“Il n’y a pas 36 leviers pour réduire le prix des logements”
Edouard Herinckx, CEO de Thomas & Piron, s’inquiète de la diminution d’acheteurs potentiels qui se profile à l’horizon.
Thomas & Piron est le principal acteur wallon en matière de construction et de rénovation, avec un chiffre d’affaires record grimpant à 923 millions en 2022 et 1.222 logements vendus. Nous avons interrogé son CEO, Edouard Herinckx, dans le cadre de notre dossier Propriétaire, un rêve bientôt inaccessible ? publié cette semaine dans Trends-Tendances.
– TRENDS-TENDANCES. Quel regard portez-vous sur les difficultés actuelles du marché immobilier?
– EDOUARD HERINCKX. La hausse des taux d’intérêt a bien évidement secoué les investisseurs. D’autant que les rendements sur les comptes d’épargne sont quelque peu remontés. J’ai toutefois le sentiment que les gens sont en train de s’habituer à des taux oscillants entre 3,5% et 4%. Ils se rendent compte qu’ils ne vont pas descendre et qu’il faudra digérer ces nouveaux standards. Les salariés ont également bénéficié d’une hausse des salaires de 11%, ce qui compense quelque peu les différentes hausses de prix. Mais pour nous, le plus important reste la confiance que les banques peuvent fournir aux candidats-acquéreurs. C’est un vrai baromètre de nos activités.
– Le nombre d’acquéreurs potentiels de vos promotions diminue. Une inquiétude pour la pérennité de votre business?
– C’est un point sur lequel nous sommes particulièrement attentifs. Nous cherchons depuis quelque temps la manière de rendre nos logements plus abordables. Une réponse, parmi d’autres, sera de proposer dès la rentrée de septembre des logements évolutifs. Soit des habitations qui permettent de greffer des modules supplémentaires en fonction des besoins de la vie ou des capacités financières. Une innovation dans laquelle nous croyons beaucoup.
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Ces modules devront être prévus dès la demande de permis d’urbanisme et pourront être construits, ou non, au fil du temps. Des éléments doivent encore être finalisés sur le point urbanistiques mais nous avons bon espoir d’apporter une solution abordable pour construire des logements.
– Une piste parmi d’autres?
– Non, il n’y a pas 36 leviers pour réduire le prix des logements. Diminuer la taille des habitations en est une importante. Compresser les coûts en est un autre. Pour le reste, cela passe par des évolutions urbanistiques ou fiscales.
– La question de la fiscalité, un clou sur lequel vous tapez régulièrement…
– Il est anormal de payer une TVA de 21% pour la construction et, deux ans plus tard, en cas de divorce, de devoir revendre son bien avec uniquement 12,5% de droits d’enregistrement. En France, un délai de cinq ans a été instauré. Actuellement, en Belgique, il faut patienter entre 10 et 12 ans pour récupérer sa mise. Cela freine clairement les mutations.
– Tout le monde a-t-il encore suffisamment accès au marché immobilier aujourd’hui?
– Non, tout comme il est vrai que certains promoteurs ne s’aventurent plus dans des communes ou des villes où il n’est plus possible de trouver un équilibre financier. Pour le reste, je ne pense pas que les jeunes vont se retirer du marché. Ils vont par contre plutôt décaler leur investissement dans le temps, histoire de se constituer des fonds propres plus conséquents.
“Donnez-nous des permis plus rapidement et les logements deviendront plus abordables.”
Mais le marché locatif n’est pas mieux loti: il a également connu d’importantes hausses ces derniers temps. Je lance donc cet appel au monde politique: donnez-nous des permis plus rapidement et les logements deviendront plus abordables. Tous les économistes affirment que ce n’est qu’en augmentant l’offre que les prix se stabiliseront. De plus, la qualité de vie que les occupants peuvent avoir avec le marché neuf est incomparable par rapport à une habitation ancienne. La baisse de consommation énergétique vaut pratiquement une bonne partie d’un remboursement d’un prêt.
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