Le marché immobilier belge traverse une phase de turbulences. Les prix progressent modérément, mais la hausse continue des taux hypothécaires étrangle la capacité d’achat des ménages. Le marché du neuf devient quasi inaccessible. Même dans l’immobilier existant, la surface que le candidat acheteur peut se permettre se réduit à vue d’œil.
Le dernier baromètre des prix de l’immobilier publié par Immoweb pour le deuxième trimestre 2025 illustre cette tendance : avec une mensualité de 1.200 euros, les ménages belges peuvent désormais acquérir beaucoup moins de surface qu’il y a un an. À Bruxelles, on est passé de 62 m² à 57 m², à Anvers de 85 m² à 78 m², et à Gand de 88 m² à 81 m².
Malgré une indexation salariale de 3,5 % en janvier 2025, la remontée du pouvoir d’achat immobilier reste limitée. Elle est freinée par la stabilité des taux d’intérêt et la hausse continue des prix de l’immobilier. À l’échelle nationale, le pouvoir d’achat immobilier moyen s’élève à environ 115 m², soit un niveau encore inférieur à celui observé avant la crise des taux de 2022. Au début de cette année-là, le pouvoir d’achat immobilier moyen en Belgique s’élevait à environ 127 m² pour une mensualité de 1.200 euros, selon les données historiques d’Immoweb et Belfius. Elle a ensuite chuté fin 2023 à environ 103 m² (perte de 24 m² liée à la hausse des taux) pour remonter légèrement en 2025. Cela signifie qu’en dépit du rebond, le pouvoir d’achat immobilier reste inférieur de 12 m² à son niveau d’avant-crise.
Hausse des taux hypothécaires
Cette contraction s’explique avant tout par la hausse des taux hypothécaires, qui ont franchi la barre des 3 % en moyenne sur 20 ans. Selon le baromètre des taux Immotheker Finotheker, le taux moyen est de 3,24% à l’heure d’écrire ces lignes. En deux ans, cela représente un doublement du coût de financement, sans que les prix immobiliers n’aient vraiment chuté. En 2022, les taux étaient d’environ 1,52 %.
Le constat est encore plus brutal du côté du logement neuf. Le Baromètre de la construction neuve*, publié conjointement par Matexi et Realo, révèle que seuls 4,2 % des ménages belges peuvent encore s’offrir un appartement neuf, et 2,4 % une maison neuve*. En 2021, ces pourcentages étaient encore de 9,1 % et 4,5 % respectivement. Ce recul important est dû à plusieurs facteurs : une hausse continue des coûts de construction, une remontée des taux hypothécaires et des revenus qui n’évoluent pas aussi vite que les contraintes du marché.
Le neuf, de plus en plus réservé à une minorité
La tendance est particulièrement marquée à Bruxelles, où l’accessibilité au neuf est la plus faible du pays. En Wallonie, les prix évoluent plus lentement (+0,85 % pour les maisons, +1,65 % pour les appartements), mais la tension reste forte. En Flandre, la hausse des prix est plus nette, avec +2,7 % pour les maisons et +2,8 % pour les appartements.
Un rebond de la production de crédits… en trompe-l’œil
Autre donnée qui interpelle : malgré des taux d’intérêt durablement plus élevés, la production de crédits hypothécaires a fortement augmenté en 2025 par rapport à 2024 et 2023. Selon la BCE, le montant total des crédits octroyés entre janvier et avril 2025 est supérieur de +48 % à celui enregistré sur la même période en 2024. Belfius Banque évoque même des volumes quasiment comparables à ceux de l’année record 2021.
Ce phénomène de forte reprise du marché immobilier belge au deuxième trimestre 2025 s’explique par plusieurs facteurs. L’anticipation d’une nouvelle hausse des taux : certains ménages ont signé rapidement pour verrouiller un taux fixe. Les rénovations énergétiques (souvent obligatoires ou incitées) font grimper le montant des transactions. Certaines institutions bancaires ont relâché leurs conditions pour les clients solvables. La réduction des droits d’enregistrement depuis le 1er janvier (à 3% en Wallonie et 2% en Flandre pour l’habitation propre et unique) constitue, par ailleurs, aussi un levier important pour stimuler les achats immobiliers.
Mais ce regain reste fragile. Le nombre de crédits reste historiquement bas, et la majorité des emprunteurs sont aujourd’hui des ménages à haut revenu, souvent à double salaire, capables d’absorber un taux élevé sur 25 ou 30 ans.
Les prix du neuf suivent l’inflation
D’après les données de Matexi et de Realo, les prix d’une maison et d’un appartement neufs moyens ont augmenté respectivement de 2,36 % et 2,50 % par rapport à l’an dernier. Ces hausses suivent le rythme de l’inflation générale, ce qui signifie que les prix restent stables en termes réels. La tendance à long terme d’une hausse progressive des prix se poursuit donc. En Flandre, les prix des maisons neuves comme des appartements neufs continuent leur progression. Les maisons neuves y coûtent 2,68 % de plus qu’il y a un an, les appartements neufs 2,81 %. En Wallonie, la tendance est plus contrastée. Les prix des appartements neufs y ont augmenté de 1,65 %, tandis que ceux des maisons stagnent, avec une hausse limitée à 0,85 %.
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À Bruxelles, où l’offre en maisons neuves est très limitée, seules les données sur les appartements neufs sont disponibles. Celles-ci révèlent une stagnation pour le deuxième trimestre consécutif, avec une évolution annuelle de +0,04 %.
Le neuf inaccessible
Les chiffres le confirment : l’exclusion d’une partie croissante des ménages du marché immobilier n’est plus conjoncturelle, elle devient structurelle. Comme le souligne Roel Helgers, économiste de marché chez Matexi : « La hausse des taux hypothécaires, combinée à l’augmentation des coûts de construction, crée une véritable tempête sur le marché de l’immobilier : le coût d’un bien neuf dépasse de plus en plus souvent le budget des ménages. Que cela se produise à un moment où la demande en logements n’a jamais été aussi forte est particulièrement préoccupant, surtout pour les jeunes familles et les groupes vulnérables. »
Même les prix stables en termes réels, comme à Bruxelles (+0,04 % pour les appartements au T2 2025), ne suffisent plus à inverser la tendance, tant la capacité de financement des ménages a fondu, constate Matexi/Realo.
Une embellie via une baisse des taux ?
La BCE a entamé une politique de baisse des taux, mais les effets sur le crédit hypothécaire ne se feront sentir que lentement. D’ici là, la Belgique devra repenser ses incitants fiscaux, son cadre réglementaire, et sans doute oser poser la question de l’accessibilité comme priorité publique, faute de quoi, l’accès à la propriété deviendra un privilège réservé à une élite urbaine.
En résumé, les prix augmentent modérément, mais les taux hypothécaires élevés font baisser la capacité d’achat. Le neuf devient un marché de niche, accessible à moins de 5 % des ménages. La reprise des crédits est technique et limitée. Il n’y a pas le signe d’une relance en profondeur. Le risque de paralysie du marché grandit, en l’absence d’ajustement des politiques fiscales ou monétaires.
*Matexi/Realo se base sur la simulation avec un prêt hypothécaire à taux fixe sur 20 ans, en supposant que maximum 33 % du revenu mensuel soit consacré aux charges liées au logement. Le calcul suppose un apport équivalent à 20 % du prix d’achat. Il se base sur les taux hypothécaires actuels et les statistiques de revenus de Statistics Belgium. Il tient compte des frais tels que les droits d’enregistrement et la TVA.
*Le Baromètre de la construction neuve suit l’évolution du prix (hors TVA) d’une maison belge moyenne, à savoir une maison trois façades de 160 m2 avec trois chambres, une salle de bains et un jardin. Dans le segment des appartements, le bien de référence est un appartement de 95 m² avec deux chambres et une de bains.