Immo : mobiliser les friches pour densifier et rénover les centres-villes du namurois
En province de Namur, les friches sont limitées en termes de superficie, mais elles n’en restent pas moins stratégiques pour développer l’offre de logements. C’est principalement le cas à Namur, mais aussi à Gembloux, Ciney ou encore Sambreville.
La province de Namur comporte des friches, mais on ne peut pas dire que celles-ci inondent son paysage. Du fait du maigre passé industriel du territoire, les grands sites à reconvertir sont peu nombreux, et par ailleurs beaucoup ont déjà fait l’objet de réhabilitations. La ville de Namur en rassemble à elle seule plusieurs exemples comme le Port du Bon Dieu, chancre industriel transformé en complexe résidentiel, l’ancien siège social de la Moutarderie Bister à Jambes qui héberge désormais une vingtaine d’appartements, ou encore les abattoirs de Bomel où se trouvent à présent le Centre culturel de Namur et plusieurs dizaines de logements.
“Ce projet à Bomel a été un franc succès pour la ville car le Centre culturel a permis de recréer de l’animation dans le quartier, et pour nous il fut un succès commercial puisque les 40 logements se sont très bien vendus”, souligne Joël Polus, directeur Prospection & Développement chez Thomas & Piron Bâtiment. Jean-Sébastien Lebutte, agent immobilier chez Trevi Imact à Namur, dresse un bilan similaire pour les autres reconversions : “La Moutarderie Bister a permis une belle réhabilitation dans un quartier déjà vivant, et sa proximité de la gare de Jambes a notamment attiré des habitants d’âge moyen. Quant au Port du Bon Dieu, nous n’avons eu aucun mal à revendre un appartement situé là-bas car les acheteurs apprécient sa situation en bord de Meuse et la qualité de la construction”.
Pour parvenir à un équilibre financier, les développeurs privilégient les friches proches des centres, où la densification est possible.
Ramener de la mixité sociale
En parallèle des reconversions à vocation économique telles que celle du domaine militaire de Belgrade, il reste encore une poignée de sites destinés à des opérations résidentielles dans la capitale wallonne. Les plus vastes concernent les Casernes du Génie à Jambes – zone de 8 ha où il est question d’implanter un nouveau quartier – ou encore l’Emaillerie d’Asty-Moulin à Saint-Servais dont le chantier est en cours. Rassemblant au total pas moins de 334 appartements, ce projet mené par Thomas & Piron représente un fameux défi de par son ampleur, ses caractéristiques (mobilité douce, énergies renouvelables, conservation du patrimoine, etc.) et surtout sa situation dans un quartier moins attractif au départ.
“Qu’un opérateur privé intègre un projet neuf avec ces caractéristiques permet de rebooster ce quartier”, apprécie Stéphanie Scailquin, échevine de l’Urbanisme, de l’Attractivité urbaine et de l’Emploi à la Ville de Namur. “Le projet est proche du centre, du Ravel, des arrêts de bus et services et il vient à proximité de logements publics, ce qui permet de retrouver une mixité sociale à l’échelle du quartier.” Joël Polus est conscient de ces enjeux et confie que Thomas & Piron n’aurait sans doute pas lancé l’Emaillerie sans la réussite précédente à Bomel : “Beaucoup ne croyaient pas dans Asty-Moulin parce qu’ils se basaient sur l’état actuel du quartier, tandis que pour notre part nous avons pris en compte ce qu’il peut devenir. Il y a certes des contraintes sur ce site, mais il est extrêmement bien situé à quelques centaines de mètres de la gare”.
Alors que l’Emaillerie en est encore à ses premières phases de construction, environ la moitié des logements ont été vendus à l’unité et un bloc de 62 appartements a été acquis par l’investisseur ION Residential Platform, qui les proposera à la location. Un bilan plutôt satisfaisant, car la commercialisation des projets de ce type met généralement du temps à démarrer. “Comme on l’a vécu avec Via Romana à Gembloux, ou encore sur le site d’ERP à Ciney, les ventes sont souvent lentes au début car les candidats acquéreurs ont du mal à se projeter, observe Joël Polus. Ce sont des projets à grande échelle, et il faut être prêt à vivre les premières années au milieu d’un chantier – même si nous phasons les travaux de façon à limiter les nuisances.”
Une façon de densifier les centres
Outre cette commercialisation souvent lente, les promoteurs qui se lancent dans la reconversion des friches doivent s’attendre à des difficultés et coûts supplémentaires liés à la démolition des éventuels bâtiments, à la pollution des terrains, etc. Pour parvenir à un équilibre financier, les développeurs privilégient donc les friches proches des centres, où la densification est possible. Une approche qui répond par la même occasion aux objectifs wallons de développement territorial. “L’étalement urbain n’a plus lieu d’être aujourd’hui, et pour répondre aux enjeux du ‘Stop béton’, il est nécessaire de reconvertir les espaces existants, avec ou sans démolition”, souligne l’échevine namuroise Stéphanie Scailquin. Les reconversions permettent de maintenir la trace de sites souvent emblématiques tout en offrant de nouveaux espaces de logement dans des quartiers où il n’y a parfois plus d’espaces libres pour construire. Ces projets peuvent aussi être des exemples de nouvelles manières d’habiter et de se déplacer, car on y intègre souvent des aspects de mobilité douce et de mixité sociale.”
Dans le reste de la province de Namur, les réhabilitations se concentrent aussi dans et autour des grands pôles habités. On peut citer Ciney, où le site EPC accueille désormais un nouveau quartier, ou encore Sambreville qui fait l’objet de plusieurs reconversions à visée économique (site Saint-Gobain) ou résidentielle (Résidence Samara), en plus du vaste projet de quartier “Ville + Sambre + Ville” sur un site presque vierge en bord de Sambre. A Gembloux, après la transformation de la Sucrerie en quartier mixte il y a plusieurs années, c’est désormais le site Eurofonderie en face de la gare qui va connaître une nouvelle vie. “Avec ses 3 hectares, c’est presque une exception à l’échelle namuroise, où les friches présentent plutôt des superficies sous l’hectare”, souligne Pierre-Hugues Charlier, directeur du développement et des projets chez Actibel, groupe immobilier intervenant dans la reconversion d’Eurofonderie – dont le site appartient à Euro-Gembloux.
Le projet est au stade des démolitions et d’ici une dizaine d’années, 395 logements et 7.000 m2 de fonctions complémentaires devraient s’ériger à la place des anciens bâtiments industriels. On parle donc d’un développement progressif, qui se justifie par l’ampleur du site mais aussi par le voisinage immédiat de Green Station, un autre projet de plus de 500 logements. A l’heure où le marché immobilier neuf tourne au ralenti à cause des coûts élevés de la construction et des emprunts, on peut en effet se demander si ces quelque 1.000 logements trouveront facilement acquéreurs…
“Nous restons prudents car les investissements sont très lourds – il y a plus de 10.000 m2 à déconstruire et désamianter – mais la situation d’Eurofonderie est un triple A en termes de développement immobilier, donc la commercialisation ne devrait pas poser de souci, estime Pierre-Hugues Charlier. La gare de Gembloux toute proche est l’une des plus importantes de Wallonie et se situe juste avant Ottignies sur la ligne de train qui mène vers Bruxelles, donc nous espérons notamment attirer des acheteurs qui ne trouveraient pas de logements à des prix acceptables en Brabant wallon.”
Fabrizio Cipolat, Directeur développement territorial au BEP Namur: “ Demain, des plus petits sites dans des villages pourront aussi susciter l’intérêt ”
Vous avez analysé l’inventaire wallon des Sites à Réaménager (SAR)*; quelles sont les particularités de ceux-ci en province de Namur ?
L’inventaire fait état d’environ 1.300 hectares de SAR à Namur, ce qui représente 0,4% du territoire provincial. Il s’agit d’un potentiel important mais fragmenté en 633 sites, dont la grande majorité font de moins de 2,5 hectares. On trouve davantage de zones à réhabiliter sur le sillon Sambre et Meuse, mais il n’y a pas vraiment de forte concentration. Par ailleurs, de nombreux micro-sites (scieries, etc.) liés à des activités du début de l’industrialisation sont éparpillés dans les zones rurales.
Quelles sont les destinations possibles pour ces sites ?
Etant donné les superficies limitées, nous avons identifié peu de sites pour développer des parcs d’activité économique classiques. Il y a une minorité de sites situés dans des centralités, donc ceux-ci devraient recevoir une attention particulière du secteur privé comme public pour y développer du logement ou des équipements. Pour ceux hors des centralités, diverses options pourraient être étudiées comme la production d’énergies renouvelables (photovoltaïque), des cultures à haute valeur ajoutée, etc. Comme la stratégie wallonne vise une zéro artificialisation nette du territoire, certains SAR pourraient aussi jouer un rôle de compensation effective (par exemple en devenant des zones vertes) si l’on doit consommer de l’espace ailleurs.
Quelles sont les perspectives pour le futur ?
Pour l’instant, ce sont surtout les gros pôles qui ont attiré les investisseurs pour des réhabilitations mais je pense que demain, des plus petits sites dans des villages pourront aussi susciter l’intérêt parce que les communes namuroises possèdent un beau degré d’attractivité en termes de logement. De plus, comme la politique va limiter l’urbanisation de manière globale, une rareté va se créer au niveau du potentiel de construction. Les projets de démolition/reconstruction et de reconversion de sites vont augmenter en intérêt par le simple jeu de l’offre et de la demande.
*SAR : Bien immobilier ou ensemble de biens immobiliers qui a été ou qui était destiné à accueillir une activité, à l’exclusion du logement et dont le maintien dans son état actuel est contraire au bon aménagement des lieux ou constitue une déstructuration du tissu urbanisé.
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