De nouveaux kots voient le jour, mais pas assez rapidement. En raison de la combinaison d’une demande croissante, d’une réglementation plus stricte et d’une pression continue sur les prix, la tension sur le marché du logement étudiant continue d’augmenter.
Une pénurie sur un marché du logement ne se résout pas en un tournemain. Construire prend en effet du temps. C’est à cette logique que se heurte aussi le marché du logement étudiant dans notre pays. C’est ce qui ressort du tout dernier Kotkompas, une analyse annuelle du marché menée par le gestionnaire d’immobilier étudiant Diggit StudentLife et le bureau de conseil immobilier Stadim.
Dans la première édition du Kotkompas, en 2020, les auteurs avaient déjà souligné une pénurie croissante de kots étudiants. Ils estimaient alors le besoin supplémentaire à l’horizon 2030 à 95.000 unités. Comment le Kotkompas arrive-t-il à ce chiffre ? “C’est un calcul simple basé sur quelques statistiques, répond Frederik Boumans, associé chez Stadim. Le nombre d’étudiants internationaux dans notre pays augmente, tout comme le nombre de jeunes Belges âgés de 18 à 23 ans. Si le pourcentage actuel d’étudiants et la part de ceux qui prennent un kot restent stables, cela mène automatiquement à une plus grande demande de kots.”
L’impact de la réglementation
Cinq ans plus tard, l’offre limitée de logements étudiants reste problématique. Pourtant, environ 25.000 nouveaux kots ont été ajoutés durant cette période. Mais la demande augmente également. Et une partie de l’offre disparaît aussi, principalement des kots vétustes.
Frederik Boumans souligne que la réglementation exerce aussi une pression supplémentaire sur l’offre existante de logements étudiants. Souvent, ces règles sont bien intentionnées – améliorer la qualité du logement, mieux protéger les étudiants en kot – mais elles freinent l’offre. Il donne l’exemple d’une résidence étudiante bruxelloise dans laquelle le propriétaire a dû, soudainement – et à l’ère numérique actuelle –, prévoir une boîte aux lettres distincte pour chaque kot. “Une telle mesure effraie les investisseurs, explique Frederik Boumans. Car cela suscite des inquiétudes : ‘Sur quelle base le gouvernement impose-t-il une telle mesure alors que le bâtiment est déjà livré ? Et quelles obligations supplémentaires pouvons-nous encore attendre à l’avenir ?’”
Des règles strictes concernant la superficie minimale des chambres posent parfois aussi problème. Si un kot est trop petit de 20 ou 40 centimètres, il peut être exclu du marché. “C’est encore une fois une offre qui disparaît du marché”, précise Frederik Boumans. Il souligne aussi le caractère insidieux de telles mesures, car la réglementation varie parfois d’une ville à l’autre ou d’une Région à l’autre.
Il faut également faire attention aux mesures de régulation des prix. À Bruxelles, depuis le 1er mai, si le prix demandé dépasse de 20% le loyer de référence, le locataire peut se plaindre auprès de la Commission paritaire locative. “Le système ne s’applique pas encore aux chambres, mais déjà aux studios, appartements et maisons, rappelle Frederik Boumans. Sur un marché où le besoin est déjà important, cela crée un risque supplémentaire pour les investisseurs.”
Des loyers en hausse
La rareté du côté de l’offre a clairement renforcé la position des propriétaires de kots. Cela se traduit notamment par une hausse des loyers. Une chambre d’étudiant dans notre pays coûte aujourd’hui en moyenne 575 euros par mois, toutes charges comprises. Lors de la première édition du Kotkompas, le montant moyen était de 475 euros. Une hausse conséquente de 21%, même si elle reste en ligne avec l’inflation sur la même période, de l’ordre de 20%. “C’est exact, confirme Frederik Boumans. Mais nous parlons ici d’une augmentation moyenne pour l’ensemble du marché belge. En Wallonie, la hausse des prix a été plus limitée, en Flandre et à Bruxelles, elle a été plus élevée.”
L’expert de Stadim se montre quelque peu préoccupé par les investisseurs potentiels qui se laissent convaincre par les arguments de la rareté du bien et de la hausse des loyers pour justifier le prix d’achat élevé d’une chambre étudiante. Lorsque, au début de l’exploitation, le loyer net est inférieur à ce qui avait été prévu, cela peut entraîner des problèmes financiers. Si le prix de vente d’une chambre étudiante est comparable à celui d’un appartement complet, on peut se demander si une telle valorisation est encore économiquement justifiable.”
Bien que la pénurie sur le marché du logement étudiant soit manifeste, la situation varie fortement d’une ville à l’autre. Selon Frederik Boumans, le manque de chambres abordables est plus criant à Bruxelles, Louvain et Gand. Ce qui n’est pas un hasard puisque ce sont les trois plus grandes villes étudiantes du pays. Mais ce n’est pas seulement le nombre d’étudiants qui joue un rôle, le soi-disant taux de kot – la part des étudiants qui prennent effectivement un kot – est aussi déterminant. À Louvain, ce taux de kot est particulièrement élevé, autour de 80%. À Anvers, à peine un étudiant sur cinq prend un kot.

Et demain ?
Revenons au besoin de 95.000 chambres étudiantes supplémentaires d’ici 2030. Environ 25.000 d’entre elles sont désormais en projet ou déjà réalisées. Reste un écart de 70.000 unités. Est-ce réalisable ?
“Non, cela ne nous semble pas réaliste, estime Frederik Boumans. Que va-t-il se passer ? Les acteurs du marché devront nécessairement s’adapter. Les bailleurs sentent qu’ils peuvent encore augmenter les loyers, mais jusqu’où cela peut-il aller ? À un moment donné, certains parents vont tout de même se demander : est-ce encore raisonnable ? Peut-être vont-ils se tourner vers une autre ville étudiante, moins chère, où la même formation est proposée. Ou ils parleront avec leur progéniture pour qu’elle reste à la maison.”
Bruxelles attrayante pour les investisseurs
Bruxelles fait partie du top 10 des villes européennes les plus attractives pour les investissements dans le logement étudiant. C’est ce qu’indique l’investisseur immobilier allemand et gestionnaire de fonds Patrizia dans son premier Student City Index. Selon Patrizia, la demande de logement étudiant en Europe connaît une croissance explosive, ce qui entraîne une pénurie structurelle et un climat d’investissement attractif.L’indice analyse plus de 180 villes universitaires dans 21 pays et offre aux investisseurs institutionnels des perspectives sur les opportunités d’investissement dans le logement étudiant. Patrizia utilise trois critères pour cela : la démographie (population étudiante, internationalisation), le poids académique (réputation académique, perspectives de carrière, qualité de vie) et la structure du marché (pipeline de construction, saturation, liquidité).
Londres, Paris et Berlin occupent les premières places du classement. Bruxelles figure en huitième position. Antonio Marin-Bataller, head of investment management living chez Patrizia, loue dans un communiqué de presse notre capitale comme un marché résilient avec “des fondamentaux solides, une bonne liquidité et une attractivité internationale”. Dans le sous-classement des “marchés émergents”, Anvers occupe la cinquième place.