Immo à la mer: un ralentissement bienvenu
Les ventes s’essoufflent, l’offre s’intensifie et les prix ont cessé de grimper. L’immobilier, y compris côtier, dessoûle. Mais contrairement à ce qui se passe dans le reste du pays, les taux d’intérêt ne sont pas le principal responsable de ce phénomène.
Les agents immobiliers aiment le mouvement, mais pas démesurément. Alors que d’aucuns se souviennent des confinements comme d’une période de “calme bienvenu”, qui permettait d’“enfin faire autre chose”, personne, dans les agences immobilières du littoral, n’a oublié l’ambiance de folie qui régnait alors. La ruée vers l’immobilier côtier était telle que certains enchérisseurs, de même que certains candidats à l’achat et propriétaires, ont eu des mots, les agents immobiliers étant alors contraints de faire office de médiateurs.
Ceci explique peut-être pourquoi nombre de ces agents apprécient le ralentissement constaté aujourd’hui. Car l’activité immobilière en bord de mer s’est bel et bien calmée. En 2022, les notaires ont enregistré 14% de transactions en moins qu’en 2021, et les chiffres des trois premiers mois de cette année relèvent de la même veine.
La décélération est perceptible sur le marché des constructions neuves également. Bart Versluys, CEO du promoteur immobilier Groep Versluys, s’attend à ce que le nombre de transactions soit cette année inférieur de 20% à 25% à ce qu’il était pendant la crise sanitaire. Pas de panique toutefois: “Après plusieurs années record, le marché s’est tout simplement normalisé”, rassure-t-il.
David Degroote, co-CEO du promoteur Vastgoedgroep Degroote, fait une analyse similaire: “Nous retombons sur terre, déclare-t-il. L’année 2021 a été extraordinaire. Aucun promoteur ou entrepreneur n’a réussi à suivre le rythme. Alors, oui, si l’on compare avec cette année hors du commun, on peut dire que nous assistons aujourd’hui à un net ralentissement. Pour autant, le marché est loin d’être décevant. Nous avons achevé l’exercice 2022 sur un chiffre d’affaires supérieur à celui de 2019, qui était déjà excellent. On peut difficilement parler d’atterrissage brutal.”
“On savait qu’une correction suivrait.”
Le chiffre d’affaires sur lequel Vastgoedgroep Degroote a clos les premiers mois de 2023 s’est inscrit dans le prolongement de celui de 2022. Le fléchissement de l’activité ne surprend en rien David Degroote. “La pandémie a incité beaucoup de gens à accélérer leurs projets d’achat d’une résidence secondaire à la côte, dit-il. Cela a provoqué un boom des ventes, mais on savait qu’une correction suivrait.”
L’essoufflement de l’activité se reflète dans les prix, dont la longue période d’accélération est arrivée à son terme en 2022. Le prix médian des appartements a cédé 2,1%, pour tomber à 230.000 euros. Pour les appartements sur la digue, les notaires constatent même un recul de 5,3%, à 269.000 euros.
Moins sensible aux relèvements de taux
L’offre et la demande se sont rééquilibrées. Pendant la crise du covid, le marché a été résolument vendeur: “bien des propriétaires qui avaient osé réclamer un prix fou l’ont obtenu”, témoignait l’an dernier dans ces pages l’agent immobilier Frank Rouseré (ERA laPlage). Cette “folie” n’est désormais plus de mise.
Le notaire Bart Van Opstal observe aujourd’hui plus de réalisme chez les clients: “L’achat d’une résidence secondaire est dans une large mesure un coup de cœur, mais l’aspect économique s’impose désormais davantage, résume-t-il. Cela se voit au nombre croissant de propriétés proposées très tôt à la location touristique. Chose remarquable, beaucoup d’entre elles sont belles et luxueuses. Les gens cherchent à couvrir une partie de leurs frais fixes, bien plus qu’à obtenir quelques pour cent de rendement locatif”.
“Une baisse des prix? Je n’en crois rien. S’ils pouvaient déjà se stabiliser un peu…”
Le tassement généralisé des prix masque d’importantes disparités locales – à telle enseigne que sept communes enregistrent en réalité des hausses (voir le tableau ci-dessous). Pour les agents immobiliers que nous avons interrogés, les prix, globalement, “se maintiennent”. Une constatation que confirme le fournisseur de données immobilières SmartBlock ; entre mai 2022 et 2023, cette société note même une progression de 7% des prix de vente (demandés).
Les statistiques doivent être interprétées avec prudence. “Une baisse des prix? Je n’en crois rien, lance Christophe Decock, agent immobilier chez Century 21 Sea Port à Nieuport. S’ils pouvaient déjà se stabiliser un peu…” Or les statistiques du notariat évoquent, à Nieuport précisément, une chute de 19,6%. Une correction aussi prononcée (ou, inversement, une augmentation extrême) au sein d’une commune trahit souvent un changement profond de la qualité des biens. L’évolution du rapport entre les ventes d’appartements neufs (plus chers) et anciens (moins chers) peut, elle aussi, faire fluctuer considérablement les statistiques.
Un coût qui s’emballe
Ce qui semble être le cas à la mer. En 2022, les appartements neufs représentaient 14,5% de la part du marché côtier ; c’est “le pourcentage le plus faible de ces cinq dernières années”, indique le très récent Baromètre de la côte de la Fédération du notariat.
Pour l’instant, les prix sur le marché de l’immobilier neuf semblent se maintenir. D’après les calculs de SmartBlock, le prix médian a atteint 4.777 euros par mètre carré, en hausse de 6% en glissement annuel (voir le tableau “Prix des appartements neufs à la côte”).
Pour les promoteurs, l’inflation des coûts de construction empêche actuellement les prix de baisser. “Notre prix moyen est de 15% à 18% plus élevé qu’il y a 15 mois, déclare David Degroote. Nous répercutons deux tiers environ de la flambée des coûts de construction sur le client, mais notre marge est grevée du dernier tiers.”
Bart Versluys table sur une appréciation des appartements neufs cette année encore. Car le coût de la promotion immobilière s’est emballé lui aussi, affirme-t-il: “La complexité et, parfois, la longueur des procédures de demande de permis provoquent de nombreux retards”.
Les coûts, pour les promoteurs, se sont sans conteste envolés. Si la demande devait dégringoler, les prix de vente suivraient certainement, mais ce scénario ne semble pas être à l’ordre du jour. A l’intérieur du pays, en revanche, le malaise pourrait avoir des répercussions plus marquées. Un vaste groupe de clientèle – celui des investisseurs – se désintéresse en effet du marché, alors qu’au littoral, les biens sont principalement acquis pour l’usage et l’agrément de leurs propriétaires.
A l’intérieur des terres toujours, les relèvements de taux entraînent un enchérissement des crédits, qui pèse sur le budget des candidats à l’achat d’un bien qu’ils destinent à leur usage personnel. Quant aux petits investisseurs, ils se demandent si le jeu en vaut toujours la chandelle, car à l’immobilier de rapport recommencent à se substituer des produits d’investissement à revenu fixe.
“Plus des trois quarts de nos clients achètent sans avoir à emprunter.”
L’achat d’une résidence secondaire étant souvent majoritairement financé par l’épargne, l’immobilier côtier est moins sensible au phénomène. “Des collègues actifs à l’intérieur du pays me disent que cinq dossiers sur dix sont rejetés par la banque, relate Christophe Decock. Le littoral n’a pas ce problème.”
Une déclaration que David Degroote confirme, tout en la nuançant: “Plus des trois quarts de nos clients achètent sans avoir à emprunter. Nous ressentons donc en effet moins les répercussions de l’accroissement des taux d’intérêt. Reste que celui-ci pèse sur le moral, ce qui rend les acheteurs potentiels légèrement plus frileux.”
Ostende en tête de liste
En Flandre-Occidentale, le littoral se taille la part du lion en termes de nombre de ventes. Selon le Baromètre de la côte, les 10 communes qui bordent nos 67 km de plage concentrent un tiers des transactions réalisées au sein de la province. Près de la moitié de ces transactions sont recensées à Ostende, Knokke et Coxyde. Avec une part de 19,1%, Ostende a dominé le marché l’an passé. Knokke (hors Heist-sur-Mer: 5%) occupait 15% du marché en 2022, contre 17,3% encore en 2018.
Selon Thomas Moerman, administrateur du promoteur Rietveld Projects, c’est le segment du luxe qui résiste le mieux au rebond des taux d’intérêt: “Le segment de prix le plus élevé ne souffre d’aucun ralentissement. Cette clientèle a les fonds et veut se faire plaisir”.
Le PEB, les pieds dans l’eau aussi
Comme partout ailleurs cette fois, l’écart entre les prix des biens convenablement isolés et ceux des passoires énergétiques se creuse. “Que dit le certificat PEB?” est souvent la première question que posent les candidats à l’achat, témoigne Christophe Vermeulen, responsable de l’agence Dewaele Vastgoedgroep à Ostende. “Une PEB défavorable complique la vente. C’est pourquoi nous suggérons d’emblée de prendre des mesures visant à faire passer la performance énergétique de D à C, sans quoi l’offre n’intéressera personne. Jadis, rien de tout cela n’était nécessaire, la maison ou l’appartement se vendait de toute façon.”
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Christophe Vermeulen ajoute que dans le contexte des copropriétés, investir dans l’efficacité énergétique n’est pas toujours une sinécure. “Surtout depuis qu’un certificat de performance énergétique est obligatoire pour les parties communes, ce qui engendre des désaccords fréquents. Les associations des copropriétaires ne sont pas toujours disposées à investir pour qu’un propriétaire puisse vendre plus facilement son appartement”, constate-t-il. Bart Versluys note que dans maints immeubles anciens, le décalage avec la réalité est immense: “Certains de ces immeubles sont plus que vétustes et supplient qu’on les démolisse, synthétise-t-il. Une situation qui n’est pas encore pleinement comprise par tous les résidents, tant s’en faut.”
Chez Immo Albatros, à La Panne, Bram Haerhout constate que les biens à la PEB médiocre deviennent peu à peu invendables. “Nous avons en portefeuille quelques biens estampillés F, relate-t-il. Plus personne ne prend la peine de venir les visiter. Sur la côte, le certificat PEB est aujourd’hui le troisième critère aux yeux des clients, après l’emplacement et le prix.”
A propos des chiffres
• Les prix de vente des maisons et des appartements sont extraits des statistiques de la Fédération du notariat belge. Il s’agit des prix médians des ventes sur les marchés tant secondaire que du neuf. Les prix médians sont moins sensibles aux extrêmes que les prix moyens.
• Les prix des constructions neuves sont ceux publiés par SmartBlock, qui collecte et traite des données immobilières issues de diverses sources (annonceurs, agences, promoteurs). Les extrêmes et les doublons en ont été ôtés.
• Les prix cités au fil des articles ont été collectés auprès d’agents immobiliers, de prestataires de services immobiliers, de notaires, de promoteurs et de particuliers, ce qui permet d’identifier les tendances de fond du marché résidentiel de chaque station balnéaire. Pour le lecteur qui souhaite disposer de l’estimation exacte d’un bien, ou du prix de location d’un appartement précis, consulter un professionnel reste indispensable.
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