En pleine jungle, la nouvelle capitale de l’Indonésie

Nusantara est le plus grand projet d'infrastructure de la présidence de Jokowi. © BELGAIMAGE

“Jokowi-polis” est à l’image de son créateur: pétrie d’ambitions mais en proie à une planification hasardeuse…

Dans une partie reculée de Bornéo, le vrombissement des tronçonneuses s’intensifiera en 2023 à Nusantara, la nouvelle capitale de l’Indonésie, actuellement excavée dans la jungle.

En janvier 2022, le parlement indonésien a promulgué une loi approuvant la proposition du président Joko Widodo de déplacer la capitale de Jakarta, le siège actuel du gouvernement, à Bornéo, dans l’est du pays. A la moitié de son deuxième et dernier mandat à la tête du pays, le président, surnommé Jokowi, espère que Nusantara incarnera son héritage en tant que constructeur en chef du pays. Si elle ne sera terminée qu’en 2045, la ville en dit déjà beaucoup sur son fondateur, homme pétri d’ambitions et qui n’hésite pas à parfois bâcler le travail…

Trois fois Singapour

Ancien fabricant de meubles, Jokowi a dédié sa présidence aux constructions de grande envergure, et ce n’est pas peu dire. Son gouvernement a ainsi bâti des dizaines d’aéroports, de ports et de barrages, ainsi que des milliers de kilomètres de routes à péages. Nusantara, qui fera plus de trois fois la taille de Singapour, n’est pas seulement le plus grand projet d’infrastructure de la présidence Jokowi. C’est “sans doute la plus grande entreprise, tant sur le plan technocratique que politique, de l’histoire de l’Indonésie”, écrivent Yanuar Nugroho et Dimas Wisnu Adrianto de l’ISEAS-Yusof Ishak Institute, un think tank singapourien.

Moteur de croissance

Sa démesure est à la hauteur des ambitions de Jokowi. Ce dernier espère qu’elle deviendra le moteur de la croissance économique future de l’Indonésie, en créant plus de 4 millions d’emplois en 20 ans, tout en devenant la ville la plus écologique au monde et le symbole inclusif de la nation. En déplaçant la capitale de Java, une île qui domine la politique et les affaires du pays, vers le centre de l’Indonésie, Jokowi veut indiquer qu’il gouverne au nom de tous les Indonésiens.

Impact environnemental

Or, Nusantara, comme de nombreuses initiatives de Jokowi, a été en proie à une planification hasardeuse et à un mépris douteux des valeurs démocratiques. Tout d’abord, son prix ahurissant s’élève à 466.000 milliards de roupies (29 milliards de dollars). Le gouvernement affirme que 80% de son coût sera pris en charge par des investisseurs étrangers, même si aucune offre sérieuse ne semble avoir encore émergé.

On peut sans doute supposer que le gouvernement n’a pas pris en compte les effets de toutes ces constructions sur la forêt tropicale, étant donné que l’évaluation sur ses conséquences environnementales n’a été publiée qu’après la décision de déplacer la capitale. Par ailleurs, pendant les discussions sur ce déménagement, le Parlement n’a pas consulté la population, comme la loi l’y contraint.

Cette approche verticale du gouvernement est parfaitement illustrée par sa décision de renier la démocratie représentative de la nouvelle capitale. Jokowi a nommé un responsable de la ville qui ne doit rendre des comptes qu’à lui-même. Cela en dit long sur ce président qui se jette à corps perdu dans une frénésie de construction, mais qui néglige les fondements démocratiques de son pays.

Charlie McCann, correspondant pour l’Asie du Sud-Est à “The Economist

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