Immobilier: les entrepreneurs flamands ont peur

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Pour la première fois, un petit projet immobilier se trouve bloqué par l’incapacité du gouvernement flamand à parvenir à un accord sur les émissions d’azote.

Ceux qui pensaient que le problème de rejets d’azote, importants en Flandre en raison de l’élevage intensif qui y est pratiqué, ne concernait que les secteurs agricole et, par extension, industriel, se sont trompés. Le Conseil pour les litiges relatifs aux permis (Raad voor Vergunnning­betwistingen – RvVb) vient en effet d’y recaler un banal projet immobilier, portant sur la construction de sept logements, pour absence d’étude en matière de retombées d’azote.

Vu la taille modeste du chantier, son pro­moteur avait pensé pouvoir en faire l’économie. Se contenter d’affirmer que le projet sera “sans incidence” sur une zone Natura 2000 voisine est insuffisant vient en effet de trancher le Conseil, donnant ainsi raison à quelques voisins inquiets des émissions d’azote générées tant par le chantier que par le trafic automobile vers et au départ de ces futures habitations.

La Flandre comptant une soixantaine de zones Natura 2000, certes de tailles diverses mais couvrant au total 12% du territoire, le risque de contagion est réel. En l’absence de cadre législatif, “les permis accordés ne sont que des chiffons de papier”, déplore Marc Dillen, patron d’Embuild Vlaanderen, renvoyant ainsi la balle aux poli­tiques qui, depuis deux ans, se disputent sur ce dossier devenu emblématique.

Légiférer d’urgence

Tout commence en février 2021, lorsqu’un juge annule l’autori­sation de s’étendre accordée à un éleveur de volailles établi à Kortessem en Limbourg. Ce méga-poulailler, estime le tribunal, émettra davantage d’azote et ce faisant, peut causer dommage à une zone naturelle voisine. Toute extension d’activité se trouvant ainsi menacée, il fallait d’urgence légiférer. Le gouvernement s’y attelle. Douze mois plus tard, un accord est trouvé, prévoyant notamment la fermeture en 2025 d’une quarantaine d’exploitations agricoles estimées trop polluantes, parmi lesquelles celle de l’abbaye d’Averbode, très populaire en Flandre. Le Boerenbond s’insurge. Plus de 20.000 protestations sont adressées au cabinet de Zuhal Demir, ministre N-VA en charge de l’Environnement. Le CD&V refuse de mettre à mal tout un secteur – “pour trois arbres et une chauve-souris spéciale”, ironise son patron, Sammy Mahdi. Jan Jambon, ministre-président, rendrait bien son tablier.

Un gouvernement régional ne pouvant tomber en cours de législature, les trois partis au pouvoir – N-VA, CD&V, Open Vld – se remettent au travail. Un nouveau décret est mitonné au cours de l’été 2023 mais sans l’aval du CD&V, pourtant membre de la coalition gouvernementale. Bancal, il ne tient pas la route. Ineos, désireux d’investir des milliards dans le port d’Anvers, se retrouve sans permis et le Conseil d’Etat se montre si critique qu’en novembre, un troisième texte de décret est élaboré. Ce dernier devait, en principe, être voté avant la fin de l’année. Mais un nouvel avis du Conseil d’Etat vient d’être demandé par l’opposition et même si ce dernier revenait favorable, le Boerenbond a déjà annoncé qu’il saisirait la Cour constitu­tionnelle. Entre-temps, l’incertitude demeure.

Guillaume Capron

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