Tram à Liège: quelles sont les conséquences économiques des travaux ?

Le retour du tram à Liège - BELGA PHOTO JESSICA DEFGNEE

Les travaux du tram à Liège ont déjà fait couler beaucoup d’encre depuis 2019, année des débuts du chantier. A la veille des élections communales, le nouveau gouvernement régional décide de ne pas procéder aux prolongations prévues par son prédécesseur et cela alimente encore les débats. Trends Business Information y apporte sa contribution, en analysant l’impact que ces travaux ont eu sur le tissu économique des quartiers concernés par les 5 ans de travaux.

Nous procèderons en 2 étapes. On commencera par regarder comment le tissu économique de la province a vécu les 5 dernières années. Cela fixera le cadre de comparaison pour analyser la même période dans la zone du tram. Tous les chiffres datent du 30 juin 2024.

Le dynamisme économique de la province de Liège

La Région Wallonne comptait, au 30 juin 2024, 412.635 entreprises. 30% d’entre elles sont actives en province de Liège, soit 124.228. Le Hainaut occupe de justesse la 1ère place avec 125.644 entreprises.

Mesurer le dynamisme économique d’une zone peut se faire de plusieurs façons. Commençons par son attractivité et sa capacité à attirer de nouveaux entrepreneurs.

Les starters
Province2019202020212022202330/06/2024
Liège8.1127.9629.1219.1549.1654.549

Pas de souci de ce côté-là, au contraire. 2021 a été une belle année de rattrapage après la crise du corona en 2020, avec 9.121 nouvelles activités. Mais contrairement à ce qu’on pouvait croire, les créations de nouvelles entreprises se sont maintenues à ce beau niveau en 2022 et 2023. Pour 2024, il semble que la promesse sera encore une fois tenue et qu’on atteindra les 9.000 starters sur l’année.

Mais il y a mieux encore. Le Hainaut créait 9.000 entreprises en 2019, soit 888 de plus que Liège. En 2023, l’écart n’était plus que de 54 unités, sans que le Hainaut ne connaisse de baisse (9.219 starters). Au 30 juin 2024, l’écart n’est plus que de 9 starters.

Mais s’il est important d’attirer de nouvelles entreprises, il est aussi important de ne pas en perdre plus qu’on en crée.

Evolution nette de la population des entreprises
Province2019202020212022202330/06/2024
Liège1.2401.3542.099761369574

Certes, cette croissance nette du tissu des entreprises actives a connu une nette diminution à partir de 2022. Mais le phénomène est général et la province de Liège est de loin celle qui a la plus forte croissance. Elle devrait même être la seule en Région Wallonne à dépasser les 1.000 entreprises supplémentaires en 2024. Au 30 juin toujours, la croissance n’est que de 144 en Hainaut, soit la plus petite croissance de toute la Région.

Un autre bon indicateur, de santé cette fois, est de mesurer le taux de survie des entreprises. Une entreprise est un projet à long terme. Si elle ne tient pas dans la durée, il y a un problème .

Taux de survie au 30/06/2024
Zone20192020202120222023
Région Wallonne65,68%70,70%75,75%82,19%90,79%
Liège64,84%70,11%75,68%81,92%90,91%

On regarde ici quelle est la proportion d’entreprises créées au cours des années qui sont toujours actives au 30 juin 2024.

Historiquement, la province de Liège fait moins bien que la Région. Mais les choses évoluent, puisque, pour la 1ère fois en 2023, la tendance s’est inversée. Par contre, les chiffres globaux restent alarmants. Une entreprise sur 11, créée en 2023, n’est déjà plus active à mi-2024 et une sur trois ne tient pas 5 ans. Le province la plus performante en la matière est le Brabant Wallon, où presque 71% des entreprises créées en 2019 sont encore actives au 30 juin 2024.

On terminera cette petite analyse régionale par le taux de faillites dans les arrêts d’entreprises.

Part des faillites dans les arrêts
Zone2019202020212022202330/06/2024
Région Wallonne11,14%9,11%7,98%8,45%9,32%11,40%
Liège15,13%10,26%8,83%8,45%11,20%12,83%

Les entreprises arrêtent leurs activités pour plusieurs raisons. La faillite est la plus mauvaise d’entre elles. La province de Liège était, en 2019, de loin, la province où ce taux était le plus élevé. 2022 mise à part, elle a toujours été au-dessus de la moyenne régionale. Au 30 juin 2024, elle a repris la triste tête du classement, avec 1 arrêt sur 8 causé par la faillite.

La zone du tram

Au 30 juin ce cette année, 10.354 entreprises étaient actives dans la zone du tram.

Quartiers INSEtablissements secondairesSiègesTotal
BONNE-NOUVELLE143474617
CAMPAGNE-DE-SCLESSIN257196
CATHEDRALE317565882
CORONMEUSE-MORINVAL49197246
DARCHIS242575817
DROIXHE51149200
FERONSTREE168420588
FRAGNEE116284400
HALLE DES FOIRES111223
JOSEPH-TRUFFAUT111728
LA GROTTE3482116
MAGHIN91339430
PARADIS173441614
ROME88336424
SAINT-CHRISTOPHE110353463
SAINTE-MARIE243705948
SAINT-JACQUES116334450
SAINT-JEAN4616061067
SAINT-LAMBERT4266791105
SCLESSIN-CENTRE3488122
STANDARD325284
TERRASSES108295403
VAL-BENOIT39118157
VERTE-VOIE195574
Total3.1077.24710.354

A côté des 7.247 sièges d’entreprises, 3.107 autres y avaient aussi un établissement secondaire, à une autre adresse donc que leur siège.

Le tissu est dense, mais l’érosion est forte. C’est 3,55% de moins qu’un an auparavant. Sur la seule dernière année, la zone a perdu 1.91% des sièges et 7,17% des établissements secondaires qui y étaient encore actifs au 30 juin 2023.

Le taux de survie des entreprises dans la zone du tram est aussi problématique.

Années complètesTaux de survie
201956,04%
202062,03%
202166,58%
202279,79%
202387,41%

Au 30 juin 2024, 1 entreprise sur 8 créée en 2023 dans la zone avait déjà arrêté ses activités. Pour les constitutions de 2019, on se rapproche dangereusement d’une sur deux.

Si on regarde les chiffres du 1er semestre de chaque année, c’est encore plus frappant.

1er semestreTaux de survie
201953,89%
202063,64%
202163,97%
202276,80%
202385,51%
202498,93%

Durant les 6 premiers mois de cette année, 1% des nouvelles entreprises n’est déjà plus active et c’est le cas d’1 sur 7 pour celles crées en 2023, qui ont maximum un an et demi et on est encore plus proche d’une sur deux après 5 ans.

La part des faillites dans les arrêts d’activités est historiquement très élevée dans la zone du tram. Ce sont des quartiers commerçants avec beaucoup d’horeca et ces activités sont malheureusement traditionnellement porteuses de défaillances. En 2019, le taux était de 16,82%. Il est de 13,19% sur les 6 premiers mois de 2024. C’est plus que le taux de la province et encore bien plus que celui de la Région.

Moins dramatique, mais très significatif, les déménagements d’entreprises donnent une bonne idée de l’attractivité d’une zone pour des entreprises existantes. En 5 ans, le solde net des déménagements est négatif de 219 entreprises. 1.168 ont quitté la zone et 949 s’y sont installées.  

Et cela va peut-être redessiner la zone, car 135 entreprises, soit 14,23% des déménagements vers la zone, ont déménagé vers le quartier du Paradis, qui est le seul à avoir gagné des entreprises (70) sur la période. Au contraire, Le quartier Sainte-Marie est à 53 pertes nettes.

Mais ces mouvements de déménagements se tassent en 2024. Sur les 6 premiers mois de 2024, il y a eu 59 sorties pour 53 entrées. On est loin des 246 sorties et 215 entrées pour tout 2023. On voit donc que le solde (-6) se rapproche tout doucement de l’équilibre, ce qui est de bonne augure pour 2025.

Les commerces ont beaucoup souffert.

Mais les liégeois voient ce qu’ils voient en se baladant dans le centre-ville. Et ce qu’ils voient, ce sont des vitrines vides. Si on s’attarde sur les commerces, 629 d’entre eux ont arrêté leurs activités sur les 5 ans des travaux. Et si 76 commerces ont décidé de déménager vers la zone, 122 l’ont aussi quitté pour s’installer ailleurs. Il faut espérer que ces activités-là reviendront rapidement. Mais ça, c’est un débat bien plus large, qui ne dépend pas uniquement des pouvoirs locaux, mais aussi du comportement des consommateurs, de leur pouvoir d’achat et de leur propension de consommer.

Conclusion

Si la zone directe a été fortement impactée, la province n’en n’a pas vraiment souffert. Il y a eu beaucoup de départs. Ils diminuent en 2024 et les entrées les compensent. On peut donc espérer un renflouement dès 2025.

Aujourd’hui, certains quartiers, comme Saint-Lambert ou Sainte-Marie ont beaucoup perdu. Le quartier Paradis semble être le grand gagnant.

Les grands travaux d’infrastructure sont indispensables. Les pouvoirs publics ont le devoir de les réaliser. Mais leur impact sur le tissu économique local est majeur. Il est donc très important de gérer ces travaux au mieux, le plus rapidement possible.

Reste à voir à quelle vitesse la situation va se rétablir et avec quel type d’entreprises cela se fera. Cela dépendra des pouvoirs publics locaux, mais aussi des Liégeois eux-mêmes. L’économie repose toujours sur un équilibre et on a finalement jamais que ce qu’on mérite.

Le succès se mesure à long terme. Et ça, c’est pour 2025 ou 2026.

A suivre donc.

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