Eclaircies attendues pour l’immobilier neuf
Le nombre d’appartements neufs vendus en Belgique en 2023 n’a jamais été aussi faible en cinq ans. Un recul – attendu – qui s’explique notamment par les multiples incertitudes liées à la hausse des taux et des prix de même qu’au manque de projets. Quelques éclaircies apparaissent toutefois dans la grisaille, laissant transparaître un vent d’optimisme pour 2024.
L’immobilier neuf avance plus que jamais en ordre dispersé. Les promoteurs ont aujourd’hui pratiquement autant de stratégies que de recours à leurs basques. Certains développeurs ont fait une croix sur les villes wallonnes excentrées du fait de prix de vente trop faibles par rapport aux coûts de construction. D’autres ont obtenu leur permis mais rechignent à l’activer en espérant des jours meilleurs. Sans parler de ceux qui cherchent à revendre leur projet ou à s’associer pour limiter les risques financiers. Et n’oublions pas, plus classiquement, les développeurs embourbés dans d’interminables procédures de délivrance de permis. Une situation compliquée pour bon nombre de promoteurs immobiliers : la hausse des taux, des coûts de construction et de la TVA sur les opérations de démolition/reconstruction les ayant assommés et fait partir en fumée la rentabilité espérée au départ.
Un ralentissement qui se traduit dans les derniers chiffres des notaires : 2023 est la pire année depuis cinq ans en matière de vente d’appartements neufs en Belgique. Sur 100 appartements vendus, seuls 15 étaient neufs. Et sur 100 appartements neufs vendus, 74 l’ont été en Flandre, 4 à Bruxelles et 22 en Wallonie.
Confiance et stabilité des prix
Dans ce ciel bien sombre, il y a toutefois des éclaircies. Et des raisons de croire à un rebond du marché. Les ventes d’appartements neufs semblent reprendre depuis peu à Bruxelles, une série d’investisseurs et d’acquéreurs-occupants repassant désormais à l’action. “On assiste clairement à un changement depuis le début de l’automne, lance Nicolas Laporta, CEO de Y, une société lancée en juin qui propose à un promoteur d’externaliser la vente et le marketing de ses projets, en y plaçant une équipe chargée de l’entièreté de la vente. Bien sûr, une vente prend plus de temps, il faut démarcher 20 personnes au lieu de 10 pour concrétiser une transaction. Mais, au final, les biens sont vendus.
L’immobilier neuf résiste et le bashing qu’il subit n’est pas toujours mérité. Les taux baissent également depuis la fin de l’année : certains clients négocient un crédit à 20 ans à 2,8 % voire 3 %. Cela change tout.” Un constat partagé du côté de l’agence immobilière Victoire, active sur le segment moyen et haut de gamme. “Je pense que le pire est derrière nous, analyse Thierry Kemp, responsable du département neuf chez Victoire. Nous sentons depuis quelques semaines que les prises de contact reprennent de manière bien plus intensive. Les acquéreurs retrouvent une certaine confiance dans l’immobilier. Ils digèrent les nouvelles conditions du marché. La plupart des incertitudes s’envolent : les taux hypothécaires se stabilisent et diminuent même quelque peu, les coûts de construction n’augmentent plus et les prix du neuf sont stables. Cela permet aux acquéreurs d’y voir plus clair.”
Le marché est bien évidemment différent d’il y a deux ans mais il n’est pas au point mort.” – Nicolas Laporta, CEO de Y
Tant du côté de Y que de Victoire ou d’autres agences, les responsables s’insurgent quand ils entendent que le marché du neuf est à l’arrêt. Ils estiment que le ralentissement est indéniable mais que les ventes se sont poursuivies et tendent à s’accélérer. “Depuis notre création, nous avons signé des contrats pour plus de 100.000 m² (300 millions de valeur de ventes, Ndlr), l’équipe s’est étendue de 3 à 15 personnes et, depuis janvier, le head of sales d’ION, Matthias Elewaut, une pointure, nous a rejoints pour développer la Flandre, empile Nicolas Laporta. Si le marché était à l’arrêt, nous n’en serions pas là. Le marché est bien évidemment différent d’il y a deux ans mais il n’est pas au point mort. Nous ne sommes pas des magiciens mais, avec une approche différente, nous parvenons à vendre des appartements.”
Une offre à faire gonfler
Reste qu’un ménage qui ne dispose plus des capacités financières suffisantes pourra difficilement passer à l’acte, quel que soit le discours persuasif du vendeur. “La hausse des taux a été un vrai problème tout comme la frilosité des banques dans l’octroi des crédits, poursuit Nicolas Laporta, qui a séduit des promoteurs tels qu’Artone, Thomas & Piron Home, Cores ou encore E-maprod. Les candidats à l’achat se méfient, ont un peu perdu la confiance. Nous devons donc parfois repréciser leurs besoins, leur conseiller de réduire leurs ambitions, en prenant un appartement d’une chambre au lieu d’un deux chambres. Ou encore demander d’avoir une certaine flexibilité en matière de localisation. Il faut également mieux les accompagner sur le plan financier de manière à éviter les annulations. Emprunter à un taux de 3 % reste très intéressant, d’autant que les prix du neuf vont continuer à augmenter. Une plus-value est donc à attendre à moyen terme.”
Un optimisme, bien naturel pour un commercial, qui transparaît toutefois également chez ses confrères. “Nous ne sommes pas revenus au niveau de ventes de 2018 et 2019 mais la demande revient vraiment en force depuis fin 2023, lance Thierry Kemp, dont le bilan 2023 est meilleur que celui de 2022. Le vrai problème pour retrouver les standards passés est surtout le manque de projets mis en vente. Ils sont insuffisants même si bon nombre de projets sont attendus en 2024. L’environnement général devient positif. Je suis en tout cas bien plus optimiste pour 2024 qu’il y a quelques mois. Reste que pour bien analyser la situation du neuf, il faut surtout se rendre compte qu’il y a plusieurs marchés résidentiels et, qu’en fonction de la localisation, ils diffèrent complètement. Certains promoteurs sont revenus à la raison et n’augmentent plus leur prix de manière déraisonnée. La commercialisation d’un projet est dorénavant plus longue qu’en 2021 mais ce n’est pas inquiétant. Nous retrouvons des standards plus classiques. Les promoteurs doivent également accepter de gagner un peu moins et de ne plus vendre aussi vite qu’avant. Les enjeux environnementaux du bâti sont tels que le marché ne peut faire que se reprendre.”
Vente en bloc : vrai départ ou pétard mouillé ?
Le marché résidentiel locatif neuf est-il en pleine croissance ou les multiples ventes auxquelles nous avons assisté fin 2023 sont-elles liées à un concours de circonstances ? Les ventes en bloc d’appartements neufs se sont en tout cas enchaînées ces derniers mois. C’est lié dans certains cas aux besoins de certains promoteurs de retrouver du cash, dans d’autres à des fonds d’investissement de dépenser leur argent avant la fin de l’année. Le résultat reste le même : les investisseurs institutionnels sont à l’affût.
Surtout ION Residential Platform (IRP) qui a signé trois acquisitions avec le projet Twin Falls d’Eaglestone à Woluwe-Saint-Lambert, le projet John Martin au centre d’Anvers et une partie du projet Asty Moulin à Namur. A Louvain, c’est KBC Insurance qui a acheté le projet neuf Nightingale. Et plus récemment, Eaglestone a vendu le volet résidentiel de son projet K-Nopy (dans le quartier européen) à un investisseur privé.
“Les promoteurs sont plus que jamais ouverts aux ventes en bloc, une tendance déjà bien connue dans la plupart des pays en Europe mais qui n’était que balbutiante en Belgique et à Bruxelles en particulier, estime Kristof Buelens, directeur du département Capital Markets chez JLL BeLux. Cette professionnalisation ira de pair avec une hausse des loyers, quoique ce phénomène soit déjà largement en cours un peu partout en Europe.”
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