Comment le marché immobilier bruxellois va profiter de l’abondance des capitaux étrangers
Les grands fonds de pension, assureurs et autres fonds d’investissement sont dans les starting-blocks. Vu le contexte économique favorable, ils devraient s’approprier des actifs de choix dans les 18 prochains mois. Bruxelles séduit de plus en plus les Asiatiques.
“Nous nous attendons à un premier trimestre record, vu l’abondance de capitaux étrangers sur le marché de l’investissement, lance Adrian Glatt, directeur du capital markets Belux chez JLL. Il devrait y avoir pour plus de 2 milliards de deals en Belgique rien que dans les trois premiers mois. La vente du shopping de Woluwe s’est bouclée vendredi dernier pour 425 millions d’euros. Suivront Rive Gauche, Docks Bruxsel ou encore les immeubles de bureaux Passport et Egmont I et II. C’est exceptionnel. ” Et ce alors que, pour toute l’année 2017, le montant des transactions s’est élevé à 3,5 milliards d’euros, tous secteurs confondus. Nul donc besoin d’autres chiffres pour démontrer la tendance actuelle du marché de l’immobilier professionnel. Les gros investisseurs se bousculent, leurs poches sont pleines et ils doivent dépenser cet argent dans les 18 prochains mois, histoire de profiter de conditions économiques particulièrement avantageuses. Tels des taux d’intérêt relativement bas, une inflation stable et une croissance économique à la hausse. Bref, tant les promoteurs que les propriétaires, avocats ou autres courtiers se frottent actuellement les mains. Un petit monde qui dissimule d’ailleurs mal son enthousiasme à l’idée de voir d’importants investisseurs étrangers mettre la main sur des actifs belges, tels que des centres commerciaux, immeubles de bureaux, hôtels ou autres. ” Il y a clairement des deals intéressants à effectuer, même s’ils prennent plus de temps à se concrétiser “, lance Jean-Philip Vroninks, CEO de JLL Belux.
L’apport d'”equity” change la donne
Un enthousiasme qui transparaissait, jeudi dernier, dans les couloirs de l’Investors Forum, un séminaire organisé par le courtier immobilier JLL et par l’Urban Land Institute qui a rassemblé plus de 300 décideurs, développeurs et acteurs de l’immobilier. Les patrons d’Allianz Real Estate (West Europe), de La Française, de Klépierre, d’Eurocommercial Properties, de Codic ou encore d’AG Real Estate avaient notamment fait le déplacement, histoire de détailler leurs bonnes recettes en matière d’investissement. ” Les grands groupes ont actuellement énormément d’épargne et d’ equity (fonds propres) entre leurs mains, comme les assureurs et les fonds de pension “, précise Matthew Richards, responsable du capital markets pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique chez JLL. L’immobilier reste, pour eux, une bonne alternative pour maintenir les rendements promis. Et si ces acteurs déplacent leur investissement de 1 % vers l’immobilier, ce sont des capitaux gigantesques qui arrivent sur le marché. Ce qui change par rapport à 2007, c’est que ce volume d’investissement n’est pas créé par la dette mais bien par l’ equity. Ce qui est beaucoup plus sain. ”
Un contexte qui donne le sourire à tout le monde sur le marché belge. Il est bien évidemment très intéressant d’avoir un marché où les liquidités coulent à flots. Cela démontre notamment le dynamisme d’une ville. ” Et ce cycle d’investissement devrait durer plus longtemps que le précédent, vu les perspectives économiques “, estime Adrian Glatt. Seul le manque de biens de qualité pourrait quelque peu freiner les ambitions de certains. Bruxelles possède quelques actifs de qualité à vendre, tels que les bâtiments Egmont I et II (Cofinimmo), le Montoyer 47 (Urbis Development), l’Arts 56 (Axa), la Tour des Finances (Breevast), le Passport (Codic), mais ce n’est pas suffisant. ” Le marché est actuellement à l’avantage du vendeur, note Jean-Philippe Vroninks. Cela a évolué en ce sens ces quatre dernières années. Le taux de rendement le plus élevé est à 4,5 %, ce qui est historiquement bas. Le loyer moyen le plus élevé est quant à lui en hausse, à 300 euros/an/m2. De quoi entraîner une augmentation de la valeur d’apport ( capital value) de 15 %. ”
Augmenter la part de résidentiel
Un attrait qui se ressent de plus en plus auprès des grands investisseurs internationaux. Comme par exemple la branche immobilière de l’assureur Allianz. ” Bruxelles est un marché stable, avec un faible taux de vacance dans le CBD (Central Business District) et une offre assez basse, explique Alexander Gebauer, le CEO d’Allianz Real Estate pour l’Europe de l’Ouest, le second investisseur mondial en immobilier, qui lorgne l’un ou l’autre actif bruxellois. A contrario, il est très dépendant des institutions européennes et du secteur public, possède un marché qui n’est pas très liquide et peu d’actifs de qualité alors que ses loyers stagnent depuis cinq ans. Mais comparé à d’autres villes européennes, Bruxelles a beaucoup d’atouts. ” Si la part du résidentiel sera croissante dans le portefeuille des investisseurs dans les prochains mois, histoire de résorber le retard accusé sur ce point par rapport aux Etats-Unis, la diversification sera toujours de mise. Comme dans le retail. ” Notre priorité est de réaliser des extensions de nos centres commerciaux, fait remarquer Cyrille Deslandes, directeur des investissements chez Klépierre, qui possède pour 23 milliards d’actifs dans 16 pays européens. Cela concentre 80 % de notre portefeuille de 3,3 milliards d’investissement. Par ailleurs, on regarde également attentivement les actifs qui sont en vente, dont notamment ceux en Belgique. ”
L’année 2018 devrait donc être florissante. D’autant que les investisseurs prennent aujourd’hui davantage de risques qu’auparavant, ce qui leur permet bien évidemment d’obtenir un rendement plus élevé. Un exemple : les investissements dans des actifs plus sécurisés sont passés de 73,7 % entre 2012 et 2016 à 45,7 % en 2017. ” C’est la preuve que les grands investisseurs sont décidés à passer à la vitesse supérieure, lance Adrian Glatt. Mais il ne faut pas non plus croire qu’ils vont surpayer certains actifs. Ils restent raisonnables… “
En 2017, 21 % des investissements effectués en immobilier en Belgique ont été l’oeuvre d’Asiatiques. Un record. Ils n’avaient jamais connu un tel taux de pénétration auparavant. A titre de comparaison, cette proportion s’élève à 9 % aux Pays-Bas, à 0 % en France – un marché trop cher pour eux – et à 8 % pour la moyenne européenne. Des investisseurs sud-coréens se sont d’ailleurs appropriés trois des cinq principaux deals l’an dernier, avec l’achat du quartier général d’Engie par Hyundai (400 millions), du Meeus 8-16 par Korea Investment & Securities (206 millions) et du Brederode par POBA (122 millions). ” Les investisseurs asiatiques prennent une nouvelle place sur le marché, lance Jean-Philip Vroninks. En 2007, leur présence était inexistante, elle est aujourd’hui bien plus prégnante. Leurs investissements étaient davantage réglementés par les Etats locaux. Ce n’est plus le cas. Ils sont donc à la recherche de produits qu’ils n’ont pas chez eux. Reste que tous les voyants doivent aujourd’hui être parfaitement alignés pour qu’une transaction se boucle. Surtout quand il s’agit de montants supérieurs à 300 millions d’euros ou qu’il s’agit de catégories d’actifs un peu moins sécurisées. ”
Et si Bruxelles séduit, c’est principalement dû à la grande stabilité du secteur, à la forte présence du secteur public et à la facilité de comprendre les tenants et aboutissants du marché. ” Les Asiatiques ne devraient pas performer aussi bien en 2018 et 2019, note Adrian Glatt. Ils sont principalement intéressés par des biens situés dans le quartier d’affaires bruxellois (Léopold, Nord et Louise) et dont la transaction excède les 100 millions. Ce type de bien n’est pas légion. Ils resteront bien présents mais il n’y a pas qu’eux sur le marché. Les Français, les Américains et les Anglais feront bonne figure. “
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici