Immobilier: le marché des bureaux reste en rade
Les incertitudes actuelles autour du marché des bureaux à Bruxelles perdurent. La transition énergétique a permis de sauver les meubles en 2024 mais la transformation reste trop lente pour atteindre les objectifs de décarbonation. Et la prudence actuelle des promoteurs n’est pas de nature à rassurer sur l’offre future.
Les années de transition se suivent et se ressemblent sur le front de l’immobilier de bureau. Un terme passe-partout lancé par les agents spécialisés dans l’immobilier professionnel qui leur permet surtout de ne pas plonger dans un catastrophisme ambiant et de tenter de garder la face. Car les résultats annuels qui se profilent pour 2024 à Bruxelles sont loin d’être flamboyants : sur le marché de l’investissement, il s’agira de la pire année depuis 25 ans, alors qu’en matière de location, la reprise se fait attendre même si l’année sera moins dramatique que la précédente.
1. La transition énergétique sauve les meubles
Reprise timide pour les prises en occupation en 2024 avec, selon les estimations de JLL, un bilan de 325.000 m² loués d’ici la fin de l’année. L’élément marquant, mais qui n’est pas nécessairement le plus surprenant, est la place de plus en plus importante prise par les locations de grade A. Elles concernent désormais 56% des transactions alors qu’elles n’étaient que de 32% en 2022. Une proportion qui ne devrait faire qu’augmenter à l’avenir. “En 2024, la reprise est clairement portée par la transition ESG et la décarbonation”, explique Christophe Golenvaux, head of office agency Bruxelles et Wallonie chez JLL.
Rayon transactions, citons les locations de la Commission européenne dans le Montgomery Square (Kolmont), le M34 (Alidès) et dans The Muse (Immobel), de même que celle d’Engie dans l’OXY (Immobel et Whitewood) et l’acquisition du Blue Point par l’Ihecs. “L’Europe a été particulièrement active et devrait encore l’être en 2025 avec cinq transactions supplémentaires (Isala et Realex notamment, ndlr), pointe Christophe Golenvaux. En 18 mois, les institutions européennes auront renouvelé 150.000 m² de bureaux obsolètes.”
2. Un pipeline qui se vide
Près de 295.000 m² de bureaux neufs se sont ajoutés au stock bruxellois en 2024. Si la majeure partie a trouvé un locataire, certains immeubles n’ont pas trouvé preneur (Chancelier, The Louise, Precedent, etc.). Une question de temps vu l’importante demande pour des immeubles de qualité. À ce titre, la différence de qualité entre l’offre dans le CBD (Central Business District) et à l’extérieur de celui-ci devient importante. Vingt-huit pour cent des immeubles disponibles sont de grade A dans le CBD pour 9% en dehors de celui-ci. Le travail à effectuer est donc colossal…
“D’une manière générale, le bâti actuel est de faible qualité à Bruxelles : moins de 15% des immeubles sont en grade A, relève Sébastien Giordano, CEO de JLL Belux. Nous avons calculé que 8,4 millions de m² de bureaux devront être rénovés pour répondre aux objectifs de décarbonation d’ici 2050. Quelque 15 à 20 milliards seront nécessaires pour rénover ce bâti. Les défis sont donc énormes.”
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D’autant que, selon JLL, les principaux acteurs (Europe, Fédéral, Régions) se positionnent encore bien trop lentement dans cette trajectoire de décarbonation. “Beaucoup d’acteurs sous-estiment encore la durée de mise en place d’une telle trajectoire, ajoute Sébastien Giordano. Je suis conscient que certains doivent sortir des modèles habituels pour y parvenir. Mais les premières obligations sont déjà prévues en 2030, cela va arriver vite.”
Et ce ne n’est pas le ralentissement que l’on observe actuellement dans le chef des promoteurs quant aux actifs à acquérir et à redévelopper qui va arranger la situation. Les conséquences de cette situation devant apparaître d’ici trois à quatre ans, avec une probable baisse de l’offre de nouveaux bureaux.
3. Des loyers qui grimpent enfin
Ce n’est pas une surprise : la hausse des coûts de construction couplée à celle des conditions de financement des promoteurs poussent ces derniers à augmenter le prix des loyers qu’ils demandent pour les actifs qu’ils vont redévelopper. En 2024, la barre des 400 euros/m²/an a été franchie pour la première fois par le cabinet d’avocat Paul, Weiss, Rifkind, Wharton & Garrison LLP qui s’est installé dans l’immeuble M10 (Cofinimmo), établissant un nouveau prime rent.
“Le prime rent du CBD est passé de 340 euros/m²/an à 400 euros/m²/an entre 2023 et 2024, Pierre-Paul Verelst, head of research Belux. C’est significatif de la pression actuelle sur les loyers. Toutes les transactions ne s’afficheront toutefois pas à ce tarif-là, la moyenne étant de 295 euros/m²/an pour des immeubles de grade A. Mais l’élément marquant est surtout le différentiel de plus en plus élevé entre les loyers moyens d’immeuble de grade A et ceux de grade C. Il grandit encore pour atteindre une différence de 54% !”
Reste que, pour prendre l’exemple du M10, tous les locataires potentiels ne sont pas encore prêts à naviguer dans de telles sphères de loyers, plusieurs étages encore disponibles le démontrant.
En 18 mois, les institutions européennes auront renouvelé 150.000 m² de bureaux obsolètes.
Christophe Golenvaux
4. L’investissement au plus bas
À l’heure du bilan annuel, le montant qui sortira des calculettes dépassera à peine les 400 millions d’euros en matière de bureau. Soit le pire bilan jamais enregistré depuis que les agents comptabilisent les transactions. Soit plus de 25 ans. Un chiffre qui exclut la méga opération Cityforward (900 millions), pour laquelle l’État belge avait investi 900 millions d’euros pour acheter 23 immeubles situés principalement dans le quartier européen et appartenant à la Commission européenne. Elle peut en effet être apparentée à une transaction d’État à État. Si on englobe tous les segments (retail, logistique, résidentiel, soins de santé, etc.) mais que l’on exclut Cityforward, le volume devrait approcher les deux milliards. Soit le plus bas niveau depuis la crise financière de 2011.
Précisons que ce ralentissement ne concerne pas uniquement la Belgique mais s’étend à toute l’Europe. “L’incertitude pèse sur les faisabilités financières, relève Vincent Van Brée, head of capital markets Belux chez JLL. Les obligations, dont les rendements ont augmenté, attiraient davantage mais l’immobilier retrouve désormais de l’attrait. Bien que certains acteurs attendent des conditions plus favorables pour céder leurs actifs murs, nous n’avons ni constaté d’abandons bancaires ni de ventes forcées majeures. 2025 pourrait être la bonne année pour acheter car les opportunités seront nombreuses et les volumes d’investissement devraient augmenter.”
5. Les propriétaires auront la main
La petite musique de la reprise avait déjà retenti pour les années 2023 et 2024. Elle semble encore résonner cette année dans la tête des professionnels de l’immobilier de bureau : “Je suis convaincu que le marché va reprendre en 2025, espère Christophe Golenvaux. Elle sera portée par la transition énergétique et la forte tendance à la régénération des actifs. La Commission européenne et le Parlement européen vont sortir du bois, de même que la Régie des Bâtiments et les institutions régionales. La banque Crelan cherche un immeuble neuf, la Maison du Travail également. L’offre va rester stable en 2025, ce qui signifie qu’avec la hausse des loyers, on va revenir à un marché où les propriétaires ont la main.”
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