Jean-Julien et Sonia Houyoux (
co-CEO de Houyoux Constructions): “Les hausses des coûts des matériaux se stabilisent” 

Le promoteur-constructeur de Marche-en-Famenne a décidé de reporter la construction et la vente de certains projets pour s’adapter au contexte économique incertain. Il s’attend à une reprise en 2025. D’ici là, la demande locative restera élevée.

Un duo inséparable. Plus de 30 ans qu’ils sont actifs au sein d’Houyoux Constructions, entreprise familiale spécialisée dans la construction et le développement immobilier. Basée à Marche-en-­Famenne depuis quatre générations (la cinquième est déjà active dans l’entreprise), elle rayonne aujourd’hui dans toute la Wallonie et à Bruxelles. Avec 160 collaborateurs et un chiffre d’affaires qui s’approche des 50 millions d’euros.

TRENDS-TENDANCES. Que représente Houyoux Constructions aujourd’hui ?

JEAN-JULIEN HOUYOUX. Nos principaux secteurs d’activités sont la promotion immobilière, le développement de projets résidentiels pour des tiers, la construction de bâtiments industriels et commerciaux de même que la construction de bâtiments résidentiels et de services. Nous lançons environ 25 chantiers par an. Quant à nos propres développements, il y a encore deux ans, nous construisions une centaine d’appartements par an et en vendions une cinquantaine.

Cela a changé depuis lors ?

J-J. H. Oui, je ne donne plus de chiffres vu la conjoncture actuelle. C’est trop risqué. Nous serons prudents cette année et l’an prochain. C’est-à-dire que nous poursuivons le développement de projets immobiliers mais sans avoir l’obligation de lancer la construction de tel ou tel projet.

L’année 2023 a été compliquée pour de nombreux constructeurs et promoteurs wallons. Comment avez-vous traversé cette période ?

J-J. H. Nous n’avons pas eu le choix : nous avons fait le gros dos et nous avons attendu de connaître des jours meilleurs. Cela s’est traduit par la mise en place d’une politique plus prudente. Le lancement de certains chantiers a été reporté, histoire de s’assurer que nos équipes dédiées à la construction soient disponibles. La commercialisation de certains projets a également été reportée, de manière à avoir davantage de lisibilité sur les prix de vente à afficher. Cette stratégie nous a permis de ne pas devoir faire face à de grosses difficultés.

Les constructeurs ont dû rogner sur leurs marges pour faire face aux contrats signés avant la hausse des coûts des matériaux. Aujourd’hui, vous voyez le bout du tunnel ?

SONIA HOUYOUX. Les hausses se stabilisent en tout cas. En matière de coûts de construction, nous ne reviendrons jamais aux prix que nous avons connus auparavant mais la situation est plus saine. En promotion immobilière, en tant que constructeur-développeur, nous avons eu le loisir de mettre au frigo certains projets dont nous avions le permis de bâtir. Et cela le temps d’y voir plus clair sur les prix de vente et de pouvoir éventuellement adapter les prix à la hausse des coûts de construction. Cela nous a bien aidés pour certains projets. D’autant plus que la promotion immobilière représente 25 % de notre chiffre d’affaires.

Et les perspectives sont meilleures ?

J-J. H. Le marché se stabilise dans des standards plus élevés. Nous retrouvons une certaine prévisibilité qui nous permet de pouvoir calculer à nouveau des devis corrects. Il y a 18 mois, ce n’était plus possible. Depuis début mars, nous observons également que la demande est de retour. Les acquéreurs sont plus positifs par rapport à l’évolution du marché immobilier et ont moins d’incertitudes.

“Nous retrouvons une certaine prévisibilité qui nous permet de pouvoir calculer à nouveau des devis corrects.” – Jean-Julien Houyoux

C’est votre position de construction-développeur qui vous permet d’adapter votre stratégie au contexte économique ?

S. H. Oui, tout à fait. Nous avons postposé de quelques mois le lancement de certaines de nos promotions immobilières, le temps de construire certains projets pour des tiers. Ils ont la priorité. Le développement de projets est surtout un levier utilisé pour faire tourner nos équipes. Pour le moment, nous pouvons activer des permis à Spa (39 unités), Huy (24 unités), Mont-sur-Marchienne (20 unités) et Saint-Servais (34 unités). Et nous avons également deux projets que nous avons construits et que nous mettons seulement en vente aujourd’hui : un immeuble à appartements à Bertrix (22 unités) et un autre à Fosses-la-Ville (33 unités).

Vous êtes actifs dans toute la Wallonie et à Bruxelles. Quelle est votre stratégie en matière de développement immobilier ?

S. H. L’idée est de développer des projets qui nous plaisent, de construire des appartements où nous aurions envie d’habiter. Il n’y a pas de volonté d’être plus présents dans le Hainaut, au Luxembourg ou à Bruxelles. Chaque projet est spécifique. Cela peut être un site à réhabiliter ou un terrain à proximité d’un centre-ville. Cela dépend des opportunités. Quand vous regardez les projets que nous avons développés ces dernières années, ils sont forts différents.

En province du Luxembourg, comment fait-on pour se forger une place à côté d’un ogre comme Thomas & Piron ?

J-J. H. Il y a de la place pour tout le monde. Thomas & Piron est un acteur important dans toute la Wallonie et à Bruxelles, et pas uniquement en province du Luxembourg. En matière de développement immobilier, il se lance également souvent dans des projets d’une taille plus importante.

Comment se porte le marché immobilier en province du Luxembourg ?

S. H. En termes de vente d’appartements, il retrouve quelques couleurs et un certain dynamisme. Nous sommes résolument optimistes. Les bonnes promotions immobilières se vendent. Pour le développement immobilier, nous devons toujours faire face à une durée d’octroi de permis particulièrement longue. Dans certaines communes, il faut 10 ans pour développer un projet. Dans d’autres, comme Fosses-la-Ville, où les promotions immobilières sont plus rares, l’accueil de la commune est bien plus favorable.

Les ventes reprennent donc ?

S. H. Le rythme de vente est plus long qu’auparavant. Mais dans le cadre de nos promotions, qui sont bien différentes, il est difficile de généraliser une tendance. En 2019 et 2022, nous avions deux projets en vente à Arlon : l’un de 160 appartements, l’autre de 88 appartements. Ils se sont vendus extrêmement bien et très rapidement. Même chose il y a peu avec notre projet Central Park de 100 unités à Marche-en-Famenne. Il ne reste que six logements à vendre. Cela dépend bien évidemment des localisations et des produits : Bertrix, Waterloo ou Fosse-la-Ville sont très différents. Au final toutefois, presque tous les appartements se vendent.

Nous mettons également certains biens en location concomitamment à la vente. Notamment les dernières unités plus difficiles à vendre. Cela permet ensuite d’attirer un investisseur qui disposera directement d’un locataire. C’est une façon de travailler à laquelle nous avons régulièrement recours et qui fonctionne bien. Il faut également préciser que le marché locatif est très dynamique. Dans toute la Wallonie, la demande pour des biens locatifs de qualité est énorme. Et puis, vu la hausse des prix, c’est une solution de repli pour certains candidats-­acquéreurs.

L’offre est-elle aujourd’hui suffisamment adaptée à la demande, qui tend vers des appartements plus petits pour les isolés et les ménages monoparentaux ?

J-J. H. Nous faisons justement l’inverse. Devons-nous vraiment vivre dans des boîtes à chaussures ? Au lieu de proposer un appartement standard de deux chambres et 85 m2, nous irons davantage vers une superficie de 95 m2. L’objectif est de construire un appartement confortable. Plutôt que construire un studio classique, nous essayons par exemple de l’aménager pour qu’il ressemble davantage à un appartement d’une chambre. Il s’agit de proposer un produit où l’acquéreur n’est pas obligé de déménager après un an car il est trop petit. Nos projets proposent toujours une offre diversifiée, du studio à l’appartement quatre chambres.

“ ​​​​​​L’idée est de développer des projets qui nous plaisent, de construire des appartements où nous aurions envie d’habiter.” – Sonia Houyoux

Quel regard portez-vous sur l’évolution du Schéma de développement du territoire (SDT) et notamment l’apparition du concept de “centralités” ?

S. H. Nos promotions ont toujours été centrales. Et notre volonté n’est pas de se constituer une réserve foncière importante pour contrer cette réforme. Nous disposons juste de certains terrains que nous pouvons laisser dormir quelques années.

Comment voyez-vous le développement de l’entreprise dans les prochaines années ?

J-J. H. Nous sommes une entreprise familiale avant tout. Nous n’avons jamais couru derrière un chiffre d’affaires ou cherché à nous développer à outrance. Notre croissance est modérée. C’est une volonté assumée de notre part. Ce qui fait que quand une crise arrive, nous pouvons la gérer plus facilement en ajustant certaines variables. Nous n’avons par exemple pas eu besoin de vendre des projets pour retrouver du cash-flow lors de la période compliquée que nous avons traversée. Notre chiffre d’affaires est stable. Notre volonté est de poursuivre dans cette voie à l’avenir.

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