Amid Faljaoui

Immobilier: c’est la fuite fiscale à Bruxelles

Il y a une petite phrase qui circule en ce moment dans les agences immobilières bruxelloises : “Chez nous, les biens ne se vendent pas, ils prennent le temps de réfléchir.” C’est une façon élégante de dire que le marché bruxellois patine sévèrement.

Selon les grands réseaux immobiliers, ERA, Trevi, Honesty… les ventes à Bruxelles ont chuté de 10 % depuis janvier. Dix pour cent, c’est énorme dans un secteur où la stabilité est censée régner. Mais la vraie question, c’est : pourquoi ça coince ?

Eh bien, imaginez un couple d’acheteurs. Ils comparent trois régions. En Wallonie : droits d’enregistrement à 3 %. En Flandre : 2 %. Et à Bruxelles… toujours 12,5 %. La question ne se pose même plus. Bruxelles est devenue le mauvais élève fiscal.

Et pour ne rien arranger, il n’y a toujours pas de gouvernement régional à Bruxelles, presque un an après les élections. On peut même parler d’une année blanche. Résultat : aucune visibilité, aucun cap, et surtout aucun signal pour rassurer les acheteurs ou les investisseurs. Les agents immobiliers le disent : les délais de vente s’allongent, les visites se font plus rares, les vendeurs baissent la tête, les acheteurs lèvent les yeux au ciel.

Euphorie en Wallonie

Pendant ce temps, en Wallonie, c’est l’euphorie : +12 % de ventes sur les quatre premiers mois de 2025. À certains endroits, comme dans les agences Honesty, rachetées par Trevi, c’est même +36 %.

Et le plus ironique dans tout ça ? Plus de la moitié des acheteurs en Brabant wallon viennent… de Bruxelles. On fuit la fiscalité de la capitale pour s’offrir un bout de verdure et 9,5 % de taxes en moins. Mais attention, rien n’est jamais figée et les retournements de situation sont toujours au coin de la rue.

Car si la Wallonie attire, elle commence aussi à… surchauffer. D’après une interpellation parlementaire récente, le prix moyen d’une maison wallonne a bondi de 17,8 % au premier trimestre. On est passé de 240.000 à 281.000 euros en moyenne, en quelques mois.

La fiscalité allégée aurait donc été absorbée, voire dépassée, par la hausse des prix. Résultat : on paye moins d’impôts, mais beaucoup plus pour le bien lui-même. Et au final, le chèque est plus salé qu’avant.

Certains, comme le député Ecolo Freddy Mockel, parlent carrément d’un échec pour la classe moyenne. Les vendeurs s’enrichissent, les jeunes continuent de galérer. Mais du côté du gouvernement wallon, on temporise. Pour le gouvernement à l’origine de cette baisse des droits d’enregistrement, tout cela est encore trop récent pour tirer des conclusions hâtives.

Une bête capricieuse

Alors, qu’est-ce qu’on voit derrière tout ça ?

Une chose très simple : le marché immobilier est une bête capricieuse. Il réagit aux signaux fiscaux… mais il réagit aussi à la politique, à la peur, à l’inaction.

À Bruxelles, on est dans l’attente. En Wallonie, on est dans l’effet d’aubaine. Mais dans les deux cas, ce sont les plus rapides – et souvent les plus aisés – qui en profitent.

La vérité, c’est que les réformes fiscales ne font jamais de miracle. Elles déplacent les déséquilibres d’un coin à l’autre. Elles donnent un coup de pouce, puis elles peuvent enflammer les prix. Et surtout, elles soulignent l’essentiel : pour acheter, il ne suffit pas d’une ristourne. Il faut un cap, une politique claire, et un minimum de confiance dans l’avenir.

Et à Bruxelles aujourd’hui, ce n’est pas la brique qui est en crise. C’est la confiance.

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