est l’immobilier lui-même qui a été le coupable. C’est précisément la raison pour laquelle, comme nous l’avons dit, nos hommes politiques continuent à jouer un rôle important.

Je m’attends maintenant à une nouvelle année et demie de difficultés. Si les tensions géopolitiques se stabilisent et que les élections débouchent sur une législation intelligente, je pense que nous pourrons sortir de ce marasme. Je conclurai alors qu’il s’agit d’un marché suffisamment mature et stable pour offrir de belles opportunités à un groupe d’acteurs peut-être réduit.

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